Environnement : sauver la mémoire du climat conservée dans les glaces de l'Arctique

Une équipe de chercheurs français, italiens et norvégiens va faire des forages des glaces de l'archipel arctique du Svalbard. Le but est de préserver pour les générations futures la mémoire de ces glaciers en voie de disparition à cause du réchauffement climatique.
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Un petit bateau navigue près d'un iceberg dans l'est du Groenland.
Un petit bateau navigue près d'un iceberg dans l'est du Groenland.
© AP Photo/Felipe Dana, File
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Dès le 4 avril, huit chercheurs de France, Italie et Norvège, un spécialiste du forage et un guide de montagne rapporteront deux carottes de glace de 125 mètres de long et d'une dizaine de centimètres de diamètre. L'une sera analysée prochainement et l'autre conservée dans l'Antarctique pour les générations futures, à l'issue d'un véritable défi lancé à la logistique des chaînes du froid.

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"Les glaciers des hautes latitudes, comme ceux de l'Arctique, ont commencé à fondre à grande vitesse. Nous voulons récupérer et préserver, pour les générations futures de scientifiques, ces extraordinaires archives du climat de notre planète avant que toutes les informations qu'elles contiennent ne soient complètement perdues", explique Carlo Barbante, directeur de l'Institut des sciences polaires du Conseil national de la recherche italien et vice-président de la Fondation Ice Memory. 

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Les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont depuis le XIXe siècle réchauffé la planète de 1,1 C° en moyenne. Selon les études, l'Arctique se réchauffe deux à quatre fois plus vite que la moyenne.

"Responsabilité"

La communauté des glaciologues "aujourd'hui voit sa matière première disparaître pour toujours de la surface de la planète. Notre responsabilité en tant que glaciologues de cette génération, c'est de faire en sorte d'en préserver un petit peu", déclare le président d'Ice Memory, le glaciologue français et ancien directeur de l'Institut polaire Paul Emile Victor Jérôme Chappellaz.

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Une étude publiée en janvier dans la prestigieuse revue Science estime que la moitié des quelque 215.000 glaciers sur Terre, notamment les plus petits d'entre eux, sont condamnés à disparaître d'ici à la fin du siècle à cause du changement climatique, tout en ajoutant que limiter au maximum le réchauffement de la planète pourrait encore permettre de sauver les autres.
La petite église du Svalbard, à Bolterdalen, Norvège en janvier 2023. 
La petite église du Svalbard, à Bolterdalen, Norvège en janvier 2023. 
© AP Photo/Daniel Cole)

L'équipe du Svalbard a établi son campement à 1.100 mètres d'altitude dans la blancheur sans fin du champ de glace Holtedahlfonna parsemé de périlleuses crevasses et parcouru ça et là par des ours polaires. 

Là, par des températures oscillant entre -25°C et -5°C, elle travaillera une vingtaine de jours, récoltant patiemment et classant soigneusement de précieux cylindres translucides.

Les tronçons effectueront un périple en bateau jusqu'à Brest puis par voie terrestre vers les centres scientifiques de Grenoble et Venise. Ceux de la deuxième carotte, destinés à la postérité et porteurs dans leurs strates et bulles d'air de 300 ans d'histoire du climat, de l'environnement, des pollutions, repartiront dans un second temps par la mer vers la base franco-italienne de Concordia dans l'Antarctique.

Pamir et pic Mer

Une grotte de neige a été préparée pour les accueillir en 2024-2025 et les entreposer avec d'autres carottes prélevées à travers le monde, à une température naturelle de quelque -50°C en moyenne. Les avantages: nul risque d'être victime d'une panne d'électricité, un lieu difficile d'accès et protégé par le Traité sur l'Antarctique de 1959, rendant les dangers d'un conflit ou d'un acte terroriste peu probables, assure la fondation.

Seront-ils détruits à jamais si l'humanité décide à terme de les analyser? "Notre pari pour l'avenir, c'est que de plus en plus les méthodes d'analyse de la glace seront non destructives", indique Jérôme Chappellaz, évoquant notamment le développement actuel de méthodes optiques. 

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Lancée en 2015, l’initiative franco-italienne Ice Memory a déjà prélevé dans les Alpes, les Andes, le Caucase, l'Altaï et compte le faire en tout sur une vingtaine de sites pendant une vingtaine d'années.

Parmi les prochaines destinations de forage, il cite le Pamir au Tadjikistan et le pic Mera dans l'Himalaya.

Les neiges du massif du Pamir vu depuis l'Afganistan en août 2016.
Les neiges du massif du Pamir vu depuis l'Afganistan en août 2016.
© AP Photo/Massoud Hossaini
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La mission Svalbard d'un budget global de 700.000 euros est financée par le ministère italien de l'Université et de la Recherche, les institutions scientifiques participantes et la Fondation Ice Memory, elle-même financée par le mécénat, précise la Fondation.