Fil d'Ariane
Pierre Rabhi restera comme l'un des précurseurs de l'agroécologie - une pratique agricole visant à régénérer le milieu naturel en excluant pesticides et engrais chimiques.
Une méthode appliquée dès les années 1980 en Afrique sub-saharienne, où il effectuera de nombreux séjours.
Né en 1938 aux portes du Sahara algérien, il a été très tôt écartelé entre "modernité et tradition", quand son père l'a confié à une famille de colons français, afin de lui assurer une meilleure instruction. Rabah deviendra alors Pierre.
"Des déchirements, des ruptures, des souffrances, il y en a eu un bon paquet", confiait cet autodidacte, installé en Ardèche (sud) depuis 1961, après avoir quitté l'Algérie au début des "événements".
A l'usine, Pierre Rabhi a rencontré Michèle, secrétaire de direction et future mère de ses cinq enfants, avec qui il a échafaudé ce retour à la terre, dans une volonté de "désaliénation" car "nous ne sommes pas nés pour produire".
En lui, le moine bouddhiste Matthieu Ricard voyait un "frère de conscience". Et il était admiré par des personnalités aussi diverses que l'actrice Marion Cotillard et l'ancien ministre français de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot.
Ses ouvrages, innombrables, ont à chaque fois rencontré un succès indéniable.
"Parfois présenté comme un technicien, Pierre Rabhi s'intéressait à l'intériorité des gens", a souligné son fils Vianney.
Référence dans le sérail écologiste et altermondialiste, celui qui fut l'ami de Thomas Sankara, le "père de la révolution burkinabè", ou du légendaire violoniste Yehudi Menuhin, a connu une certaine exposition médiatique en 2002, à l'occasion d'une éphémère candidature à la présidentielle, pour déjà "introduire dans le débat l'urgence écologique et humaine".
Il a ensuite partagé son temps entre interviews, animation de ses fondations, conférences, rédaction d'ouvrages, etc.
Même si dans ce riche programme, le temps consacré au jardinage n'était "pas négociable".
"Il y a une espèce d'inconscience, nous sommes dans une modernité aveugle, dans le sens où l'on ne voit plus que le gain financier", déclarait Pierre Rabhi à l'AFP en octobre 2018.
Grand admirateur de Socrate, il disait que "chaque être humain doit tenter de se connaître de façon à se changer positivement".
Il racontait avec toujours la même énergie la légende amérindienne des colibris devant un parterre de groupies.
"L'histoire dit qu'un jour il y a eu un grand incendie de forêt. Tous les animaux ont été découragés. Par contre, le colibri ne renonce pas, il va prendre une goutte d'eau dans son bec et va la jeter sur le feu. Un moment le tatou lui dit : +colibri, tu ne vas quand même pas croire que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ? Il répond : +je le sais mais je fais ma part+".
Pierre Rabhi en fera une maxime - "chacun doit faire sa part" - et sera le confondateur du mouvement des Colibris avec l'écrivain militant Cyril Dion.
"Je ne veux pas être un gourou", disait-il pourtant.
"L'agroécologie est reconnue maintenant, même par les Nations unies, comme étant la bonne solution pour résoudre les problèmes de l'alimentation dans le monde", se réjouissait-il.