Fil d'Ariane
Gage de sérieux dans un pays traditionnellement instable, le Premier ministre italien Mario Draghi vient de présenter sa démission ce jeudi 21 juillet. Cette décision provoque une onde de choc en Europe et sur les marchés, inquiets de la hausse de sa dette.
"Sa démission est une perte pour l'Italie. C'est également une perte pour l'Europe : il était devenu un point de référence". Pour Guiliano Noci, professeur de stratégie à l'école Polytechnique de Milan, la sortie de scène du Premier ministre italien Mario Draghi arrive au pire moment pour l'Italie. Ce dernier vient de démissionner de ses fonctions dans une allocution adressée au parlement italien. Mais le pays doit faire face à l'impact de la guerre en Ukraine et réduire sa dépendance au gaz russe. Il doit aussi mettre en route des réformes difficiles à faire passer afin d'obtenir les fonds du plan de relance européen.
"L'Italie n'est pas la Grèce, mais la troisième économie d'Europe. Une crise grave en Italie aurait des répercussions négatives immédiates dans toute l'Europe", redoute Giuliano Noci.
Première bénéficiaire du plan de relance européen, l'Italie compte sur une manne de près de 200 milliards d'euros pour stimuler sa croissance. Elle est restée longtemps à la traîne par rapport à celles de ses voisins.
L'Italie risque de perdre des dizaines de milliards d'euros du plan de relance si 70% des réformes prévues dans le plan ne sont pas réalisées fin 2022.Un diplomate européen à l'AFP.
Or, le déboursement de ces fonds est lié à une série de réformes. Tant que le gouvernement ne les aura pas appliquées, elle ne pourra pas recevoir ces fonds. Et le passage de ces réformes semble compromis avec le départ de Mario Draghi même si ce dernier continue à expédier les affaires courantes.
"L'Italie risque de perdre des dizaines de milliards d'euros du plan de relance si 70% des réformes prévues dans le plan ne sont pas réalisées fin 2022", prévient un diplomate européen.
Signe de la nervosité des investisseurs, la Bourse de Milan subissait le plus fort recul en Europe jeudi, avec une baisse de 2% à l'ouverture.
Autre inquiétude, l'Italie croule sous une dette colossale de plus de 2 700 milliards d'euros. C'est près de 150% de son PIB et le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.
Le "spread", l'écart, très surveillé, entre les taux d'intérêt allemand et italien à dix ans, est monté à 240 points de base. Il atteint son plus haut niveau depuis le printemps 2020, en pleine pandémie de Covid-19.
Le départ de Mario Draghi, certes attendu, complique donc la tâche de sa successeure à la tête de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde. Elle annonce le même jour un nouvel instrument visant à protéger les États les plus fragiles contre des attaques spéculatives sur leur dette.
La crédibilité financière de l'Italie souffre grandement du départ de l'ancien banquier central. Frederico Vetrella, analyste d'IG Italia.
La rigueur budgétaire est difficilement conciliable avec un retour au pouvoir de la droite populiste, en tête des sondages. Elle risque de faire dérailler le "spread", comme ce fut le cas en 2018, après l'arrivée d'une coalition entre la Ligue (extrême droite) et le M5S (antisystème).
"La crédibilité de l'Italie souffre grandement du départ de l'ancien banquier central", juge Federico Vetrella, analyste d'IG Italia. Selon lui, le "spread" pourrait atteindre "300 points à moyen terme, ce qui rendra le poids de la dette publique encore plus lourd".
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Faut-il pour autant redouter un retour à une crise de la dette italienne comme en 2012 ? "Pas nécessairement, tout dépendra de l'attitude de la BCE et de l'Union européenne", estime Giuliano Noci, professeur de stratégie à l'école Polytechnique de Milan. "Les marchés ne s'intéressent pas à la couleur des gouvernements, mais à leur stabilité et à la clarté de leurs objectifs."