Fil d'Ariane
Huit ans après une première mise en garde contre les conséquences du changement climatique, le pape François publiera, mercredi 4 octobre, un additif à ce texte fondateur pour dresser un inventaire et proposer de nouvelles actions.
Le pape François tient un consistoire sur la place Saint-Pierre au Vatican où il créera 21 nouveaux cardinaux, le 30 septembre 2023.
La publication de cette suite à son encyclique de 2015, intitulé "Laudato Si" ("Que tu sois loué"), arrive à point nommé. Elle intervient quelques semaines avant le début des négociations sur le climat, à Dubaï, sous l'égide des Nations unies (ONU), la COP28. Ce, alors que les objectifs de réduction des émissions carbone semblent de plus en plus difficiles à atteindre.
Le nouveau texte papal, baptisé "Laudate Deum" ("Louez Dieu"), sera "un regard sur ce qu’il s'est passé et dire ce qu'il faut faire", a précisé le pape de 86 ans.Le document original comptait près de 200 pages. Il ne s’adressait pas aux seuls 1,3 milliard de catholiques revendiqués par l’Église mais à toute l'humanité. Il faisait office d’appel à la solidarité mondiale pour agir ensemble en vue de protéger "notre maison commune".
Basé sur les recherches sur le climat, il affirmait clairement que l'humanité est responsable du réchauffement climatique. Il mettait aussi en garde contre le changement rapide et la dégradation ayant porté le monde au bord du "point de rupture."
Le message de François avait aussi une forte connotation morale. Il dénonçait la responsabilité du consumérisme, de l'individualisme et la poursuite de la croissance économique aux dépens de la planète. Pour le jésuite argentin, les pays riches doivent accepter qu'ils sont les principaux responsables de la crise climatique et aider les pays pauvres qui en subissent les plus lourdes conséquences.
"Laudato si" a déclenché un débat au niveau mondial, y compris des commentaires dans des revues scientifiques. Il s’agissait d’un phénomène inédit pour un texte religieux.
Quelques mois plus tard, une avancée significative a été obtenue avec l'accord de Paris sur le climat dont l'objectif primordial est de maintenir la hausse de température en dessous de 2°C. Selon les observateurs, le Vatican aurait joué un rôle important en coulisses.
Le mois dernier, l'ONU a averti que le monde n'était pas en bonne voie pour atteindre ce but. 2023 devrait être l'année la plus chaude de l'Histoire de l'humanité, avec un été marqué par des canicules, des sécheresses et des incendies.
"Il est temps de travailler ensemble pour arrêter la catastrophe écologique avant qu'il ne soit trop tard", a récemment exhorté le pape, lors d'une intervention vidéo en marge de l'Assemblée générale de l'ONU.
Le nouveau texte devrait être beaucoup plus court que son prédécesseur. Son format, de type exhortation apostolique au lieu d'une encyclique, a moins de poids dans la théologie catholique.
Pour le Pr Ottmar Edenhofer, directeur de l'Institut de Potsdam de recherche sur le climat, ce texte ne devrait pas avoir le même impact. "Laudato Si" avait selon lui renversé la table. Il a fait du changement climatique un véritable sujet pour l'Eglise catholique, mais entraîné aussi un débat au sein de la communauté scientifique.
Alors que François a fait de ce thème un pilier de son pontificat, son influence n'est plus ce qu'elle était. "L'autorité morale de l’Église catholique a décliné significativement ces huit dernières années", notamment en raison de "la crise des agressions sexuelles" sur mineurs, estime le Pr Edenhofer.
En 2015, François, élu deux ans plus tôt, "était perçu comme l'un des grands leaders moraux, l'un des plus importants dirigeants du monde". Alors qu'aujourd'hui "le monde est en crise, l’Église est en crise."
Lors du cinquième anniversaire de l'encyclique en 2020, le Vatican a appelé les catholiques à retirer leurs investissements du secteur des carburants fossiles. Symboliquement vu sa taille minuscule, l’État du Vatican s'est aussi engagé à éliminer ses émissions carbone d'ici 2050.
Cette année, le très respecté Institut environnemental de Stockholm (SEI) a publié, en collaboration avec le Vatican, une brochure basée sur "Laudato Si". Celle-ci donne des explications succinctes sur les problèmes urgents pour tenter d'inciter les gens à agir.
"Ce qu'il faut maintenant, c'est une action à la fois individuelle et collective pour résoudre la triple crise planétaire que nous affrontons: le changement climatique, la pollution et la perte de biodiversité, explique la responsable de ce projet, Molly Burd. Les leaders religieux, comme tous les véritables leaders, peuvent jouer un rôle en influençant les comportements au sein des communautés qu'ils dirigent."