La Douma, chambre basse du Parlement russe, a voté en faveur d'une loi permettant d'interdire toute organisation étrangère "indésirable", renforçant ainsi un arsenal législatif s'en prenant pour l'heure aux ONG. Cette législation, déjà utilisée contre les médias indépendants et les ONG en Russie, ne couvre actuellement que les organisations non gouvernementales étrangères.
Mais le nouveau projet de loi, qui doit encore passer deux lectures et être approuvé par la chambre haute du Parlement puis le président Vladimir Poutine, supprime le mot "non gouvernemental", ouvrant la possibilité de frapper n'importe quelle organisation étrangère.
L'un des auteurs du projet de loi, Vassili Piskariov, dans des commentaires aux médias russes le mois dernier, avait donné l'exemple du British Council, déjà interdit d'activité en Russie depuis 2018, ou du média allemand Deutsche Welle, également interdit. "Toute organisation qui travaille contre notre pays doit être reconnue comme indésirable et répudiée", a déclaré Piskariov à la télévision.
"Cette lacune juridique doit être supprimée", a abondé dans son sens le président de la Douma, Viatcheslav Volodine.
Le statut d'"indésirable" oblige les organisations concernées à fermer leurs portes en Russie. Et les Russes qui travaillent pour elles, les financent ou collaborent avec elles peuvent également être passibles de poursuites. Les auteurs du projet de loi défendent une loi qui, selon eux, visera à "minimiser l'influence destructrice" de certaines organisations étrangères.
La Russie a dressé pour la première fois une liste d'organisations "indésirables" en 2015. La liste compte désormais 178 noms. Parmi les derniers en date figurent la Fondation Carnegie pour la paix internationale (Carnegie Endowment for International Peace), un think-tank américain, ou encore le journal indépendant Moscow Times.
Lancé en 1992, peu après l'effondrement de l'URSS, ce média de référence, qui publiait en langues anglaise et russe, avait déjà été désigné "agent de l'étranger" en novembre 2023, poussant la plupart de ses collaborateurs à quitter le pays. Le statut d'"organisation indésirable" est plus infamant encore et rend ses collaborateurs passibles de poursuites au pénal en Russie. Des personnes ont été mises à l'amende simplement pour avoir partagé des liens ou des articles publiés par des organisations classées "indésirables", selon le site d'information Mediazona, spécialisé dans les affaires judiciaires et la répression.
En vertu de la nouvelle loi, les dirigeants d'une organisation "indésirable" risquent jusqu'à six ans de prison. Toute forme de participation à l'organisation peut être punie d'une peine pouvant aller jusqu'à quatre ans de prison.