COP 28 : vers la fin des énergies fossiles ?

L'accord de la COP 28 pour "effectuer une transition hors des énergies fossiles" a été dévoilé ce 13 décembre 2023 et approuvé par les pays du monde entier. Que contient ce texte ? Fait-il réellement l’unanimité ? Décryptage avec François Gemenne, membre du GIEC.

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Fin de la COP

Le président de la COP28, Sultan al-Jaber, tient le marteau à la fin du sommet de l'ONU sur le climat COP28, le 13 décembre 2023, à Dubaï, aux Émirats arabes unis.

AP Photo/Peter Dejong
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Après quelques jours d’incertitudes, un accord jugé “historique pour accélérer l’action climatique” par Sultan Al-Jaber, le président de cette 28e Conférence des parties sur le climat (COP), a été approuvé par les 194 pays présents. S'agit-il d’un compromis historique ouvrant la voie à l'abandon progressif des énergies fossiles causant le réchauffement, malgré les nombreuses concessions faites aux pays riches en pétrole et en gaz ?

C'est un succès quasiment inespéré par rapport aux critiques exprimées avant sa tenue.

François Gemenne, politologue et membre du Giec

Dans un monde en proie au retour des conflits, cet accord est "une raison d'être optimiste", a lancé l'émissaire américain pour le climat, John Kerry. François Gemenne, politologue et membre du GIEC considère que cet accord vient clore une COP avec “un succès quasiment inespéré par rapport aux critiques exprimées avant sa tenue.” 

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Que contient l’accord ?

Le texte, négocié par les Émiratis, appelle à “transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action dans cette décennie cruciale, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques.” Par rapport au texte initial du 11 décembre, il comporte un paquet sur l’énergie renforcée et parle de transition progressive plutôt que de sortie des énergies fossiles.

François Gemenne rappelle que “le premier brouillon qui avait été présenté par la présidence était jugé beaucoup trop faible, pas assez ambitieux et on avait l’impression que ce premier brouillon aurait pu être dicté ou écrit directement par l’OPEP”.

Cependant, c’est la première fois que ces énergies, à savoir le charbon, le pétrole et le gaz, sont mentionnées dans la décision d’une COP. Une source proche de la présidence émiratie raconte que le texte a été finement "calibré" pour éviter, notamment, un blocage de l'Arabie saoudite. Il laisse également suffisamment d'ambiguïté dans les formulations pour que chacun y trouve son compte.

Le texte contient aussi de multiples appels liés à l'énergie, comme par exemple de tripler les capacités d'énergies renouvelables et doubler le rythme d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici 2030. Il appelle aussi à accélérer les technologies "zéro carbone" et "bas carbone", dont le nucléaire, l'hydrogène bas carbone, et le balbutiant captage et stockage du carbone, défendu par les pays producteurs de pétrole pour pouvoir continuer à pomper des hydrocarbures. 

“Compromis imparfait”

De nombreux délégués et ONG notent que ce texte est un compromis imparfait. Il n'appelle pas directement à la sortie des énergies fossiles, décevant la centaine de pays qui l'exigeait. Il donne la possibilité aux pays qui le souhaitent de continuer à exploiter leurs réserves d'hydrocarbures. Selon François Gemenne, “la formulation qui a été trouvée par la présidence est assez habile. Elle est très proche d’une formulation qui mettrait noir sur blanc la sortie des énergies fossiles. C’est en quelque sorte une paraphrase.

Il faut mettre d’accord 194 pays qui partent de lignes de départ complètement différentes, qui ont des points de vue opposés, qui n’ont pas les mêmes niveaux de développement économique ou les mêmes régimes politiques.

François Gemenne, politologue et membre du Giec

Certains pays sortent toutefois déçus de ce sommet, notamment les pays insulaires rongés par la montée des eaux qui souhaitaient voir émerger une décision plus forte concernant les énergies fossiles. “C’est toute la difficulté de la coopération internationale”, analyse François Gemenne. “Il faut mettre d’accord 194 pays qui partent de lignes de départ complètement différentes, qui ont des points de vue opposés, qui n’ont pas les mêmes niveaux de développement économique ou les mêmes régimes politiques”, résume-t-il.

Selon lui, “faire partager une vision commune du monde à quasiment 200 pays sur un sujet aussi important que celui-là dans un contexte géopolitique aussi tendu que celui-ci, c’est quand même un tour de force diplomatique.” 

Ce n’est pas parce qu’il acte une sortie des énergies fossiles que d’un coup les puits de pétrole vont s’arrêter et que les champs de gaz vont se tarir.

François Gemenne, politologue et membre du Giec

Si l’adoption de cet accord représente un acte fort, il faut désormais qu’il soit mis en œuvre. “Ce n’est pas parce qu’il acte une sortie des énergies fossiles que d’un coup les puits de pétrole vont s’arrêter et que les champs de gaz vont se tarir, résume François Gemenne. Il s’agit maintenant de se saisir de cet accord et de le mettre en œuvre au niveau national.” Et pour veiller à la mise en œuvre des mesures adoptées, “la pression de la société civile sur les gouvernements va être importante”, conclut-il.