Des habitants de Haïfa regardent avec méfiance le port industriel tentaculaire qui borde la troisième ville d'Israël, conscients des risques d'une frappe majeure du Hezbollah en provenance de Liban, dont la frontière est à une trentaine de km.
La cité descend en cascade le long d'une colline escarpée jusqu'à la limite du port, un complexe qui abrite la plus grande raffinerie de pétrole d'Israël, des réservoirs de carburant géants et d'autres sites sensibles. Les souvenirs de la guerre de 2006 avec le Liban y sont encore vifs. De multiples roquettes du mouvement islamiste libanais Hezbollah s'étaient alors abattues sur la ville, réduisant des maisons en ruines et faisant plus d'une dizaine de morts.
Haïfa est à nouveau dans le collimateur de l'Iran et de ses alliés, qui ont juré de riposter à l'assassinat fin juillet à Téhéran de l'ex-chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, imputé à Israël, et à la mort quelques heures auparavant du chef militaire du Hezbollah dans une frappe de l'armée israélienne près de Beyrouth.
"Bien sûr, c'est une préoccupation majeure, surtout après ce que nous avons vu il y a quatre ans dans le port de Beyrouth", confie à l'AFP Patrice Wolff, un habitant de longue date, en référence à la gigantesque explosion en 2020 au port de Beyrouth, qui avait fait 220 morts et au moins 6.500 blessés, dévastant des pans entiers de la capitale libanaise. "Nous savons à quel point une explosion dans cette zone peut être dommageable, nous en sommes donc très conscients. Et nous espérons vraiment que ce ne sera pas si grave", ajoute-t-il.
Les quelque 280.000 habitants de Haïfa connaissent la procédure : si la sirène d'alerte aérienne retentit ou s'ils sont alertés par smartphone, ils disposent d'une minute pour rejoindre un abri antiaérien ou une zone sécurisée. Patrice Wolff dort avec son téléphone à côté de lui. "Nous sommes tous très conscients du risque et nous savons ce qu'il faut faire si les choses tournent mal. Nous avons reçu des instructions de la protection civile sur le comportement à adopter", dit l'homme de 58 ans.
"Nous espérons que les choses n'en arriveront pas là, mais nous sommes très exposés car nous sommes en ligne droite avec le Liban", ajoute-t-il.
La montée des tensions a fait chuter le nombre de touristes dans cette ville tranquille, où vivent juifs, musulmans et chrétiens. "Il y a moins de touristes aujourd'hui, il y en avait beaucoup avant. Les affaires tournent au ralenti", explique Nadia Abu-Shaker, du Humus Abu Shaker, un restaurant populaire à proximité du port.
"Beaucoup de gens ont peur et ne sortent pas de chez eux, ils ne vont nulle part", ajoute-t-elle.
Mais la perspective d'une attaque n'effraie pas Madame Abu-Shaker, qui a vécu les frappes du Hezbollah en 2006, et celles de 1991, lorsque des missiles irakiens ont frappé sa maison. "S'il y a une guerre, je n'ai pas peur parce que je sais que Dieu nous protège", dit-elle.