Fil d'Ariane
Dix-huit mois après son lancement, la convention citoyenne pour le climat, chargée par Emmanuel Macron de proposer des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se termine sur un goût amer et une note globale très sévère pour l'exécutif : 2, 5 sur 10 seulement. Pourquoi ? Nous avons posé la question à Sandrine F (qui a choisi comme de nombreux participants de garder l'anonymat). Elle est l'une des 150 personnes, tirées au sort, à avoir participé à la Convention citoyenne pour le climat. Un exercice de démocratie participative, inédit à cette taille en France.
En 2019, Emmanuel Macron avait décidé de créer la convention citoyenne pour le climat (CCC), dans le cadre de la crise des "gilets jaunes", née d'une taxe carbone sur les carburants, perçue comme injuste. Démarrée en octobre 2019, la CCC a remis en juin, au terme d'un calendrier bouleversé par le Covid-19, 149 propositions au président.
Si les participants ont donné une mauvaise note globale, ils ont toutefois estimé majoritairement (à 6 sur 10) que la CCC avait été "utile à la lutte contre le changement climatique" et que "le recours aux conventions citoyennes [était] de nature à améliorer la vie démocratique de notre pays" (7,7 sur 10).
La meilleure note, 6,1, a été pour la réforme de l'article premier de la Constitution, visant à introduire la lutte contre le changement climatique, sur laquelle Emmanuel Macron a proposé un référendum.
TV5MONDE : La convention citoyenne a donné la note très sévère de 2, 5 sur 10 au gouvernement. Pourquoi ? A quoi correspond-elle ?
Sandrine F : Cette note de 2,5 correspond au sentiment des citoyens, sur les mesures qui n'ont pas été prises, prises en partie ou amoindries. Nous sommes à 3,3 sur 10 pour la prise en compte des propositions de la convention citoyenne pour le climat. Elle traduit bien sûr une déception, un manque de confiance mais aussi un manque de cohérence du gouvernement.
Nous avons surtout été très déçus par l'écocide. Faire de l'écocide un délit alors que nous voulions en faire un crime, cela a choqué et déçu beaucoup de personnes (ndlr, grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes). Nous avions beaucoup travaillé sur ce sujet, qui est très important.
Le premier jour de la convention, nous avons rencontré la climatologue Mme Masson-Delmotte. Cela a été pour nous comme un électrochoc quand elle nous a fait l'état des lieux de la planète, du climat.
Pour ma part, je participais au groupe "Produire et travailler" : recyclage des déchets, bilan carbone, baisse du transport aérien... Nous avons proposé une réforme pour la gestion des emplois et des compétences avec des moyens pour favoriser des filières qui vont être dominantes dans les prochaines années, mais nous n'avons pas été entendus. J'ai été déçue comme beaucoup d'entre nous.
TV5MONDE : Est-ce que les recommandations de la convention vont être contraignantes pour le gouvernement ? Quelles vont être les prochaines étapes ?
Sandrine F : Maintenant c'est aux parlementaires de gérer le dossier, de débattre des lois fin mars. Notre travail est fini, c'était la dernière session. C'est vraiment dommage parce que nous avions beaucoup d'espoirs, nous étions portés, nous ne pensions pas que nos propositions seraient autant peu prises en considération.
L'enjeu est tellement important et grave. Nous n'arriverons jamais aux 40 % et encore moins aux 55 % de la diminution des GES (gaz à effet de serre). Notre postulat de départ, c'était de baisser de 40 % les GES d'ici à 2030, mais nous n'y arriverons pas et cela est dramatique.
TV5MONDE : Pensez-vous que les choses peuvent changer, qu'il peut y avoir une prise de conscience ?
Sandrine F : Je pense sincèrement qu'il y a déjà une prise de conscience. Les jeunes avaient commencé à manifester avant l'apparition du Covid-19. Le gouvernement avait bien anticipé les choses, il avait besoin d'une caution verte avant les élections municipales. Il a créé le CCC juste après la crise des gilets jaunes, pour justifier son inaction par rapport au climat. Nous aimerions demander au gouvernement de se réveiller, ne serait-ce que de prendre conscience de l'enjeu.
TV5MONDE : Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Sandrine F : C'est l'une des expériences les plus enrichissantes que j'ai vécue. Au départ, je ne connaissais pas grand-chose au climat, je peux le dire, je n'étais pas une militante écolo. Aujourd'hui, je ne le suis pas non plus, mais j'ai de réelles convictions. J'ai appris énormément de choses. Je pense que refaire des conventions comme celle-ci serait une bonne chose pour éveiller les consciences. Je pense que les citoyens ne demandent que cela.