Ukraine : 80% de la récolte de blé semée, les marchés rassurés

La guerre en Ukraine a dérégulé le marché des céréales. À l'entrée de l'été, les cours reculent sur les marchés mondiaux. Les perspectives sombres sur la croissance économique mondiale inquiètent. Les prévisions de récoltes estivales donnent cependant des signaux rassurants.
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Fermier ukrainien dans son champ de blé mur le 21 juin, Donestk
Oleksandr Zhuravsky vérifie le dégré de maturité de son blé avant de le récolter dans la région de Donetsk, 21 juin 2022. 
© AP Photo/Efrem Lukatsky
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Le colza est monté jusqu'à 880 euros la tonne fin avril, avant de repasser ce 22 juin en séance sous la barre des 700 euros (soit une baisse de 21%).

Le blé, lui, a chuté à 372,5 euros la tonne le 21 juin, retrouvant pratiquement son niveau d'il y a deux mois. Il est donc loin de son record du 16 mai (438,25 euros la tonne).

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"On est face à l'angoisse de la crise sur des marchés qui ont tapé des plus hauts et qui commencent à redescendre, dans l'attente de la nouvelle récolte", déclare à Gautier Le Molgat, analyste à Agritel (cabinet de conseil et d'analyse des marchés des matières premières).

Les rendements en blé tendre, en baisse de 4,7% par rapport à 2021 dans l'Union européenne selon les dernières estimations de la Commission, "seront un peu moins bons que l'an dernier, mais il est beaucoup trop tôt pour acter quoi que ce soit", affirme l'expert.

Côté américain, "les prévisions sont moins menaçantes" selon Jason Roose de US Commodities (société de négoce des matières premières). "Avec les États-Unis et l'Amérique du Sud, avec les approvisionnements mondiaux tels qu'ils se présentent, les stocks mondiaux pourraient être les plus élevés de l'histoire" affirme-t-il.

Une météo clémente

La vague de chaleur en France et dans l'ouest de l'Europe est arrivée à un moment où le blé était déjà avancé et ne devrait pas avoir trop souffert. Les prévisions météo en Australie sont bonnes et la chaleur sur la "Corn Belt" américaine a permis de réchauffer un sol trop froid pour les semis. Ces facteurs, plutôt rassurants à ce stade, ont favorisé une correction sur les marchés.

Pour Dewey Strickler de Ag Watch Market Advisors (consultant en marketing basé dans le Kentucky), "le blé est en baisse notamment parce que la Russie a augmenté sa production, estimée à environ 89,2 millions de tonnes, ce qui serait un record". Une estimation jugée cependant "très optimiste" par le français Agritel.

"On voit aussi un marché plutôt rassuré par le fait que la situation n'a pas empiré sur le front ukrainien, malgré l'absence d'avancées sur d'éventuels corridors maritimes pour sortir des grains du pays", souligne Damien Vercambre, courtier au cabinet Inter-Courtage.

Les analystes estiment entre 1,5 et 1,7 million de tonnes les quantités de grains (tous produits confondus) qui sortent désormais chaque mois d'Ukraine par la route et le rail, des quantités cinq à six fois inférieures à celles d'avant guerre.

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L'urgence pour Kiev reste d'évacuer ses derniers stocks pour pouvoir accueillir la nouvelle récolte. "Au début, nous pensions qu'ils allaient semer seulement 20% de leur récoltes en Ukraine, puis seulement 40%, maintenant il semble que 80% de la récolte ait été semée", souligne Jason Roose de US Commodities. "Maintenant la question est de savoir s'ils vont pouvoir sortir ces récoltes."

Négociations diplomatiques

Après des visites d’État en Ukraine, des réunions au niveau européen et des échanges entre Kiev et l'Union africaine, "on sent qu'il y a une volonté de faciliter le business et le marché en tient compte", estime Gaultier Le Molgat d'Agritel.

Dans un contexte toujours volatile, les acheteurs reviennent timidement, espérant des prix plus raisonnables. À titre d'exemple, l'Algérie aurait acheté dernièrement environ 600 000 tonnes de blé tendre et la Tunisie a lancé un appel d'offres pour 75 000 tonnes de blé meunier et 50.000 tonnes d'orge fourragère, rapporte Inter-Courtage.

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Côté oléagineux, la baisse des cours est aussi sensible, après la reprise des exportations d'huile de palme indonésienne et à la faveur du repli des prix du pétrole et d'une moindre demande chinoise pour le soja du fait des confinements.

Baisse des prix

Sur Euronext (principale place boursière de la zone euro), ce 22 juin, le blé tendre se vendait à 374 euros la tonne pour livraison en septembre. Le maïs grimpait à 325 euros et le colza à 695,75 euros la tonne pour le mois d'août.

À la Bourse de Chicago, peu avant l'ouverture, le prix du blé de variété atteignait 9,8325 dollars le boisseau et le maïs 7,57 dollars (un boisseau = 35,2 litres). Le soja s'affichait à 16,6575 dollars.