Environnement : qu’est-ce que le phénomène El Niño ?

L’Organisation météorologique mondiale prévoit le retour d’El Niño pour la fin de l’année 2023. Ce phénomène météorologique cyclique, qui entraîne une hausse des températures, inquiète. Conjugué à l’impact du réchauffement climatique d’origine humaine, il pourrait provoquer de nouveaux records de chaleur.

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Le lac Sawa asséché est entouré d'un lit asséché en Irak, le 10 avril 2023.

Le lac Sawa asséché est entouré d'un lit asséché en Irak, lundi 10 avril 2023.

Anmar Khalil (AP)
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Le phénomène n’est ni inconnu ni anormal. Naturel et irrégulier dans ses fluctuations, de retour tous les deux à sept ans, El Niño est pressenti pour refaire un tour de chauffe dès 2023.

L’Organisation météorologique mondiale (OMM) des Nations unies (ONU) estime à 80% les chances de formation du phénomène d'ici la fin septembre. « Nous avons besoin de deux ou trois mois de plus pour avoir une idée plus fiable de ce qui va suivre », a prévenu Alvaro Silva, un consultant à l'OMM.

Le cas échéant, il succèdera à une période de trois ans, chose rare, de son pendant, La Niña, période météorologique au cours de laquelle la température des océans baisse et, par conséquent, celle de l’atmosphère terrestre aussi.

Même avec ce « frein temporaire à la hausse globale des températures », les huit dernières années « ont été les plus chaudes jamais enregistrées », a toutefois pointé le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas. Et l'année 2022 marquée par de multiples catastrophes naturelles.

Les premiers effets ressentis en fin d’année 2023

Le retour d’El Niño soulève donc des inquiétudes, compte tenu de l’impact du dérèglement climatique d’origine humaine, qui prévoit déjà +3,8c° en 2100 . « Nous assistons aujourd’hui à un changement climatique d’origine humaine qui prend des proportions tout à fait excessives, commente Martine Rebetez, professeure de climatologie à l’Université de Neuchâtel et à l’Institut fédéral de recherches WSL. Et le phénomène naturel d’El Niño vient s’y superposer. » Conséquence : « Nous allons constater des températures en moyenne plus élevées que tout ce qu’on n’a jamais mesuré auparavant. »

Dans l’absolu, les variations du mercure enregistrés lors des phénomènes El Niño et La Niña oscillent seulement de quelques dixièmes de degrés. Cependant, « les températures atmosphériques très élevées ont des conséquences terribles sur la planète en termes de sécheresse, d’augmentation des précipitations, de canicules, de fonte de glaciers, de glissements de terrain, de laves torrentielles, développe la climatologue. Plus les températures s’élèvent, plus ces phénomènes s‘accroissent. »

Généralement, El Niño sévit une année et prend de l’ampleur au cours de l’hiver avant de s’atténuer après l’été suivant. Les premiers effets pourraient donc être perceptibles dès la fin 2023. « Les mois de novembre ou décembre pourraient déjà être concernés, corrobore Martine Rebetez. Mais si on calcule une moyenne sur l’ensemble de l’année, c'est principalement 2024 qui sera impactée. »

Sécheresse, feux de forêts et pluies diluviennes

« L’enfant terrible du Pacifique », tel qu’il est surnommé, explique la récurrence de catastrophes naturelles dans certaines zones du Pacifique par exemple. Des régions par ailleurs aussi touchées par la résurgence d'épidémies de dengue ou de choléra.

« Il a des conséquences très graves dans des pays comme l’Australie avec de la sécheresse, les feux de forêts et le blanchissement de la barrière de corail, l’Indonésie, l’Amérique du Sud avec des pluies diluviennes et jusqu’à la Californie », situe la spécialiste.

Le continent africain y est également confronté, en particulier l’Afrique du Sud. L’impact est moindre dans les autres régions africaines. Seule l’Europe y échappe. « Nous n’avons jamais pu montrer d’impacts directs d’El Niño sur l’Europe », indique Martine Rebetez.

En revanche, le retour de bâton peut être subi de manière généralisée à terme. « Il ne s’agit plus d’un El Niño normal comme on avait auparavant. De grands feux de forêts dans des régions tropicales peuvent avoir des conséquences sur la météorologie mondiale dans les années qui suivent. »

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Le risque d’un pic de températures supérieur à 2016

En outre, l’intensité d’El Nino est imprévisible en amont. Parfois plus long que prévu, parfois plus puissant, le risque est de voir émerger « un super El Niño ». « Certains épisodes sont plus forts que d’autres. Mais on ne peut prévoir son ampleur avant d’y être confronté, explique Martine Rebetez. Sauf erreur, le phénomène le plus fort a été enregistré en 1998. » 

Or, plus le temps passe et plus les répercussions pourraient être lourdes. « Le problème est qu’on ne sait pas exactement dans quelle mesure le réchauffement climatique d’origine humaine risque de l’amplifier. Ce qu’on sait, en revanche, c’est qu’en augmentant les températures dues aux émissions de gaz à effet de serre, on augmente le risque d’assister à des phénomènes de plus de plus graves. »

La dernière occurence d'El Niño, remontant à 2018-2019, était plutôt de faible intensité. Des records de températures ont, en revanche, été enregistrés lors de celle de 2015-2016. « El Niño inscrit, presque à chaque fois, un pic sur la tendance moyenne des températures. Sauf qu'aujourd'hui, les températures moyennes, hors El Niño, sont supérieures à celles enregistrées en 2018-2019. On risque alors bien d’avoir un pic de température supérieur à toute édition de ce phénomène météorologique. »

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