L'Europe est traversée par une vague de chaleur extrême. En Espagne les températures dépassent les 35 degrés. À Toulouse dans le Sud-Ouest de la France le mercure atteint lui les 40°. Ces épisodes de chaleurs sont plus fréquents avec le réchauffement climatique alerte le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Comment les métropoles, îlots de chaleur, peuvent-elles s'adapter au réchauffement climatique ?
"Un programme de renaturation des villes, et des centres-villes, va être lancé, doté d'un fonds important de 500 millions d'euros" annoncait la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire le 14 juin dernier.
Comment agir sur ces températures élevées ? Cette question préoccupe beaucoup de grandes capitales dans le monde notamment depuis les grandes réunions sur le climat qui donnent des échéances pour lutter contre le réchauffement climatique et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Renaturer ou désartificialiser les sols
Un des outils pour y parvenir est justement la "renaturation ou la re-fonctionnalisation des sols". Il s’agit d’une notion connue mais qui a été formalisée récemment par la loi "Climat et résilience" du 22 août 2021. Le texte de loi précise que "la renaturation d'un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d'amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé". L’objectif n’est donc pas de recréer un sol naturel mais bien de répondre à des enjeux territoriaux comme l'explique le CEREMA (Climat et territoires de demain), organisme dépendant du Ministère de la Transition écologique chargé d'aider les collectivités territoriales dans ces démarches.
Comment faire ? Le ministère de la Transition écologique via Climat et territoires de demain a donné des pistes d'action. Il s'agit de revégétaliser des espaces urbains, de remettre à nu des sols, d'améliorer le cycle naturel de l’eau, tout en protégeant le patrimoine naturel existant et en réaménageant les espaces publics.
Une
carte des lieux qui doivent être renaturisés en priorité a été établie par le CEREMA.
L’îlot de chaleur urbain
"À Paris, il y a seulement 5.6 m² d’espace vert par habitant, contre 35m² à Berlin ou 250m² à Rome", faisait remarquer au micro de la radio française publique
Europe 1 en août 2020 l’architecte belge Vincent Callebaut. Selon lui, la présence massive du béton et le manque de végétalisation provoquent des îlots de chaleur urbains et empêchent la température de descendre sous la barre des 20 degrés la nuit.
(RE)voir : Urbanisme : à quoi ressemblera Paris en 2050 ?
Ce phénomène d’îlot de chaleur urbain se caractérise par une hausse des températures en centre-ville qui peut atteindre 10° pour Paris, ou 7 ou 8 ° à Toulouse et Strasbourg. Il s’amplifie la nuit comme l'explique Valery Masson, spécialiste du phénomène au
CNRS.Plus la ville est grande, plus cet indice est élevé. Lors des pics de canicule l’inconfort est réel et peut avoir des conséquences graves. Une nuit à plus de 20° empêche le corps de récupérer de la chaleur de la journée, ce qui, sur plusieurs jours, a des conséquences sur la santé. Tout le monde se souvient des 15 000 morts de la canicule en 2003 en France (AFP).
"Une ville minérale capte le soleil la journée et la restitue la nuit", explique l'architecte Vincent Callebaut le concepteur de
"Paris 2050". Dans cet ouvrage aux dessins futuristes il propose des idées pour la ville de demain. Son agence conçoit des bâtiments
"bio-mimétiques", comme la tour hélicoïdale
Tao zhu yin yuan’ disposant de jardins pour la capitale taiwanaise Taipei. Commencée en 2016, cette tour au design futuriste est presque achevée en juin 2021.
Les projets de Vincent Callebaut peuvent sembler démesurés pour une ville ancienne comme Paris, ils répondent cependant aux questions posées par ces micro-climats créés par la ville et qui sont bien étudiés par les urbanistes et les architectes.
Une des clés pour faire baisser les températures est la végétalisation comme l'explique l'
ADEME, l'Agence de la transition écologique ainsi que la reintroduction de l'eau.
Végétaliser
Végétaliser et réintroduire l’eau en milieu urbain sont un des moyens pour lutter contre la hausse des températures.
Tous les espaces de nature en ville, bois, parcs, jardins (publics, privés ou partagés), le moindre espace planté d’arbres mais aussi les lacs et bassins contribuent au rafraîchissement de l’espace urbain.
L'
ADEME donne comme exemple Göteborg (Suède), où la différence de température maximale entre un parc et son environnement construit a été mesurée à 5,9 °C.
À Mexico, l’effet de rafraîchissement d’un parc a été observé jusqu’à 2 km.
Les toitures végétales améliorent le confort dans les logements et réduisent la consommation de climatisation et donc ses rejets de chaleur dans les rues.
Mais l’efficacité dépend fortement du type de plantes, de l’épaisseur du substrat et de l’irrigation. Il faut en effet que la végétation soit intense et que le toit soit bien humide pour que cela soit réellement efficace.
Réintroduire l’eau
Tout plan d’eau, fontaine, bassin, cours d’eau, permet de faire baisser la température de quelques degrés. Le Tage, le grand fleuve qui travers Lisbonne, refroidit la température de l’air de 6 à 7 degrés aux moments les plus chauds et l’effet est ressenti jusqu’à plusieurs centaines de mètres de la rive.
C’est pour ça que certains élus parisiens souhaitent remettre à l’air libre le cours d'eau de la
Bièvre qui circule sous les pavés des 5ème et 13ème arrondissements. Une étude de faisabilité a été votée au Conseil de Paris en octobre 2020.
Orienter les rues pour faire circuler l’air
Une équipe de
chercheurs a étudié 51 villes différentes (surtout d’Europe et d’Amérique du Nord) pour comprendre pourquoi certains centres-villes sont plus chauds que d’autres. Ils ont comparé leur plan.
Les villes dont les rues sont en grille (comme à Manhattan ou Chicago) emmagasinent plus de chaleur que des villes
"désordonnées" comme Londres ou Rome, généralement plus anciennes, qui se refroidissent plus facilement, expliquent-ils.
La chaleur est littéralement piégée dans les rues droites et perpendiculaires dont les immeubles se renvoient la chaleur émise par ceux d’en face. L’effet est augmenté quand leur surface est en verre.
Le quartier EuroMéditerranée à Marseille a été étudié pour que l’orientation des rues rafraîchisse la ville en été grâce à la brise de mer, mais sans laisser passer le froid du mistral l’hiver. L’étroitesse des rues de Toulouse aide également à se protéger des chaleurs estivales explique le chercheur
Valéry Masson, qui étudie ce phénomène des îlots de chaleur depuis une vingtaine d’années.
Dans les passages couverts de Sanliurfa (Turquie), il fait 3 à 4 °C plus frais que dans les rues environnantes notamment grâce à la circulation du vent plus importante.
En Grèce, où dans le sud de l’Italie, les rues sinueuses des villages permettent de créer de l’ombre et de protéger de la chaleur.
Il existe toute une somme de savoirs ancestraux adaptés aux différents tissus urbains rappelle toujours l'
Agence de la transition écologique.
Changer de revêtement
La journée, des matières comme la pierre, la brique ou le béton emmagasinent la chaleur pendant la journée et la restituent la nuit. La hauteur et la densité des murs augmentent considérablement cette surface d’échange par rapport à un milieu peu bâti. La nuit, la chaleur emmagasinée est libérée dans l’atmosphère et empêche l’air de se refroidir aussi vite qu’à la campagne.
Des revêtements clairs ayant un fort pouvoir réfléchissant sont également efficaces.
L’Ademe faisait remarquer qu’à Athènes, en passant d’un revêtement foncé asphalté (albédo 0,04) à un revêtement blanc (albédo 0,55) pour les sols, la température a été abaissée de 4°C (L’albédo est la réflexion du rayonnement solaire qui varie selon la surface et a couleur concernées n.d.l.r.).
À Milan, en passant toutes les surfaces urbaines de revêtements marron/gris à des revêtements blancs (augmentation de 0.1 de l’albédo), la température moyenne de la ville a diminué de 0,4 à 0,8°C.