Fil d'Ariane
Le président américain n’a jamais caché une forme de climato-scepticisme. Mais selon Francis Perrin, celle-ci ne constitue pas la première de sa motivation. « Donald Trump veut favoriser les énergies qui sont produites aux Etats-Unis mêmes. Et donc l’administration Trump a décidé de relancer certaines énergies fossiles dont le charbon. Le charbon est un combustible très polluant, bien plus polluant que le pétrole et le gaz naturel. Toute réglementation environnementale, notamment sur les émissions de CO2, risque de brider cette politique. Il faut donc libérer le potentiel énergétique du pays. La suppression du 'Clean Power Act' d’Obama ou le retrait de l’accord de Paris s’inscrivent dans cette politique. L'écologie est perçue comme un frein pour l'économie », estime le chercheur Francis Perrin.
À eux deux, la Chine et les États-Unis sont responsables de 45 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète en 2017. La Chine est bien devant, avec 30 % d’émissions de CO2. Les États-Unis émettent 15 % du CO2 de la planète. Le pays est désormais le premier producteur de pétrole et de gaz au monde. L'utilisation des hydrocarbures et l’agriculture sont les causes les plus importantes de pollution.
Quel impact a eu cette politique sur l’environnement ? «Donald Trump a voulu relancer la production de charbon mais le gaz naturel a été privilégié par les entreprises car le charbon est trop coûteux et son image polluante s’est dégradée auprès du public », décrit Francis Perrin. «Le retrait de l’accord de Paris n’est pas passé auprès de nombreux Etats et de nombreuses collectivités » note pour sa part Jean-François Boittin, ancien diplomate, spécialiste de la politique énergétique des Etats-Unis au Centre d’études prospectives et d’informations internationales. « Le pays a une structure fédérale et le gouvernement central doit composer avec les métropoles et les Etats. Et un certain nombre de ces collectivités ont contesté la politique fédérale de Trump sur le climat et l’énergie, quelques fois devant les tribunaux. Donald Trump n’a pas pu aller aussi loin qu’il le désirait », estime le chercheur. Dans un mouvement appelé « We are all in » (Nous en faisons encore partis), neuf Etats dont le plus peuplé, la Californie, et 16 métropoles, ont indiqué vouloir rester dans l’accord de Paris.
«L’accord de Paris est un engagement international. Se retirer d’un accord international prend toujours du temps. Les effets de la sortie de l’accord de Paris commencent à peine », estime Francis Perrin. Donald Trump, souligne t-il, n’est pas le seul responsable des errements environnementaux des Etats-Unis ces dernières années. Au début des années 2000, le pays importait la majorité de ses besoins en pétrole et en gaz. Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur au monde de pétrole. « Cette transformation a commencé sous George Bush dans les années 2000 et s’est accentuée sous Barack Obama avec l’exploitation des gaz et pétrole dit de schiste », explique Francis Perrin.
«Démocrates et Républicains ont toujours eu cette maxime commune : prenons l’énergie où elle se trouve ! », constate à son tour Jean-François Boittin, spécialiste de la politique énergétique des Etats-Unis.
« Les Etats-Unis reste fondamentalement un pays d’énergie fossiles », indique Françis Perrin. Joe Biden veut-il sortir de cette dépendance aux hydrocarbures ? Lors du dernier débat avec Donald Trump, le candidat démocrate a assumé vouloir se détourner à terme de l'industrie pétrolière.
«Je me détournerai progressivement de l'industrie pétrolière. J'arrêterai parce que l'industrie pétrolière pollue considérablement», a clairement dit Joe Biden. Cette position peut paraître surprenante. Le candidat démocrate a été vice-président sous Obama pendant huit ans lors du développement des gaz et pétrole de schiste. Pourquoi une telle position ?
« Joe Biden est un fin politique. Il a vu qu’Hilary Clinton n’avait pas réussi à rassembler tout le camp démocrate autour de sa candidature, notamment l’aile gauche du parti. Et donc, il a intégré dans son programme sur l’environnement une partie des propositions de l’aile gauche du parti », explique Francis Perrin. «Joe Biden par exemple veut interdire toute nouvelle exploitation toute nouvelle exploitation des gaz et pétroles de schiste sur l’ensemble des terres qui appartiennent à l’Etat fédéral », note Francis Perrin. Donald Trump a annoncé l'autorisation de l’exploitation de gaz naturel dans une zone protégée en Alaska. Joe Biden s’oppose à une telle exploitation. Les terres dites fédérales représentent plus de 28% du territoire des Etats-Unis. Et elles regroupent les parcs nationaux, les forêts nationales, les terrains militaires, les réserves indiennes.
"La question de la fracturation hydraulique est désormais un point d'achoppement entre les deux camps", estime Francis Perrin. Le président sortant en Pennsylvanie a accusé son rival de vouloir interdire la fracturation hydraulique (NDLR : une fissuration massive d'une roche au moyen d'une injection d'un liquide. Cette technique permet de récupérer du pétrole et du gaz), une mesure qui selon lui nuirait à l'économie de cet Etat.
« Sur de nombreux points, en plus de la volonté de réintégrer l’accord de Paris sur le climat, le programme de Joe Biden va bien plus loin que les ambitions environnementales du dernier président démocrate Barack Obama. Joe Biden promet la neutralité carbone des Etats-Unis en 2050 et un grand plan d’investissement dans des infrastructures propres et non carbonées, le ‘green new deal'» , précise le chercheur Francis Perrin.