Environnement : les courants marins vont-ils s’effondrer ?

Selon un article paru le 25 juillet 2023 dans la revue scientifique Nature, la circulation méridienne à retournement atlantique pourrait s’effondrer entre 2025 et 2095. Cette circulation est nécessaire pour la régulation des températures autour de la planète. Cependant, des climatologues se montrent moins alarmistes.

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Iceberg

Un iceberg flotte à côte de l'île Bylot, dans l'archipel arctique du Canada, le 24 juillet 2017.

David Goldman/AP Photo
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La circulation méridienne à retournement atlantique (AMOC) va-t-elle s’effondrer en 2025 ? Il s’agit de l’interaction des courants marins à l’échelle de la planète. Dedans, il y a le Gulf Stream, un fort courant marin qui apporte de l’eau chaude depuis le Golfe du Mexique vers l’Atlantique nord. Son effondrement pourrait survenir entre 2025 et 2095, selon une étude publiée par deux chercheurs de l’université de Copenhague dans la revue Nature. 

Comment fonctionnent les courants marins ? 

L’AMOC constitue “une sorte de grand tapis roulant avec plusieurs branches qui assurent le mélange des masses d’eau depuis la surface vers la profondeur de l’océan Atlantique et qui joue aussi un rôle dans le transport de chaleur entre les deux hémisphères”, résume Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue (NDLR : spécialiste de l'histoire du climat) et ancienne co-présidente du groupe de travail n°1 du GIEC, interrogée par TV5MONDE. Ainsi, les eaux chaudes circulent vers le nord et s’enfoncent sous les eaux de la région. Cela libère de la chaleur dans l’atmosphère, ce qui permet de réguler la température. Ensuite, l’eau redescend vers le sud et se réchauffe en remontant vers la surface. 

Carte courants marins
TV5MONDE

Ces différences de densité, qui permettent à l’eau de descendre en profondeur ou de remonter, sont liées à sa densité. “Quand l’eau est plus froide, c’est qu’elle est plus salée, explique l’océanographe et climatologue Sabine Speich, répondant à TV5MONDE. Comme elle est plus dense et lourde, elle commence à plonger en profondeur.” A contrario, si l’eau remonte à la surface, c’est parce qu’elle se réchauffe et s’évapore, elle perd donc en densité.

L’effondrement est lié au fait que si on a un océan qui n’est plus refroidi, sa salinité change et l’eau devient moins salée.

Sabine Speich, climatologue et océanographe

Quelles seraient les conséquences de leur effondrement ?

L’effondrement est lié au fait que si on a un océan qui n’est plus refroidi, sa salinité change et l’eau devient moins salée, explique Sabine Speich. Par exemple, plus il y a de fonte des calottes glaciaires, moins l’eau sera dense.” De ce fait, “l’eau pourra plus difficilement plonger dans les profondeurs et cela va ralentir les courants marins.” L’océanographe estime qu’il reste toutefois possible d’inverser la tendance, à condition “d’arrêter d’émettre des gaz à effets de serre, car il n’y a aucune autre solution.” 

Dans l’histoire du climat, notamment pendant les périodes glaciaires, il y a eu des instabilités rapides du climat liées à des moments où la circulation des courants marins était plus ou moins active, raconte Valérie Masson-Delmotte. Celles-ci se manifestaient par des changements contrastés de température entre l’hémisphère nord et l’hémisphère sud, mais aussi par des modifications de la localisation des bandes de précipitations dans les régions tropicales.” En résumé, par le passé, les perturbations des courants marins ont provoqué des variations de températures dans l’atmosphère, mais aussi des déplacements des zones de pluies. 

Ainsi, cela se traduirait par une baisse des précipitations et la mise en place d’un climat plus aride”, poursuit la paléoclimatologue. Elle reste toutefois factuelle. “Ce ne sont pas des conditions froides qui arrivent, il s’agit là d’un ralentissement de l’intensité du réchauffement.

Des données suffisantes ?

Valérie Masson-Delmotte explique que l’étude qui a été publiée ce 25 juillet dans la revue Nature “ne s’appuie que sur des observations indirectes, donc des températures à la surface de l’océan.” Selon elle, “les données dont on dispose sont imparfaites” car elles “n’intègrent pas la compréhension physique des mécanismes à l'œuvre”. Par exemple, “le fait que dans un climat qui se réchauffe, il y a plus d’eau profonde qui arrive du Groenland et cela peut jouer sur la densité de l’eau”, précise la paléoclimatologue. 

L’étude de la revue Natureest une vision qui utilise des données qu’on appelle un proxy de la circulation thermohaline”, résume Sabrina Speich. Les températures de surface de la mer utilisée par les scientifiques “qui reconstituent avec beaucoup d’approximation comment c’était dans le passé.” En effet, la prise de températures à même les courants marins ne s’effectuent que depuis 2004, donc il est nécessaire de faire des simulations pour avoir une idée de leur température antérieure. 

On manque encore d’être capables de déterminer avec une sorte de système de surveillance et d’alerte, si on envoie des signes avant-coureurs.

Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue

Ce qu’on est capable de décrire, c’est ce qu’il se produirait si l’effondrement de l’AMOC se produisait”, poursuit Valérie Masson-Delmotte. En revanche, “on manque encore d’être capables de déterminer avec une sorte de système de surveillance et d’alerte, si on envoie des signes avant-coureurs”, reconnaît-elle. “Cette étude est intéressante sur la méthode, mais elle demande à être confirmée avec d’autres données sources”, comme par exemple “d’autres bases de données sur la températures de la mer”, résume la paléoclimatologue. “C’est pour cela qu’il est important d’avoir au plus vite des réseaux d’observation plus sophistiqués”, conclut-elle.