Fil d'Ariane
La pluie peut-elle être artificiellement provoquée ? La science et les moyens techniques actuels permettent d’y arriver. Différentes techniques sont possibles afin d’y parvenir. Cependant, ce procédé ne fait pas l’unanimité.
Des nuages de pluie surplombent la ville de Dubai, aux Émirats arabes unis.
Afin de lutter contre la sécheresse et l’aridité, certains pays n’hésitent pas à provoquer artificiellement des précipitations. Ce processus est de plus en plus utilisé par différents pays, mais reste fortement critiqué car de nombreuses zones d’ombres autour de la manière de faire subsistent.
La création de pluie artificielle fait partie d’un ensemble de techniques de modification de la météo appelée géo-ingénierie. Ce terme a été défini en 2014 dans un rapport de synthèse du Giec comme étant un “vaste ensemble de techniques fonctionnant à grande échelle et visant à modifier délibérément le système climatique” afin de lutter contre le réchauffement climatique. En plus de la pluie artificielle, il existe des méthodes comme le stockage de dioxyde de carbone ou la gestion du rayonnement solaire.
Dans le cas de la pluie artificielle, il s’agit d’ensemencer les nuages pour provoquer les pluies. Cela se fait par l’injection de particules de sel ou d’iodure d’argent (NDLR : composé chimique à base d'un mélange de nitrate d'argent et de potassium) grâce à des roquettes, avions, drones ou appareils diffusant de la fumée depuis la terre ferme.
Dans une interview au quotidien français Le Monde, Andrea Flossmann, professeure à l’université Clermont Auvergne et coprésidente du groupe d’experts sur la modification météorologique de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) explique qu’utiliser ce procédé pour produire plus de précipitations équivaut à “jeter une salière” dans une énorme quantité d’eau. “Il faut pouvoir agir de façon chirurgicale” pour que le processus puisse fonctionner selon elle. En 2019, l’OMM a réalisé une évaluation sur ce procédé. Elle montre que la hausse des pluies provoquées varie entre 20% et zéro.
La Chine s’est lancée dès 2019 dans la modification artificielle de la météo, avec un premier plan national en ce sens. Elle se positionne comme le leader mondial de cette pratique. Elle utilise principalement des projectiles d’iodures, tirés depuis des avions ou des canons au sol.
Plusieurs autres pays, comme les Émirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, les États-Unis, l’Afrique du Sud, le Mexique, la Thaïlande mais aussi la France ont également des programmes de production de pluie artificielle.
Aux Émirats arabes unis, les projets de pluie artificielle ont vu le jour en 2010, avec un projet gouvernemental sur la ville d’Abu Dhabi, avec de larges parasols métalliques destinés à charger l’air électriquement. La ville de Dubaï a commencé à tester l’encensement des nuages en 2017, par l’intermédiaire d’avions. Depuis 2021, la ville emploie également des drones pour déséquilibrer les charges des nuages et provoquer la pluie.
Les techniques de géo-ingénierie font toutefois l’objet de controverses sur leur efficacité et leurs dangers potentiels. En juin 2023, l’Union Européenne dévoilait une communication sur les dangers géopolitiques liés au climat. Selon elle, les technologies de manipulation du climat ne sont pas “la solution” au réchauffement planétaire et présentent en l’état “un niveau de risque inacceptable.”
“L’intervention intentionnelle à grande échelle dans les systèmes naturels suscite une attention croissante, mais les risques et les conséquences inattendues sont mal compris” faute d’évaluations scientifiques complètes, et “les règles nécessaires pour les encadrer n’existent pas”, averti la Commission européenne. "En l 'état de leur développement, elles représentent un niveau de risque inacceptable pour l 'homme et l 'environnement", résume la Commission dans un communiqué. Elle estime que ce n’est "pas la réponse au changement climatique", faute de s'attaquer à la racine du problème, à savoir les émissions croissantes de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, de nombreux scientifiques alertent sur l’utilisation d’iodure d’argent dans le ciel. Ils estiment que ce produit est susceptible d’affecter la santé des habitants dont la région est concernée par les pluies artificielles. Dans un article du journal l’Humanité, le chercheur à Météo France François Bouttier explique toutefois que “pour que l’iodure d’argent en arrive à avoir un impact sur l’homme, sa concentration doit être bien plus importante que celle utilisée pour l’ensemencement des nuages. Les études montrent que le produit se dilue largement dans l’atmosphère". Cependant, il précise que “l’ion argent affecte plus sérieusement les plantes et animaux aquatiques, pour lesquels il demeure très toxique.”