
Images du "super charger" inauguré début septembre à Rivière-du-Loup.
Au Canada, à partir de 2035, il sera interdit de vendre des véhicules thermiques. Le pays est donc en train de faire sa transition énergétique avec la mise en marché de plus en plus de véhicules électriques. Le Québec est l'une des provinces où cette transition est la plus avancée, car il dispose de l'hydroélectricité comme source d'énergie, un atout indéniable pour ce virage de l'électrification des transports.
Hydro-Québec s'est associé avec plusieurs partenaires du secteur du commerce de détail afin de créer le Circuit électrique, un réseau de bornes de recharges publiques pour véhicules électriques. Ici une recharge en 2019.
Le gouvernement québécois vient d'ailleurs d'annoncer un investissement de plus de 500 millions de dollars pour ajouter 116 000 bornes de recharge électrique aux 9 500 que compte déjà la province. Mais cette transition énergétique n’est pas sans soulever de gros défis.
Le 1er septembre dernier, à Rivière-du-Loup, dans la région du Bas-du-Fleuve ont été inaugurées des bornes de recharge rapide à partage dynamique de puissance, une première au Canada. Ces bornes vont permettre à six véhicules de se brancher simultanément et les 500 kilowatts seront répartis selon leurs capacités de recharge. Une station-service électrique en quelque sorte !
Images du "super charger" inauguré début septembre à Rivière-du-Loup.
Ce nouveau système de bornes a été mis en service par Circuit électrique, la filiale d'Hydro-Québec qui implante et gère le principal réseau des bornes électriques de la province, avec plus de 4500 bornes, dont 830 rapides. Hydro-Québec est une société d'État québécoise responsable de la production du transport et de la distribution de l'électricité au Québec depuis sa fondation en 1944.
« Si on regarde pour les bornes rapides, il y a une accélération du déploiement parce qu'on essaie de suivre la cadence du marché, c'est une courbe exponentielle l'adoption des véhicules électriques. Donc cette année on est en voie d’atteindre notre objectif d’installer 200 bornes rapides. Et ça va s'accélérer pour les prochaines années, ce qu'on veut d'ici 2030, c'est d'avoir 2500 bornes rapides » précise Jonathan Côté, porte-parole pour la mobilité électrique d’Hydro-Québec.
Il y a d’autres joueurs sur le marché des bornes électriques au Québec : Tesla, Flo, ChargePoint, IGA, Couche-Tard et Petro Canada, qui ont chacun leur réseau, Circuit électrique a d’ailleurs des ententes de partenariat avec plusieurs de ces compagnies.
Au total donc le Québec compte actuellement 9500 bornes publiques qui permettent d’alimenter en électricité les quelque 200 000 véhicules électriques qui y circulent, sur un parc automobile total de 6 millions. Le VE est encore minoritaire sur les routes du Québec mais les ventes sont en croissance exponentielle : depuis le début de l’année, près d’un véhicule sur 5 vendu dans la province est électrique.
« Il y a 2, 3 ans, les ventes de VE (véhicules électriques), c'était moins de 5% des ventes au Canada, souligne Daniel Breton, président de Mobilité Électrique Canada. Au 2ème trimestre de 2023, on a battu le record de ventes de VE avec 10,5% au Canada, au Québec c’est un record aussi avec 18,4% et en Colombie-Britannique, c’est plus de 20%. Quand on regarde la flotte des VE au Canada, à peu près 42% des véhicules électriques qu'on retrouve au Canada sont au Québec ».
Plusieurs raisons à cette réalité : c’est au Québec que l’incitatif est l’un des plus généreux, avec une subvention de 7000$ à quiconque acquiert un véhicule électrique Six autres provinces offrent des rabais, les autres rien du tout. Le Québec et la Colombie-Britannique ont aussi adopté la norme de 0 émission qui oblige les constructeurs automobiles à offrir un nombre croissant de VE, sinon ils vont payer des pénalités.
Jonathan Côté est porte-parole pour la mobilité électrique, Hydro-Québec
« Et puis il y a une fierté nationale à l'électricité renouvelable d'Hydro-Québec, fait remarquer Daniel Breton, ce qui fait que les gens se sentent une appartenance supplémentaire par rapport à l'hydroélectricité, au Circuit électrique qui est le réseau d'Hydro-Québec, donc le virage se fait un peu plus facilement au Québec pour ces raisons-là ».
« C'est certain qu'au Québec, c'est beaucoup plus attrayant pour les gens d'avoir un véhicule électrique parce qu'on sait que l'énergie, elle est propre, elle est renouvelable, donc le bilan carbone de l'achat de notre véhicule électrique est meilleur, ajoute Jonathan Côté. Ici on peut aller partout, il y a toujours des bornes rapides sur notre chemin, il n’y a pas de longues files d'attente, on est capable de trouver facilement une borne disponible, donc oui on est gâté au Québec ».
Daniel Breton abonde : « On est parmi les juridictions les plus gâtées en Amérique du Nord quant au nombre de recharges publiques par rapport au nombre de véhicules électriques ».
Guy Lamarche, de l’organisme Bornes Québec, renchérit : « Hydro-Québec nous permet d’avoir une énergie qui est quand même écologique et à coût minime comparativement à beaucoup d’endroits dans le monde et même au Canada. Donc on est vraiment privilégié ici d’avoir Hydro-Québec qui nous permet d’avoir des coûts énergétiques bas ».
Quand on habite dans une maison unifamiliale, c’est très facile de se faire installer une borne de recharge, le gouvernement québécois offre d’ailleurs une subvention de 600$ aux particuliers pour cette installation, qui coûte en moyenne entre 1500 et 2000$, selon le modèle de la borne. Mais quand on vit en ville, dans des immeubles, tours à appartements, c’est beaucoup plus compliqué. Il faut aller se brancher sur les bornes publiques installées dans la rue.
« Le défi, ça va être surtout pour les gens qui vivent dans les centres villes, qui n'ont pas accès à la recharge à la maison et au travail, là ça veut dire qu'il va falloir installer de façon beaucoup plus ambitieuse les bornes de recharge dans les centres-villes, dans les stationnements souterrains, les édifices à condos, les blocs appartements », estime Daniel Breton.
« On a un programme actuellement pour encourager les villes à installer des bornes sur rues pour répondre aux besoins des gens qui n'ont pas de bornes à la maison. L’objectif, c’est d’en brancher 4500 au cours des prochaines années » explique Jonathan Côté.
Les 500 millions de dollars que le gouvernement québécois vient de débloquer vont servir principalement à installer des bornes dans les grands centres urbains. C’est là que l’organisme Bornes Québec, qui fête son sixième anniversaire, entre en action : « Notre mission, c’est aider les municipalités, les entreprises, les tours d’habitation, les transports scolaires à installer des bornes. On est une firme de consultants donc on a bâti une expertise, avec des ingénieurs, des analystes de données. »
On évalue qu'en 2050, tout le parc automobile sera éléctrique, soit 5 millions de véhicules. Est-ce que Hydro-Québec pourra alors répondre à la demande en électricité de ces VE ? La Société d’État, qui dispose actuellement de 62 barrages sur le territoire québécois, dont les monstres de la Baie James, dans le grand nord, se prépare en conséquence.
« On va devoir jouer sur plusieurs fronts, explique Jonathan Côté : sur l'efficacité énergétique d’abord, on a des programmes très ambitieux qui ont été lancés récemment, on va devoir aussi faire de la nouvelle production d'énergie renouvelable et aussi gérer les pointes de consommation, ça va être un enjeu important au niveau des véhicules électriques ».
Pour ce qu’il est d’augmenter la demande, Hydro vient de lancer des soumissions pour des parcs d’éoliennes pour plus de 2000 mégawatts. La Société d’État n’exclut pas de construire de nouveaux barrages. Mais dans un cas comme dans l’autre, ces projets ne sont pas sans soulever une certaine opposition. Certes, l’hydroélectricité reste l’une des sources d’énergies renouvelables les plus « propres » mais il ne faut pas négliger non plus l’impact environnemental d’un barrage sur une rivière ou d’un parc d’éoliennes dans la nature environnante. Alors ce n’est pas demain la veille que des travaux de construction de nouveaux barrages pourront commencer.
« Nous, notre planification pour la demande, c'est sur un horizon d'environ une dizaine d'années, on a déjà aujourd'hui l'énergie nécessaire pour répondre à cette demande-là » assure Jonathan Côté.
Les ventes de véhicules électriques au Canada
Les ventes de véhicules électriques connaissent une croissance fulgurante au Canada : on parle d’une augmentation de 30% depuis l’an dernier, versus 8% en 2022. C’est en Colombie-Britannique que la hausse est la plus marquée : 20,5%, suivi de près par le Québec à 18,4%, puis le Yukon, 7,7% et l’Ontario, 7,2%. Les provinces maritimes, celles des Prairies, de l’ouest et du grand nord canadien
sont beaucoup moins friandes de véhicules électriques, avec des augmentations qui varient de 6,2 à 2,2%. Le gouvernement canadien s’est fixé l’objectif d’avoir 85 000 bornes électriques sur son territoire d’ici 2027, il vient d’ailleurs d’annoncer un 30 millions de dollars pour installer 1500 nouvelles bornes de recharge au Québec.
Mais en fait, on regarde encore plus loin que la prochaine décennie, et ce que les spécialistes planifient, c’est que dans un avenir pas si lointain, les VE seront partie prenante du réseau hydroélectrique de la province.
« Ces véhicules vont pouvoir contribuer à une gestion plus intelligente de la demande d'électricité : quand il y aura un pic de consommation, le réseau pourra aller s'alimenter dans les batteries des VE et quand on sortira du pic, les VE pourront se recharger de nouveau sur le réseau. Donc tout ça va faire en sorte que les VE vont aider à la transition énergétique » avance Daniel Breton.
Un avis partagé par Guy Lamarche : « J’ai la conviction que le nombre croissant de gens qui vont rouler en VE, ça va faciliter la puissance d’Hydro-Québec. Si on se sert de nos batteries comme accumulateurs d’énergie, ça va nous aider à traverser les pointes de consommation d’électricité… Il faut s’en servir de cette électrification ».
Il reste que tout le monde s’entend pour dire que le véhicule électrique ne sera pas non plus la panacée : l’avenir de la décarbonation des transports et de la réduction des gaz à effet de serre passe aussi par la réduction du nombre d’automobiles sur nos routes, le développement des transports collectifs, le réflexe du covoiturage. « Oui, il faut électrifier nos transports mais et il faut aussi utiliser ces véhicules électriques de façon plus intelligente », fait remarquer Daniel Breton.
« Dans l’univers de l’automobile, c’est clair qu’on vit une révolution, une période où on est train de réécrire des pages dans le monde du transport » conclut Guy Lamarche.