Fil d'Ariane
Les lois peuvent-elles jouer un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique ? C’est en tout cas l’espoir de la fondation Solar Impulse, spécialisée dans les solutions de protection de l’environnement. Elle a compilé 50 initiatives, qu’elle a transformées en recommandations prenant la forme de propositions de loi.
À l’origine du projet : l’explorateur suisse Bertrand Piccard. Il est connu pour avoir fait le tour du monde dans un avion fonctionnant à énergie solaire, Solar Impulse, qui a donné le nom à la fondation qu’il préside. Il est aussi optimiste quant à l’avenir de la planète. Pour lui, le réchauffement climatique “n’est pas inéluctable et ça va s’aggraver que si on ne fait pas ce qu’il faut”. Invité de l’émission Internationales, diffusée sur TV5MONDE le 25 juin, Bertrand Piccard estime que les dirigeants savent qu’il faut agir pour protéger le réchauffement climatique, mais qu’ils ne proposent pas de solutions concrètes.
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— Internationales (@InterTV5) June 23, 2022
12h/Samedi 25 juin @TV5MONDE
Son portrait en images. pic.twitter.com/iM4VCF8StS
“Je vois que ceux qui ont le pouvoir et qui peuvent prendre des décisions qui s’imposent, raisonnent en termes de création d’emploi et de profit industriel, économique et financier, analyse Bertrand Piccard sur le plateau de TV5MONDE. Si on leur dit que l’écologie, c’est quelque chose qui va les menacer, ils vont s’y opposer.” Pour cela, il prône une approche qu’il revendique “efficiente”, où la transition écologique va de paire avec la croissance économique. “Pour moi, la sobriété c’est la diminution de la consommation avec sacrifices, alors que l’efficience c’est la diminution de la consommation avec bénéfices”, explique t-il lors de l’émission Internationales.
Il s'agit de donner clé en main un certain nombre de changements législatifs que les législateurs peuvent voter.Bertrand Piccard, président de la fondation Solar Impulse
Pour lui, les dons volontaires, les initiatives isolées ne sont pas la solution. “Il faut qu’il y ait un cadre législatif.” L’explorateur propose de “donner clé en main un certain nombre de changements législatifs que les législateurs peuvent voter.” La fondation a donc puisé dans les initiatives qu’elle avait déjà labellisées et qui sont donc réalisables pour écrire ces 50 recommandations. Elles s’articulent autour de neuf thématiques : la production énergétique, le logement et la construction, les infrastructures, l’agriculture, la biodiversité, l’industrie, l’eau, l'économie circulaire et le stockage.
On se base à chaque fois sur une innovation qui existe et qui est rentable aujourd’hui, pour servir de base pour moderniser la législation.Bertrand Piccard, président de fondation Solar Impulse
Ces 50 recommandations sont issues des 450 initiatives françaises labellisées par la fondation. Ce label récompense “le côté économiquement rentable d’une solution écologique”, détaille Bertrand Piccard. “On se base à chaque fois sur une innovation qui existe et qui est rentable aujourd’hui, pour servir de base pour moderniser la législation”, affirme-t-il. Dans le monde, la fondation a trouvé plus de 1400 solutions. “On a été les chercher dans des incubateurs, dans des fonds d’investissements, dans les réseaux internationaux de technologies propres, dans des grandes entreprises”, énumère le président de la fondation Solar Impulse. “On a un groupe d’environ 370 experts indépendants qui reçoivent les dossiers, les analysent et nous donnent leur avis pour qu’on puisse labelliser ou rejeter les solutions proposées”, décrit-il.
Est-ce que la rentabilité est le seul horizon à viser ? “Il ne s’agit pas seulement de protéger l’environnement parce qu’on doit protéger l’environnement, il s’agit de le protéger parce que c’est devenu rentable de le faire”, ajoute Bertand Piccard sur TV5MONDE. Il est aussi nécessaire de pousser les industriels à agir, à ne plus se voiler la face. “La législation actuelle permet de polluer beaucoup plus en dépit des solutions techniques existantes aujourd’hui”, reconnaît-il. Le président de la fondation Solar Impulse espère donc, en apportant ces recommandations, montrer aux législateurs que le changement est à portée main. “Il faut faire évoluer la législation pour la mettre au même niveau, que toutes les solutions techniques qui existent et qu’on pourrait utiliser.”
Dans les esprits, la lutte contre le réchauffement climatique se fait avec des progrès technologiques. Mais pour Bertrand Piccard, “ce n’est pas la technologie qui va tout résoudre.” C’est pour cette raison qu’“il faut utiliser les solutions qui existent pour faire mieux.” Avec l’initiative de sa fondation, il met en avant des solutions proposées par des industriels pour qu’elles soient généralisées en étant inscrites dans la loi française. Par exemple, il y a une recommandation qui suggère de récupérer la chaleur des fumées des usines pour les réutiliser dans l’usine. Une autre souhaite inscrire dans la loi “un objectif de valorisation de 75% des déchets non dangereux et inertes (NDLR : issus des chantiers de constructions, comme des gravats) à l’horizon 2025.”
Les propositions que l’on amène n’ont que des avantages. Bertrand Piccard, président de la fondation de Solar Impulse
Est-ce que ces lois peuvent réellement faire changer la balance dans le réchauffement climatique ? Optimiste, Bertrand Piccard explique dans l’émission Internationales que “toutes les normes, toutes les lois, si elles évoluent, arriveraient dans chaque domaine à diminuer considérablement l’empreinte carbone, l’empreinte pollution, etc.” L’initiative n’est pas sans rappeler le fonctionnement de la Convention citoyenne pour le climat, où 150 citoyens français tirés au sort ont formulé des propositions de loi. Mardi 21 juin, dans son rapport annuel sur l’application des lois, le Sénat révélait que seules 14 mesures, sur les 142 adoptées, ont été prises, soit moins de 10%. Pour Bertrand Piccard, il y a une différence : “les propositions que l’on amène n’ont que des avantages”. Il explique que certaines mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat, comme l’interdiction de la publicité, pouvaient être clivantes. Alors qu’il est convaincu que les propositions avancées par sa fondation “ne font que des heureux.”
"Les solutions pour le climat : c'est comme un banc de piranhas. Une seule proposition c'est un piranha et cela ne change pas grand chose, 1 400 c'est une attaque groupée !" @bertrandpiccard @solarimpulse @InterTV5 @antoinegenton @dgallois @lemonde.fr @TV5MONDE pic.twitter.com/8ncHznXL1P
— Le journal Afrique TV5MONDE (@JTAtv5monde) June 25, 2022
Mais comment faire en sorte que l’initiative soit entendue ? Pendant le mois de juillet, la fondation mettra en place une campagne d’affichage afin d’attirer l’attention sur l’initiative. “Il y aura une image du livret dans lequel il y a toutes les initiatives, dont le titre est 'Pour que ce livre soit un succès, 577 lecteurs suffisent'”, détaille Bertrand Piccard. Le nombre 577 correspond au nombre de députés à l’Assemblée nationale française. Par ailleurs, les députés français auront accès aux dix premières recommandations à partir du début du mois de juillet. Ils auront accès aux 40 autres dans le courant de l’été et au mois de septembre, un recueil des 50 propositions sera déposé à l’Assemblée nationale. Regroupées ensemble, toutes ces solutions peuvent avoir un impact notable sur l'environnement selon le président de la fondation Solar Impulse.
On ne part pas d’une intention, on part d’une solution technique qui existe déjà.Bertrand Piccard, président de la fondation Solar Impulse
Bertrand Piccard est très optimiste sur l’impact de son projet. “On ne part pas d’une intention, on part d’une solution technique qui existe déjà, décrit-il. Celle-ci est économiquement rentable, qui crée des emplois, qui protège l’environnement, mais qui n’est pas connue.” Il réfléchit même à ce qu’il adviendra après la fin de ce projet. “J’aimerais beaucoup pouvoir établir une relation de confiance avec l’Assemblée nationale, pour qu’après ces 50 recommandations, on puisse en amener d’autres”, détaille le président de la fondation Solar Impulse. Et si ça ne marche pas ? “Il y a vraiment de quoi se poser des questions”, conclut-il.