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"Aucun média suisse n’a participé, craignant une disposition de la loi sur les banques", écrit ce dimanche Mathilde Farine, journaliste basée à Zurich spécialisée économie et finances pour le journal Le Temps. "Le risque juridique était tout simplement trop grand" a déclaré TX, le plus grand groupe de médias privés de Suisse.
En Suisse, depuis 2015, "les journalistes risquent une condamnation s’ils écrivent sur des données bancaires volées", en raison d’une disposition adoptée par le législateur suisse, rappellent Oliver Zihlmann et Catherine Boss, tous deux journalistes à la Tribune de Genève. Cette disposition, qui date de 2015, modifie l’article 47 de la loi bancaire. Elle prévoit notamment "jusqu'à 3 ans de prison pour toute personne qui "révèle un secret qui lui a été confié [...] ou exploite ce secret à son profit ou au profit d'un tiers".
Une modification de la législation en partie encouragée par plusieurs révélations dans les années 2010 qui mettent à mal le secret bancaire. Angela Merkel, alors chancelière allemande, avait autorisé le fisc à acheter des données bancaires volées en Suisse pour débusquer et punir les évadés fiscaux de son pays.
À la 10e place dans le classement mondial de la liberté de la presse publié en 2021 par Reporters sans frontières, la Suisse était 5e en 2018. Une chute de cinq places après plusieurs années cantonnées entre la 14e et la 20e place du classement.
“Aucun média suisse ne publie la fuite de données bancaires au Credit Suisse. Pourquoi? Tamedia a constaté que ses journalistes risquent trois ans de prison s'ils publient de telles données. Le vrai scandale, à mon sens, est là”, a dénoncé de son côté le journaliste d’investigation suisse Sylvain Besson.
Aucun média suisse ne publie la fuite de données bancaires au Credit Suisse. Pourquoi? @Tamedia a constaté que ses journalistes risquent trois ans de prison s'ils publient de telles données. Le vrai scandale, à mon sens, est là. #SuisseSecrets https://t.co/4bKT48FHml pic.twitter.com/XwmPKuMH3u
— Sylvain Besson (@SylvainBesson) February 20, 2022
"La presse en Suisse n'est pas totalement muselée. Cette disposition concerne uniquement le vol des données bancaires et ça ne nous empêche pas de faire des enquêtes sur les banques suisses", explique ce lundi à TV5Monde Mathilde Farine. Elle-même auteure d'une enquête sur le Crédit Suisse en novembre dernier, la journaliste basée à Zurich avoue que "cette disposition ne nous facilite pas la vie. Elle est entrée en vigueur en juillet 2015, après les SwissLeaks, et c'est véritablement la première fois qu'on y a affaire ".
(Re)voir - SwissLeaks : l'Afrique n'est pas épargnée
Suite aux révélations du consortium international sur le financement opaque du Crédit Suisse, plusieurs médias ont pris position pour défendre la liberté de la presse en Suisse. Au Royaume-Uni, les journalistes du Guardian ayant participé à l’enquête sur le Crédit Suisse assurent que "la loi répressive sur le secret bancaire en Suisse empêche les reportages d'intérêt public".
Le journaliste d’investigation allemand Bastian Obermayer, qui co-signe l’enquête baptisée Swiss secrets déplore le fait qu’en Suisse, "le secret bancaire compte plus que la liberté de la presse". "Ici, les journalistes sont menacés d'emprisonnement, poursuit le journaliste germanophone.
"Compte tenu de la menace que fait peser la loi suisse sur les journalistes impliqués dans l’enquête « Suisse Secrets », les responsables des principaux médias partenaires du projet, dont le Monde, lancent un appel au respect de la liberté d’informer", a déclaré Jérôme Fenoglio, le directeur du journal français Le Monde.
Compte tenu de la menace que fait peser la loi suisse sur les journalistes impliqués dans l’enquête « Suisse Secrets », les responsables des principaux médias partenaires du projet, dont le Monde, lancent un appel au respect de la liberté d’informer. https://t.co/25UPXilfqs
— Jérôme Fenoglio (@JeroFeno) February 20, 2022
À la suite de ces révélations, le Crédit Suisse a déclaré rejeter "fermement les allégations et insinuations concernant les prétendues pratiques commerciales de la banque" et parle d’un "effort concerté pour discréditer non seulement la banque mais également le marché financier suisse dans son ensemble, lequel a connu des changements importants au cours des dernières années".