Fil d'Ariane
Plus d’une fois et demi la superficie de Paris vient d’être détruite par les flammes. En Gironde, région du sud-ouest de la France, les deux gigantesques incendies continuent leur trajectoire. Depuis le 12 juillet, 20 000 hectares de forêt ont brûlé. L’hexagone n’est pas seule victime de ces feux extraordinaires. En Espagne, une vingtaine d'incendies de forêt sont toujours hors de contrôle dans différentes parties du pays. Au Portugal, près de 14 000 hectares ont brûlé la semaine dernière.
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En 2021, les mégafeux en Australie auraient même eu un impact sur la santé des Australiens, selon un article publié le 10 janvier 2022 sur le site de l'Union américaine de géophysique (Eos). Ils ne représentent qu’un pourcentage infime de la totalité des incendies. Ils sont pourtant responsables de plus de la moitié des surfaces brûlées de la planète. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Il n’y a pas de définition très précise et scientifique pour parler de mégafeux. C’est avant tout une question de surface brûlée et de durée des feux.Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC.
"Il n’y a pas de définition très précise et scientifique pour parler de mégafeux. C’est avant tout une question de surface brûlée et de durée des feux", explique Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC. Aucune délimitation exacte de superficie des incendies n'existe pour pouvoir employer le terme. Selon les pays ou les régions du monde, cela peut varier de 1 000 à 10 000 hectares brûlés. En Europe, par exemple, le terme est employé dès que 1 000 hectares sont touchés. C'est moins vrai aux États-Unis.
Le documentaire “Méga Feux, le nouvel âge du feu”, diffusé sur la chaîne française France 5 en 2022, décrit lui davantage "un nouveau phénomène." Unique par sa taille, inédit par son comportement, sans précédent par ses conséquences, les mégafeux touchent tout type de forêt. L'ancien pompier et spécialiste des mégafeux, Sébastien Lahaye, appuie cette définition et insiste sur "la rapidité d'évolution et le caractère incontrôlable" de ces feux.
En France, les régions à risque sont le sud-est et le sud-ouest. Le centre et l’ouest de la France vont devenir à risque. On voit bien que les surfaces vulnérables augmentent. Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC.
De cette façon, des forêts tropicales humides comme l’Amazonie deviennent suffisamment sèches pour brûler. “En France, les régions à risque sont le sud-est et le sud-ouest. Le centre et l’ouest de la France vont devenir à risque. On voit bien que les surfaces vulnérables augmentent”, ajoute Jean Jouzel.
Conséquence directe, les mégafeux devraient augmenter de 30% d’ici à 2050, selon 50 experts auteurs d’un rapport pour le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement. Et le phénomène est étroitement lié au réchauffement climatique.
Les départs de feux peuvent être d’origine accidentelle, criminelle ou naturelle. “En Californie, plus de la moitié des feux sont naturels”, alerte le climatologue. Ils sont initiés par des orages avec beaucoup d’éclairs. Le réchauffement climatique intensifie ces épisodes orageux et est à l’origine de plus de départs de feu.
Mais les mégafeux ne sont pas tous provoqués par le climat. "En France, peut-être seulement 10% des feux sont d’origine naturelle", rappelle Jean Jouzel. La plupart sont des feux dits criminels, comme c’est le cas supposé en Gironde où un individu a été arrêté, ou accidentel. Mais “les périodes de sécheresse favorisent aussi l'extension de ces feux”, décrit Jean Jouzel.
Des températures supérieures à 30°C, un taux d’humidité inférieur à 30°C, des vitesses de vent supérieures à 30 mètres par secondes sont les conditions idéales pour une extension importante des feux.Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC
“Des températures supérieures à 30°C, un taux d’humidité inférieur à 30°C, des vitesses de vent supérieures à 30 mètres par secondes sont les conditions idéales pour une extension importante des feux”, explique Jean Jouzel. Or, le dérèglement climatique invite ces trois curseurs à augmenter.
Et la nature réagit elle aussi à ce dérèglement. Comme l’explique la revue scientifique française Science et Avenir, la végétation répond au stress climatique en retenant le plus possible son humidité. Les plantes stoppent la photosynthèse (la conversion de dioxyde de carbone en oxygène) et arrêtent de croître. Le manque d’eau provoque la mort de l’arbre.
Or, le feu ne s’attaque pas aux arbres vivants. Ces derniers contiennent de l’eau dans leurs vaisseaux incompatibles avec les flammes. Le feu cible davantage le bois mort hautement inflammable. "C’est pour cette raison qu’il est important de ne pas laisser du bois mort s’accumuler dans la forêt", rappelle Jean Jouzel.
Ensuite, le feu se propage et crée son propre climat, composé de gaz chaud et de vents tourbillonnant. Et par effet rétroactif, le feu rejette des millions de tonnes de carbone dans l’air et aggrave le réchauffement climatique.
Face à la multiplication de ces mégafeux, il faut se préparer en amont, rappelle l'ancien pompier Sébastien Lahaye. "C'est illusoire de penser qu'en multipliant le nombre d'avions ou le nombre de pompiers on va résoudre le problème. Ce qu'il faut faire c'est, un, de la prévention, deux, de la préparation."
(re)voir : Comment agir contre les mégafeux ?