Fil d'Ariane
L'Inde, deuxième pays le plus peuplée au monde avec 1,3 milliards d'habitants, connait une des plus graves crises hydriques de son histoire. Plus de 200 millions de personnes, en effet, n'ont pas accès à une source d'eau potable, selon la Banque Asiatique de Développement. 2 millions d'Indiens, principalement des enfants meurent chaque année de maladies causées par l'eau.
D'ici 2030, le pays sera déficitaire de 50% en ressources en eau. Un risque de crise mondial est “imminent”, avertit l’ONU, dans un rapport publié peu avant le début de la conférence des Nations Unies sur l’eau.
Quelque 6 500 participants, parmi lesquels une centaine de ministres et une douzaine de chefs d'État, se réunissent à New York du 22 au 24 mars, pour la conférence des Nations Unies sur l’eau. Ils vont tenter d’inverser la tendance et espérer garantir d’ici 2030 un accès équitable à l’eau potable ou à des toilettes pour tous, selon les objectifs fixés en 2015. Ils sont appelés à venir avec des engagements concrets. Aucune conférence de cette ampleur n’avait été organisée depuis 1977 sur cette question.
“Une surconsommation et un surdéveloppement vampirique, une exploitation non-durable des ressources en eau, la pollution et le réchauffement climatique incontrôlés sont en train d’épuiser, goutte après goutte, cette source de vie de l’humanité”, s’alarme Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, dans l’avant-propos d’un rapport de l’ONU-Eau et de l’Unesco. Que montre ce rapport sur l’état des ressources en eau de la planète ?
Si rien n’est fait, entre 40% et 50% de la population continuera à ne pas avoir accès à des services d’assainissement et environ 20%-25% à de l’eau potable.Richard Connor, auteur principal du rapport de l'ONU-Eau et de l'Unesco
“Combien de personnes seront touchées par cette crise mondiale de l’eau est une question de scénario”, explique Richard Connor, auteur principal de ce rapport. “Si rien n’est fait, entre 40% et 50% de la population continuera à ne pas avoir accès à des services d’assainissement et environ 20%-25% à de l’eau potable”, note-t-il. Cette situation met également en lumière les inégalités. “Où que vous soyez, si vous êtes assez riches, vous arriverez à avoir de l’eau”, selon Richard Connor. “Plus vous êtes pauvres, plus vous êtes vulnérables.”
Le problème n’est pas le manque d’eau, mais la contamination de celle qui peut être disponible. Cela est dû à l’absence ou au manque de systèmes d’assainissements. En 2020, 2 milliards de personnes étaient toujours privées d’une eau potable sûre. Cela représente 26% de la population de la planète. Par ailleurs, 3,6 milliards de personnes, soit 46% de la population, n’avaient pas accès à des services d’assainissement gérés de manière sûre, dont 494 millions n’avaient d’autre option que de faire leurs besoins en plein air.
Par ailleurs, 29% de la population mondiale ne bénéficiait pas de services d’hygiène de base, soit 2,3 milliards de personnes. Parmi elles, environ 2 milliards de personnes boivent de l’eau contaminée par des excréments et 670 millions n’ont aucune installation leur permettant de se laver les mains. Toujours en 2020, près de 40% des eaux usées domestiques n’étaient pas traitées de façon sûre avant d’être rejetées dans la nature.
Dans ces conditions, des maladies comme le choléra, la polio ou la dysenterie peuvent proliférer de manière propice. En 2019, l’absence de services d’hygiène et d'assainissement adéquats a causé 1,4 million de morts. L’ONU eau estime qu’il faudrait multiplier les niveaux d’investissements actuels par trois au moins, afin de permettre à tous d’accéder à l’eau potable d’ici 2030.
Ces défaillances sanitaires et pollutions menacent également la nature. Les écosystèmes d’eau douce qui rendent des services inestimables à l’humanité, notamment en aidant à lutter contre le réchauffement et ses impacts, sont “parmi les plus menacés au monde”, selon le rapport. Il évoque notamment la disparition de plus de 85% des zones humides. Les risques viennent également de polluants émergents comme les produits pharmaceutiques et chimiques, pesticides ou nanomatériaux.
Par ailleurs, “la perte de services environnementaux et de biodiversité devrait se poursuivre au fur et à mesure que les zones naturelles disparaissent au profit de terres cultivées”, note le rapport. Lorsque les tourbières sont “drainées et converties en terres cultivées”, le risque de provoquer des émissions de gaz à effet de serre augmentent de façon “considérable.”
Au cours des 40 dernières années, l’utilisation de l’eau dans le monde a augmenté de 1% tous les ans. Cela conduit à des extractions parfois excessives des nappes phréatiques. Chaque année, entre 100 et 200 km3 des réserves d’eau souterraines sont épuisées.
Environ 10% de la population mondiale vit dans un pays où le rapport entre l'utilisation de l’eau et sa disponibilité atteint un niveau critique, voire élevé. Cela limite “considérablement” la disponibilité de l’eau pour les besoins des personnes. Par ailleurs, selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 20 mars 2023, “environ la moitié de la population mondiale” subit de “graves” pénuries d’eau pendant une partie de l’année.
Niveau de stress hydrique par pays, en 2019.
En jaune pâle, les pays à très faible stress hydrique.
En jaune, ceux avec un niveau moyen.
En orange, ceux avec un niveau moyen-haut.
En rouge, ceux avec un haut niveau.
En rouge foncé, ceux avec un niveau extrêmement haut.
Par ailleurs, l’agriculture utilise plus de 70% des ressources mondiales en eau. Avec la demande des villes, qui devrait augmenter “de 80% d’ici à 2050, l'approvisionnement en eau des centres urbains à partir des zones rurales est devenu une stratégie courante” pour répondre à ces nouveaux besoins, note l’ONU. Cependant, cela ne devrait pas être suffisant. Le nombre d’habitants des zones urbaines menacés par les pénuries d’eau devrait passer de 933 millions en 2016 à entre 1.7 et 2.4 milliards en 2050 selon l’ONU-Eau.
Avec le réchauffement de la planète, l’humidité dans l’atmosphère augmente environ de 7% par degré supplémentaire. Cela entraîne davantage de précipitations, plus intenses et moins régulières.
Selon le rapport, entre 2000 et 2019, les inondations auraient provoqué 650 milliards de dollars de dégâts, touché 1,65 million de personnes et causé plus de 100 000 morts. Le réchauffement multiplie aussi les sécheresses. Sur la même période, elles ont concerné 1,43 million de personnes et causé 130 milliards de dollars de dommages. Au total, sécheresses et inondations comptent pour plus de 75% des catastrophes naturelles subies par l’humanité. Prochainement, elles risquent de frapper les régions actuellement épargnées par ces phénomènes en Asie de l’Est ou en Amérique du Sud.