Fil d'Ariane
Le lac Crawford, près de Toronto au Canada, a été choisi par des scientifiques comme le site de référence mondial du commencement de l'Anthropocène. Cette époque géologique encore non reconnue par les autorités géologiques mondiales, met en avant l'impact de l'homme sur la Terre.
Près de Toronto, au Canada, le lac Crawford a été désigné par un groupe de travail de scientifiques comme site de référence pour désigner le passage d'une époque géologique à une autre.
Aurions-nous changé d’époque géologique sur Terre, sans même nous en être rendus compte ? C’est ce qu’affirment certains scientifiques, membres d’un groupe de travail s’intéressant depuis 2009 à l’impact de l’homme dans le changement géologique et climatique de notre planète, vieille de 4,6 milliards d’années.
Parmi les traces de l’activité humaine qui rompent les équilibres naturels du globe figurent les microplastiques, les polluants chimiques éternels, les gaz à effet de serre et les espèces invasives.
Ces éléments sont notamment responsables du changement climatique, de la pollution et de la perte de la biodiversité.
Parmi les changements climatiques spectaculaires que l’on peut citer, figurent notamment les grosses chaleurs.
La première semaine de juillet a été la plus chaude jamais observée au niveau mondial. La Chine et les États-Unis sont également confrontés à la chaleur mais aussi à des inondations et une sécheresse sans précédents. Le Canada est lui rongé depuis des mois par des incendies de forêts.
Le Pôle Nord géographique de la Terre s’est également déplacé de près de cinq centimètre par an, à cause de la quantité d’eau pompée dans les réservoirs souterrains.
L’existence de l’époque de l’Anthropocène a été proposée pour la première fois en 2000 par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen et par le biologiste Eugene Stoermer.
Ceux-ci désignent alors la révolution industrielle du XIXe siècle comme point de bascule et déclencheur principal d’un changement géologique profond et irréversible de la Terre.
« Paul Crutzen participait à un congrès en Amérique latine et a profité des discussions développées à l’intérieur de ce colloque pour dire que d’après lui, on serait entrés dans une nouvelle époque géologique », explique Michel Magny, directeur de recherche émérite du CNRS et spécialiste des changements climatiques et environnementaux et de leurs interactions avec l'histoire des sociétés depuis le dernier maximum glaciaire.
« Pour lui, la trajectoire des écosystèmes terrestres n’était plus déterminée par des facteurs naturels mais par l’homme. Cet impact a selon Paul Crutzen pris de l’ampleur à partir de 1784, date d’invention de la machine à vapeur de James Watt. »
L’âge de la Terre se divise en ères, périodes et époques
L’Holocène est la dernière époque de l’ère du Quartenaire et l’époque géologique actuelle. Holos signifie « entier » et kainos « nouveau » en grec ancien. Cette période débute il y a 11 700 ans, à la fin de la dernière glaciation. Elle est caractérisée par sa relative stabilité climatique et concorde avec l’émergence de l’agriculture et l’augmentation des populations humaines. Elle marque également la disparition d’espèces telles que le mammouth ou le rhinocéros laineux, apparus au Pléistocène, qui est la première époque géologique du Quaternaire. Le Pléistocène débute il y a 2,6 millions d’années avec la fin du Pliocène et est marqué par des périodes glaciaires et interglaciaires.
L’étendue d’eau d’un kilomètre carré possède en son fond des sédiments stratifiés chargés de microplastiques, de cendres de combustion du pétrole et du charbon et de retombées des explosions de bombes nucléaires.
La preuve d'un nouveau chapitre de l’histoire de la Terre, selon les scientifiques.
« Ces indices montrent des changements importants des écosystèmes autour des années 1950 et un pic dans des indicateurs isotopiques qui renvoient aux essais nucléaires des années 1950-1960, explique Michel Magny. Ce lac pourrait être le clou d’or, le site référence choisi par les géologues indiquant le passage d’une époque géologique à une autre ».
« Le terme a été très largement accepté par la grande majorité scientifique internationale », continue le chercheur Michel Magny, auteur de « L’Anthropocène » aux éditions Que sais-je ?.
« La réticence vient de la communauté des géologues. Paul Crutzen était un spécialiste de l’ozone et de l’atmosphère. Il n’avait aucune compétence par rapport à la géologie, il était chimiste .»
« D’autre part, faire débuter l’époque géologique de l’Anthropocène en 1950, représente un laps de temps très court, de 70 ans. Qui peut décider, comme ça, au bout de 70 ans, que l’on vient d’entrer dans une nouvelle époque géologique ? », illustre le chercheur. Autant de facteurs qui refroidissent un peu certains scientifiques.
L’autre point d’achoppement vient du terme Anthropocène et de l’idée qu’il véhicule d’une humanité qui dans sa totalité serait la grande responsable des altérations récentes de la vie sur Terre.
« Ce point a été beaucoup discuté. Quand on parle d’humanité, on met tous les humains dans le même sac alors que très clairement, les pays du sud ont un impact beaucoup plus faible que les pays occidentaux», conclut Michel Magny.
Reste que pour que l’époque de l’Anthropocène soit reconnue et emboîte le pas à celle de l’Holocène, dans laquelle nous nous trouvons actuellement, le groupe de travail nécessitera l’approbation officielle de la Commission internationale de stratigraphie (ICS) puis des gardiens de l'Union internationale des sciences géologiques (IUGS). Elles sont incertaines.
Certains grands géologues estimeraient que tous les critères techniques ne sont pas remplis pour qu'il y ait reconnaissance d'une nouvelle époque, bien qu’il y ait un consensus sur l’existence d’une rupture au XXe siècle.