Canada : la vice-Présidente Chrystia Freeland démissionne

Le projet du président américain élu d'augmenter les taxes douanières secoue encore le gouvernement canadien. La vice-Première ministre et ministre de l'Économie a démissionné lundi 16 décembre sur fond de désaccord avec Justin Trudeau. 

Image
Chrystia Freeland

La ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, le mercredi 20 septembre 2023, à New York. 

AP Photo/Julia Nikhinson
Partager 2 minutes de lecture

Les menaces de Donald Trump d'augmenter les taxes douanières n'en finissent plus de secouer le Canada : la vice-Première ministre a surpris, ce lundi 16 décembre, en démissionnant. En cause, les divergences avec Justin Trudeau sur la façon de gérer la guerre économique qui se profile avec son puissant allié.

"Nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada", au moment où le pays est confronté à "un grand défi", a écrit Chrystia Freeland, qui était également ministre des Finances, dans sa lettre de démission. Le document a été adressé au Premier ministre et diffusé sur X.

L'intention du président élu américain de passer les droits de douanes à 25% avec ses voisins a créé une onde de choc au Canada, qui a pour premier partenaire les États-Unis, où partent 75% de ses exportations.

"Guerre tarifaire"

Parlant d'une possible "guerre tarifaire", elle estime qu'il "faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave", dans une allusion probable aux coups de pouce fiscaux accordés récemment aux particuliers par le gouvernement Trudeau.

(Re)lire Hausse des taxes douanières ou annexion : le Canada doit-il s'inquiéter des moqueries de Donald Trump ?

La numéro 2 du gouvernement a démissionné quelques heures seulement avant de présenter au Parlement le bilan économique de l'automne, un document qui devrait montrer un déficit budgétaire beaucoup plus important que prévu pour les années 2023 et 2024.

Longtemps parmi la garde rapprochée de Justin Trudeau et même un temps pressentie pour lui succéder, cette anglophone de Toronto de 56 ans a occupé plusieurs postes de ministre depuis l'arrivée au pouvoir du libéral en 2015. 

De 2015 à 2017, cette polyglotte et ancienne journaliste a été ministre du Commerce international et a supervisé la négociation réussie du Ceta, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Elle a ensuite été ministre des Affaires étrangères de 2017 à 2019, avant de devenir vice-Première ministre et la première femme à occuper la fonction de ministre des Finances.

Une nouvelle épine dans le pied de Trudeau

Fin novembre, Justin Trudeau a fait un aller-retour surprise en Floride pour rencontrer Donald Trump et évoquer la question douanière. Depuis, il multiplie les rencontres, notamment avec les Premiers ministres des provinces, affolés par les menaces américaines.

Doug Ford, à la tête de l'Ontario, a déclaré la semaine dernière que la province pourrait en réponse couper toutes ses exportations d'électricité vers les États-Unis. Mais rien ne semble indiquer jusqu'ici que Donald Trump pourrait changer sa position. 

TV5 JWPlayer Field
Chargement du lecteur...

Dans ce contexte tendu, la démission de celle qui occupait dans le gouvernement le poste le plus important après celui de Justin Trudeau est une nouvelle épine dans le pied du chef du gouvernement. Son bureau a refusé jusqu'ici de commenter le départ de Mme Freeland, tout comme la plupart des ministres à la sortie du conseil.

Le gouvernement dans un "état de choc et de panique"

"Ça ne peut plus durer", a réagi Pierre Poilievre, le chef des conservateurs, lors d'une conférence de presse. "Justin Trudeau a perdu le contrôle, mais il s'accroche au pouvoir." Le Premier ministre, qui a annoncé son intention de se représenter dans les mois qui viennent, est déjà très affaibli par plusieurs récents revers politiques.

"C'est un désastre total", lâche Lori Turnbull, professeure de l'Université Dalhousie. "Cela place le gouvernement dans un état de choc et de panique", analyse-t-elle. "Je pense qu'il est beaucoup plus difficile pour M. Trudeau de rester Premier ministre, car il perd une certaine légitimité."

Je pense qu'il est beaucoup plus difficile pour M. Trudeau de rester Premier ministre, car il perd une certaine légitimité.

Lori Turnbull, professeure de l'Université Dalhousie. 

Les prochaines législatives doivent avoir lieu au plus tard le 20 octobre 2025, mais beaucoup d'analystes estiment que le gouvernement a peu de chances de tenir jusque-là. Le gouvernement a déjà survécu depuis septembre à trois motions de censure.

C'est "vraiment un problème" pour le Premier ministre, renchérit Geneviève Tellier, spécialiste de la politique fédérale. Selon elle, "c'est la première fois qu'on voit quelqu'un au cabinet contester le leadership de Justin Trudeau. Jusqu'à présent, tout le monde au conseil des ministres était solidaire".