Le centre de Gaza-ville, jadis connu pour ses embouteillages, ses galeries commerciales et ses cafés, s'est transformé cette semaine en paysage "apocalyptique", avec des corps jonchant les rues et des immeubles aplatis, au terme d'affrontements particulièrement intenses entre le Hamas et Israël.
"L'armée israélienne s'est retirée du quartier Al-Rimal, laissant derrière elle des destructions massives et des bâtiments incendiés. Nous sommes patients mais la situation est si difficile qu'on ne peut pas la supporter", se désespère Tariq Ghanem, 57 ans, enseignant. "Il y a des corps sur la route depuis quelques jours voire une semaine et personne pour les récupérer", poursuit-il.
L'armée israélienne n'a pas confirmé s'être retirée de la ville de Gaza, où elle avait renforcé cette semaine son offensive et appelé 300.000 à 350.000 personnes à fuir, d'après l'ONU.
Vendredi matin, alors que des habitants ont entendu dire que des soldats avaient quitté les lieux, certains se sont rendus sur place pour constater les dégâts et la Défense civile a dépêché ses équipes. Elle dit avoir trouvé une soixantaine de corps dans deux quartiers du sud-ouest (Tal al-Hawa, al-Sinaa) qui s'additionnent aux quelque 60 autres dépouilles retrouvées la veille dans un quartier de l'est, Choujaïya, théâtre de combats pendant deux semaines. Selon Mahmoud Basal, porte-parole de la Défense civile, des dizaines d'autres corps jonchent encore "les routes et les décombres" de Tal al-Hawa et al-Sinaa, où les recherches se poursuivent.
Le long de la corniche qui borde la mer Méditerranée, dans ce centre-ville où siégeaient les bureaux, où les habitants sortaient et faisaient des emplettes, des bâtiments entiers ont été aplatis, d'autres calcinés. La tour d'une dizaine d'étages de la "Banque Palestine" n'est intacte qu'au sommet. Les premiers niveaux semblent avoir été soufflés. Partout, le sol est poussière, détritus, bouts de ferraille et de béton, a constaté un correspondant de l'AFP. "Dans la ville de Gaza, vous pouvez regarder dans chaque direction et le niveau de destruction dépassera votre imagination", relate auprès de l'AFP Louise Wateridge, porte-parole de l'Unrwa, l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens.
Après une visite de terrain, elle qualifie la situation d'"apocalyptique", alors que la guerre à Gaza est entrée dans son dixième mois.
Déjà lors de précédentes guerres, notamment en 2021, le quartier Al Rimal central avait été lourdement endommagé, l'armée avait dit y viser les galeries souterraines. Cette fois, l'armée affirme avoir opéré notamment dans le quartier général de l'Unrwa, accusant l'agence onusienne de laisser faire le Hamas qui y a pris ses quartiers. Elle indique avoir trouvé de nombreuses armes, l'entrée d'un tunnel souterrain et un atelier souterrain de confection d'armes à proximité, alors que l'Unrwa a expliqué avoir quitté les lieux en octobre.
Aujourd'hui, un mur du bâtiment était noir de suie. Sur une autre cloison, un message : "Gaza, promis nous la reconstruirons".