Alors qu'Emmanuel Macron se félicite d'avoir atteint l'objectif de réduction d'émissions polluantes pour 2019, le gouvernement présentait ce mercredi son projet de loi "climat" contre le réchauffement climatique. Les ONG estiment que "le compte n’y est pas" et soulignent que l'objectif 2019 avait été revu à la baisse pour pouvoir être atteint.
Le gouvernement français a dévoilé ce 10 février, en Conseil des ministres, son projet de loi "climat et résilience". Un ensemble de mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique et surtout à atteindre des objectifs de réduction des émissions polluantes d'au moins 40% d'ici à 2030.
Ces mesures sont censées reprendre les propositions d'un collectif de 150 Françaises et Français tirés au sort et regroupés dans une "Convention Citoyenne pour le Climat". Leurs travaux ont duré 9 mois, d'octobre 2019 à juin 2020, et donné lieu à 149 propositions, que le président français s'était engagé à l'époque à reprendre "sans filtre", c'est-à-dire sans les modifier avant de les présenter au Parlement (ou de les soumettre à un référendum).
"Manque d'ambition"
En l'occurence, seule la moitié de ces idées sont finalement retenues. Et beaucoup d'autres ont été modifiées, regrettent la plupart des associations de défense de l'environnement. 110 d'entre elles ont publié ce mardi 9 février une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour qu'il "redonne vie" aux ambitions climatiques et pour dénoncer un "manque d'ambition".
Selon ce texte, "les bénéfices attendus des mesures proposées par les 150 citoyennes et citoyens sont pourtant nombreux : moins de personnes vivant dans des passoires énergétiques, une pollution de l’air réduite, une alimentation plus saine et accessible à tous, une offre de mobilité moins émettrice et plus inclusive, davantage d’emplois dans les secteurs-clés de la transition écologique, etc".
Le projet de loi, tel que présenté aujourd'hui, ne suffira pas à atteindre l'objectif que s'est fixé l'Etat français à l'horizon 2030. Anne Bringault, coordinatrice des opérations à l'ONG Réseau Action Climat, assure que les mesures annoncées ne permettent pas de mesurer l'impact effectif en termes de baisse des émissions de gaz à effet de serre. "Ce sont des mesures essentiellement incitatives mais il n'y a pas de normes ou d'interdiction, explique-t-elle à TV5MONDE. Sur la rénovation des logements, par exemple, il y a seulement une obligation d'audit mais on ne connaît pas la quantité de travaux que cela va engendrer et leurs performances."
Des mesures déjà insuffisantes
Pire, selon Anne Bringault, "l'étude d'impact nous dit que le projet de loi, cumulé à l'ensemble des mesures qui sont déjà mises en oeuvre, les lois déjà passées, le plan de relance va amener seulement entre 50 et 66% des baisses nécessaires d'ici à 2030. Et encore, l'objectif est déjà obsolète puisque la France, avec l'Union européenne, s'est engagée à augmenter son effort".
Les ONG craignent en outre que la France ne finisse par revoir encore à la baisse ses ambitions, comme elle l'a déjà fait l'année dernière.
Le président Emmanuel Macron s'est félicité ce week-end d'avoir atteint les objectifs de réduction des émissions polluantes. Sur son compte Twitter, le chef de l'Etat a écrit : "la France a baissé ses émissions de gaz à effet de serre en 2019 de -1,7%. C’est au-delà de notre objectif ! C’est le résultat d’une écologie du concret et du progrès".
Objectif révisé à la baisse
Des propos immédiatement dénoncés par plusieurs ONG, car si la France a bien atteint l'objectif fixé pour 2019, c'est parce que cet objectif avait été revu nettement à la baisse il y a un an.
Au moment de la COP 21, en 2015, la France s'était fixée ses premiers objectifs de "budget carbone", appelé officiellement la
Stratégie Nationale Bas Carbone, la SNBC. En l'occurrence, à cette date, pour la période 2019-2023, les émissions polluantes devaient plafonner chaque année à 398 mégatonnes équivalent CO2, soit une baisse annuelle de 2,3% des émissions.
Début 2020, le gouvernement a publié une mise à jour de la SNBC censée
"accélérer la mise en oeuvre de l'Accord de Paris". Pourtant les ambitions pour la période en cours, à savoir 2019-2023, ont été révisées à la baisse. L'objectif de réduction d'émissions de gaz à effet de serre a alors été ramené à 1,5% par an, soit un plafond de 422 mégatonnes équivalent CO2.
"Ils ont baissé les objectifs pour être sûrs de les atteindre, s'insurge Anne Bringault,
et ensuite, ils disent "Super, on les atteint". C'est un peu facile et ça reporte la véritable baisse à 2024."Entre-temps, la pandémie de Covid-19 est passée et aura entraîné une réduction probablement spectaculaire des émissions polluantes de la France en 2020, comme partout dans le monde. Les chiffres ne sont pas encore connus. Pour autant, les défenseurs de l'environnement soulignent que cette diminution risque de ne pas être durable et s'attendent même à un fort rebond en sortie de crise.
Pour la directrice des opérations du Réseau Action Climat,
"pendant ce temps, on n'aura pas isolé les logements, on n'aura pas transformé l'industrie automobile pour produire moins de véhicules polluants, on n'aura pas transformé l'industrie lourde pour qu'elle n'utilise pas d'énergies fossiles, on n'aura pas transformé l'agriculture pour avoir des élevages moins intensifs. La baisse n'aura été que conjoncturelle malheureusement." Les mesures phares du projet de loi "Climat et résilience"
Examiné au Parlement à partir de la fin mars pour une adoption prévue "au plus tard en septembre" , le projet de loi vise à rendre "crédible" d'atteindre l'objectif de réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990.
Voici quelques-uns des 69 articles qu'il comprend :
- Création d’un « CO2 score » pour afficher l’impact sur le climat des biens et services consommés par les Français ;
- Régulation de la publicité pour les énergies fossiles ;
- Créations de zones à faibles émissions dans les grandes villes ;
- Interdiction de la vente des véhicules les plus polluants en 2030 ;
- Interdiction des voyages aériens quand une alternative en train existe pour un trajet de moins de 2h30 ;
- Réduction du rythme d’artificialisation des sols ;
- Interdiction de louer des logements considérés comme des "passoires thermiques" ;
- Offrir des repas composés à 50 % de produits durables ou sous signes d’origine et de qualité (dont 20 % des produits bio) dans toute la restauration collective ;
- Création d’un délit d’écocide.