Fil d'Ariane
Les pays du G7 s’engagent à décarboner majoritairement le secteur de l’électricité d’ici 2035. Ils promettent aussi d’arrêter de financer des projets liés aux énergies fossiles dès la fin de l’année 2022. Cet accord marque-t-il un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
« Nous nous engageons à atteindre un secteur de l’électricité majoritairement décarboné d’ici 2035 », affirment vendredi 27 mai les ministres du climat et de l’énergie des pays du G7 à Berlin. Pour la première fois, ces sept puissances industrielles (États-Unis, Japon, Canada, France, Italie, Royaume-Uni, Allemagne) ont un tel objectif ensemble.
En plus de vouloir décarboner la majorité de leur secteur électrique d’ici 2035, ils s’engagent à mettre fin à tout financement international des projets liés aux énergies fossiles dès cette année. Pour atteindre cet objectif, les pays promettent de « soutenir l’accélération de la sortie mondiale du charbon » et « développer rapidement les technologies et les politiques nécessaires à la transition vers une énergie propre ».
Jusqu'ici, c'était un point aveugle de la lutte contre le changement climatique, alors que le GIEC estime qu'il serait possible de réduire de 10% les émissions mondiales de gaz à effet de serre si on mettait fin à ces subventions publiques.François Gemenne, chercheur au FNRS à l'Université de Liège
François Gemenne, chercheur au FNRS à l’Université de Liège et auteur principal du GIEC estime que les pays du G7 ont « sans doute les moyens » de parvenir à leur objectif d’électricité décarbonée d’ici 2035. Dans une interview pour la radio FranceInfo, il rappelle cependant que « le gros problème pour la décarbonation du secteur électrique, ça va être tout ce qui va se passer hors des pays industrialisés. » Ainsi, cette annonce lui paraît moins impressionnante que celle sur les financements des projets liés aux énergies fossiles. François Gemenne souligne que « Jusqu'ici, c'était un point aveugle de la lutte contre le changement climatique, alors que le GIEC estime qu'il serait possible de réduire de 10% les émissions mondiales de gaz à effet de serre si on mettait fin à ces subventions publiques. »
Toutefois, l’idée de mettre un terme aux financements des projets d’énergie fossile n’est pas nouvelle. Le 4 novembre, le Royaume-Uni lance une alliance d’une vingtaine de pays, qui s’engagent à mettre fin à leurs investissements dans le pétrole, le gaz et le charbon à l’étranger à partir de fin 2022. Parmi les pays membres de cette alliance, le Canada, les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie et la France. Avec le Royaume-Uni, cela fait plus de la moitié des pays du G7. Seul le Japon n’avait pas signé cette déclaration. L’annonce faite à Berlin constitue donc un revirement pour le pays. « Il est bien que le Japon, premier financeur des combustibles fossiles au monde, ait rejoint les autres pays du G7 », analyse Alden Meyer, expert pour le Think Tank européen E3G.
Lors de la COP26, qui s’est tenue à Glasgow en Écosse en novembre 2021, les pays du G7 s’étaient engagés à une « diminution » de l’utilisation du charbon. Désormais, la possibilité de sortir totalement de ce combustible est évoquée, même s’il n’y a pas encore de date précise pour la fin de l’utilisation du charbon. Le Japon est le seul pays du G7 à ne pas avoir de plan de sortie du charbon, car il en est encore fortement dépendant.
François Gemenne, chercheur et membre du GIEC, mentionnait que « tout l’enjeu se trouve aujourd’hui dans les pays qui sont des pays émergents ou des pays en développement. » Par exemple, la Chine, plus gros pollueur au monde en 2020 selon les chiffres du BP Statistical Review, produit 65% de son électricité grâce au charbon. La Chine est également le plus gros consommateur de charbon au monde. À lui tout seul, le pays comptait pour 51,7% de la consommation mondiale de charbon en 2019. Loin devant les États-Unis, qui ne représentent "que" 7,2% de la consommation de charbon dans le monde la même année.
François Gemenne souligne également que « tous ne partent pas de la même ligne de départ » pour parvenir aux objectifs prévus. Par exemple, l’Allemagne, qui avait prévu de sortir simultanément du nucléaire et du charbon, a dû faire marche arrière et reconsidérer l’énergie fossile. La raison ? La guerre en Ukraine a mis le pays en difficulté pour son approvisionnement en gaz.
De son côté, la France « est un pays très nucléarisé et donc décarboner la production d'électricité va être très facile parce que c'est déjà largement le cas », analyse le chercheur au FNRS à l’Université de Liège François Gemenne. Par ailleurs, la France est le pays du G7 le moins dépendant à l’électricité issue de l’énergie du carbone, selon la Revue Générale Nucléaire.
Le problème, c’est que ce fond n’est pas encore opérationnel et on ne sait toujours pas quand il le sera. Patrick Bayer, spécialiste en régulation environnementale
Par ailleurs, les pays du G7 reconnaissent la nécessité de renforcer l’aide financière aux pays vulnérables face aux dommages liés aux dérèglements climatiques. Lors de la COP21, qui s'est tenue à Paris en 2015, « les pays développés ont convenu d’un fond pour aider les pays en développement et notamment les nations africaines en termes techniques, mais aussi monétaires », rappelait Patrick Bayer, maître de conférence à l’université de Strathclyde et spécialiste de la régulation environnementale à la fin du mois d’octobre. « Mais le problème, c’est que ce fond n’est pas encore opérationnel et on ne sait toujours pas quand il le sera », regrettait-il.
« Pour aider les pays en développement à faire passer leurs économies de la dépendance aux combustibles fossiles à des ressources énergétiques propres au rythme nécessaire », les financement doivent « atteindre 1000 milliards de dollars par an d'ici à 2030 », prévient Alden Meyer dans l’hebdomadaire français L’Express. Il s’agit de la même somme que celle prévue en 2010 lors du sommet de Copenhague pour une aide aux pays en développement. Or, le sommet de Copenhague prévoyait que cette aide atteigne les 100 milliards par an en… 2020. « Elle était à 79,6 milliards de dollars selon les derniers chiffres », détaillait Patrick Bayer.