Fil d'Ariane
Depuis plusieurs années, les Nations unies soutiennent des projets de compensation d’émissions de carbone dans le cadre du programme “REDD+”. Une étude publiée dans la revue Science met en doute les effets de ce procédé sur la lutte contre la déforestation.
Photo d'illustration. Dans cette photo d'archive du vendredi 30 novembre 2018, de la fumée s'élève d'une usine alors qu'un camion chargé de voitures traverse un pont à Paris, capitale de la France.
Chaque année, la combustion de combustibles fossiles et, dans une bien moindre mesure, la déforestation, émettent environ 40 milliards de tonnes de CO2. C’est le principal facteur de réchauffement de la planète.
Sur les marchés du carbone, un crédit représente une tonne de CO2 qui est soit retirée de l'atmosphère grâce à la croissance des arbres, soit empêchée d'y pénétrer grâce à la déforestation évitée.
La compensation des émissions de gaz à effet de serre par le biais de crédits carbone achetés par les entreprises et les gouvernements ne contribue que rarement à la lutte contre la déforestation, assure une étude publiée par la Science et menée conjointement par des chercheurs de l'université de Cambridge.
Pour cette étude, l'une des premières du genre, les scientifiques ont examiné 18 projets REDD+ au Pérou, en Colombie, au Cambodge, en Tanzanie et en République démocratique du Congo. Les scientifiques ont pu identifier des sites de référence au sein de chaque région, présentant des conditions similaires, mais ne disposant pas de systèmes de protection des forêts.
Sur la quinzaine de projets de compensation examinés, tous soutenus par les Nations unies - dans le cadre du programme REDD+, basé sur le volontariat -, seuls 5,4 millions de crédits sur 89 millions, soit environ 6%, ont réellement permis de réduire les émissions de carbone grâce à la préservation des forêts, ont rapporté cette semaine des scientifiques dans la revue Science.
Seize projets prétendaient avoir évité une déforestation bien plus importante que celle qui avait eu lieu sur les sites de référence. Mais sur les 89 millions de crédits carbone générés par les 18 projets en 2020, 60 millions auraient à peine réduit la déforestation, voire pas du tout, assure l'étude.
Parmi les failles révélées par l'étude : un volume de compensation attendu calculé sur la base de tendances historiques inexactes ou délibérément surestimées. Prévoir les taux de déforestation ou de boisement sur une longue période, comme cela est demandé par le programme REDD+, est difficile.
Mais l'élément le plus problématique reste l'incitation permanente à l'exagération avec "des incitations perverses à générer un grand nombre de crédits carbone", a indiqué dans un communiqué Andreas Kontoleon, l'un des auteurs de l'étude, également professeur à l'université de Cambridge.
Dans ce marché encore trop peu réglementé et critiqué pour son manque de transparence, "l'industrie doit s'efforcer de combler les lacunes qui pourraient permettre à des acteurs de mauvaise foi d'exploiter les marchés de compensation", prône-t-il.
Alors que le changement climatique s'accélère et que la pression monte sur les entreprises et les pays pour qu'ils réduisent leurs émissions, le marché des crédits carbone a explosé avec, en 2021, plus de 150 millions de crédits émis dans le cadre du programme REDD+ pour une valeur de 1,3 milliard de dollars.