Covid-19 : Neil Young et Joni Mitchell contre James Blunt, les artistes divisés sur la désinformation sur la plateforme Spotify

Les artistes Neil Young et Joni Mitchell ont retiré leurs chansons de Spotify, s'opposant à l'existence du podcast de l'animateur antivax Joe Rogan sur cette plateforme. Au contraire, James Blunt a promis de nouvelles chansons pour soutenir cette décision. Ces initiatives mettent les plateformes de streaming face à de nouveaux débats sur la désinformation, à l’instar des réseaux sociaux.

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Neil Young Joe Rogan
Le musicien Neil Young (à gauche) s'oppose à l'animateur américain Joe Rogan, et à son podcast qui véhiculerait de la désinformation au sujet du Covid. 
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Plus de musique sur Spotify : les chanteurs Neil Young et Joni Mitchell ont tous les deux décidé de se retirer de la plateforme suédoise, pour protester contre la diffusion et le succès d'un podcast accusé de désinformer sur le Covid-19. La plateforme ne dispose en effet pas d'une politique claire interdisant la désinformation. 

"Un lieu de désinformation potentiellement mortelle"

Le 27 janvier, le musicien Neil Young a mis à exécution sa menace de se retirer si la plateforme de streaming Spotify ne renonçait pas à héberger le podcast "The Joe Rogan Experience" (JRE). Du large répertoire de la légende du folk-rock, ne restent à ces 2,4 millions d'abonnés sur Spotify que des morceaux où il se produit sur les albums d'autres artistes ou en live.

"Spotify est devenu un lieu de désinformation potentiellement mortelle sur le Covid. Des mensonges vendus contre de l'argent", a asséné le chanteur américano-canadien, dont le geste a été applaudi par le patron de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus. "Ils peuvent avoir Rogan ou Young. Pas les deux", a-t-il ajouté. 
 

Joe Rogan, qui anime un podcast exclusif et quotidien sur Spotify - le plus écouté de la plateforme en 2021 - est notamment accusé d'avoir découragé la vaccination anti-Covid chez les jeunes et promu l'ivermectine, un traitement non autorisé. Le contrat qu'il a signé avec Spotify l'année dernière est estimé à 100 millions de dollars.

Lettre ouverte des médecins

Neil Young a appelé d'autres artistes à le suivre. La chanteuse de country Joni Mitchell lui a emboîté le pas le lendemain, en raison des "mensonges" liés au Covid-19 divulgués sur la plateforme.

"J'ai décidé de retiré toute ma musique de Spotify", a écrit sur son site l'interprète de "Big Yellow Taxi". "Des irresponsables répandent des mensonges qui coûtent la vie à des gens. Je suis solidaire de Neil Young et des communautés scientifiques et médicales mondiales sur cette question", a expliqué la Canadienne de 78 ans qui compte 3,7 millions d'abonnés sur la plateforme.

 
Samedi 29 janvier, le chanteur britannique James Blunt a pris le contre-pied de ces déclarations en tweetant : "Si @spotify ne supprime pas immédiatement @joerogan, je publierai de nouvelles musiques sur la plateforme".

270 professionnels de santé américains avaient adressé une lettre ouverte à Spotify en décembre, après que Joe Rogan ait reçu dans son émission un médecin très apprécié des anti-vaccins, le Dr Robert Malone. 
 

"Liberté de création"

Par la voix d'un porte-parole, Spotify a regretté le départ de Neil Young, mais mis en avant l'équilibre entre "la sécurité des auditeurs et la liberté de création". L'an dernier, son patron, Daniel Ek, avait jugé sur un podcast d'Axios (Re:Cap) que la plateforme n'avait pas de responsabilité éditoriale pour le contenu de ses podcasts. "Nous avons aussi des rappeurs (...) qui font des dizaines de millions de dollars, voire plus, chaque année sur Spotify. Et nous ne leur dictons pas ce qu'ils doivent mettre dans leurs chansons", avait-il soutenu.

A l'instar des réseaux sociaux, les plateformes de streaming doivent-elles contrôler leur contenu? Pas si simple, répondent les experts interrogés par l'AFP.

"Il a tout à fait le droit de faire ce qu'il fait" et "c'est probablement l'un des seuls artistes qui peut se permettre de tels appels", juge la directrice du programme "Liberté d'expression" de l'organisation de défense des écrivains Pen America, Summer Lopez. Mais elle a exprimé ses réserves en cas "d'appels au boycott plus larges de Spotify", car "il s'agit d'une plateforme essentielle pour que les artistes touchent leurs audiences, et une source de revenus". Elle pointe aussi qu'au contraire des réseaux sociaux, une plateforme de streaming est "d'abord conçue pour diffuser des oeuvres d'art".

"Je pense que le vrai problème ici est que Spotify n'a pas de politique claire à ce sujet", ajoute-t-elle, en s'interrogeant sur la volonté de la plateforme de mettre de côté ses "préoccupations commerciales".

Podcasts propices à la désinformation

L'univers des podcasts est en tout cas propice à toute sorte de désinformation, juge une analyste de la Brookings Institution, Valerie Wirtschafter. Parce qu'"il s'agit d'un espace immense et très décentralisé". Mais aussi parce que l'expérience du son combinée au ton de conversation des podcasts "fait potentiellement de ce support un moyen plus fort pour ces contre-vérités et cette désinformation de se disséminer".

Et traquer ces contre-vérités dans un podcast, "c'est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin", selon elle. Un épisode de JRE dure facilement deux à trois heures.
 
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Parmi les solutions, Valerie Wirtschafter cite les messages de modération qui pourraient être diffusés avant un épisode, ainsi que des mesures sur les algorithmes des plateformes pour éviter qu'elles "n'amplifient des contenus préjudiciables".

De son côté, le spécialiste des théories du complot à l'Université de Miami, Joseph Uscinski, met en garde contre l'idée de confier tout "outil de censure" à un gouvernement afin de combattre la désinformation. "Ils peuvent être utilisés pour de bonnes raisons aujourd'hui, mais ils seront disponibles demain pour des personnes qui ne sont pas aussi bienveillantes", note-t-il.

Neil Young s'est défendu de toute volonté de censure. "Je l'ai fait parce qu'au fond de mon coeur, je n'avais aucun autre choix", a-t-il écrit. "C'est ce que je suis. Je ne censure personne".