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Alors que se tient le Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace au Bourget, en périphérie de Paris, la France tente de développer une aviation plus durable. De quelle manière ce secteur peut-il être moins polluant ? Décryptage.
Des visiteurs montent à bord du Boeing 777X lors du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace au Bourget, le 19 juin 2022.
Le secteur de l’aviation peut-il se décarboner ? C’est en tout cas l’ambition du président français Emmanuel Macron. Le 16 juin, à trois jours de l’ouverture du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace au Bourget, il présente un plan de 2,2 milliards d’euros pour encourager le développement d’un avion “zéro émission.”
Cependant, l’avion est un moyen de transport très polluant. Selon le ministère de la Transition écologique français, un avion émet entre 73 et 254 grammes d’équivalent CO2, par kilomètre et par passager. À titre de comparaison, un trajet en train émet entre 2,4 et 29,4 grammes d’équivalent CO2 par kilomètre par passager. L’Ademe estime que voyager en avion pollue 23 fois plus qu’un voyage en train.
En 2020, la revue Athmospheric Environment publie une étude selon laquelle les vols d’avions représentent 2,4% des émissions globales de CO2. À cela, il faut rajouter la production de kérosène, ce qui fait grimper ce chiffre à 2,9%. Mais en plus des émissions liées à la combustion de kérosène, la condensation laissée par les réacteurs aggrave encore le réchauffement climatique. Selon le réseau Stay Grounded, en prenant en compte la combustion et la condensation, l’aviation avait “contribué pour 5,9% au réchauffement global” en 2018.
Les émissions des avions sont responsables d’environ 16 000 décès prématurés dûs à une mauvaise qualité de l’air chaque année.
Sebastian Eastham, scientifique au MIT
Par ailleurs, l’effet le plus nocif lié à l’avion est la pollution aux particules fines. “Les émissions des avions sont responsables d’environ 16 000 décès prématurés dûs à une mauvaise qualité de l’air chaque année”, explique Sebastian Eastham du Laboratoire de l'aviation et de l'environnement du Département de l'aéronautique et de l'astronautique du Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans la revue scientifique Futura.
En 2016, il publie une étude dans la revue Atmospheric Environment selon laquelle l’exposition aux particules fines est la cause de près de 58% des décès prématurés liés à l’aviation.
Comment la France compte-t-elle rendre le secteur de l’aviation plus vert ? L'État va "tripler son effort sur la période 2024-2030", soit "300 millions d’euros par an", en faveur de la conception de moteurs et designs d'avions plus économes en carburant, annonce le président Emmanuel Macron, en visite sur le site du motoriste aéronautique Safran à Villaroche, près de Paris.
Cela suppose notamment d'alléger les avions par des nouveaux matériaux composites ainsi que des nouvelles architectures d'appareils.
Parallèlement, l'État va investir 200 millions d'euros dans le développement de biocarburants aériens en France, avec l'objectif d'en produire 500 000 tonnes par an à l'horizon 2030. Selon l’Air Transport Action Group, une coalition d'entreprises du secteur aérien, 53% de l’effort nécessaire pour rendre l’aviation plus durable repose sur l’utilisation de biocarburants.
Produits à partir de biomasse (huiles usagées, résidus de bois, algues), ces carburants durables sont utilisables directement dans les avions actuels, certifiés pour accepter des mélanges à 50% dans le kérosène fossile, et 100% d’ici à 2030, selon les promesses des industriels. Sur l’ensemble de leur cycle d’utilisation, ils peuvent réduire les émissions de CO2 de 80% par rapport au kérosène.
Quoiqu’il arrive, ce sont des énergies qui coûteront davantage que celles utilisées aujourd’hui.
Xavier Tytelman, expert du secteur de l’aérien
Cependant, leur utilisation reste très faible. En 2022, la production totale de carburants durables dans le monde était de 250 000 tonnes, soit moins de 0,1% des plus de 300 millions de tonnes de kérosène utilisées par l'aviation. L'Union européenne souhaite porter cette part à 6% en 2030 et 75% en 2050. Leur utilisation risque aussi d’avoir des conséquences sur le prix des billets d’avion.
Si une tonne de kérosène coûte environ 800 euros, la même quantité de carburant durable coûte entre 3 500 et 5 000 euros. “Quoiqu’il arrive, ce sont des énergies qui coûteront davantage que celles utilisées aujourd’hui, explique Xavier Tytelman, expert du secteur de l’aérien, au quotidien français Le Parisien. Aux particuliers, aussi, de démontrer une certaine responsabilité en comprenant que voyager vert ne se réalise pas au même tarif. L’écologie a un prix.”
Par ailleurs, Airbus mène des études en vue d’une éventuelle mise en service en 2035 d’un avion commercial court ou moyen-courrier qui brûlerait de l’hydrogène directement dans le moteur et ne dégagerait donc que de la vapeur d’eau. L’avionneur est confronté au scepticisme de nombreux acteurs de l’aérien, en raison des défis techniques et des infrastructures nécessaires à son fonctionnement. La principale difficulté tient au stockage et au transport à bord de l’hydrogène : il doit être liquéfié à -253°C et stocké dans des réservoirs cryogéniques qui occupent des volumes quatre fois plus importants.
La décarbonation du trafic aérien ne passera que par une réduction du trafic aérien.
Jérôme Du Boucher, responsable aviation pour l'ONG Transport & Environnement France
À l'heure actuelle ces solutions alternatives au kérosène restent donc incomplètes. C'est ce que constate Jérôme Du Boucher, responsable aviation pour l'ONG européenne Transport & Environnement France, interrogé par France 24. "Quoi qu'il en soit, la décarbonation du trafic aérien ne passera que par une réduction du trafic aérien."
Même Augustin de Romanet, patron d’Aéroports de Paris, abonde dans le même sens. En septembre 2022, il explique sur BFM Business qu’il “faudra inviter les gens à être plus raisonnables dans le voyage aérien.”