Fil d'Ariane
Les financements dans les énergies propres devront être multipliés par sept à partir de 2030 dans les pays émergents et en développement autres que la Chine, s'ils veulent couvrir leurs besoins et atteindre les objectifs requis pour limiter le réchauffement planétaire, selon un rapport international.
Des Somaliens déplacés par la sécheresse attendent pour remplir des jerrycans d'eau distribuée par le Conseil Norvégien des Réfugiés, le 29 octobre 2022.
Selon ce rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et de l'International Finance Corporation (IFC) publié ce 21 juin, "les investissements, publics et privés, dans les énergies non-fossiles dans les économies émergentes et en développement devront plus que tripler" passant de 770 milliards en 2022 à entre 2 200 et 2 800 milliards de dollars par an au début des années 2030.
Ils devront rester à ces niveaux jusqu'en 2050 pour contenir le réchauffement planétaire à une température de +1,5°c par rapport à l'ère pré-industrielle.
En excluant la Chine, "l'augmentation est encore plus forte", revenant à multiplier par sept les investissements annuels de 260 milliards à un niveau de 1 400 à 1 900 milliards de dollars, selon le rapport, fruit du travail de l'AIE, émanation de l'OCDE et de l'IFC, branche de la Banque mondiale.
Il est dévoilé à la veille d'un sommet de deux jours à Paris pour un "nouveau pacte financier", réunion d'une centaine de pays pour réinventer un système financier à même de mieux armer les Etats fragiles contre le changement climatique et la pauvreté. Aujourd'hui, les 775 millions de personnes qui n'ont pas accès à l'électricité dans le monde vivent dans des pays émergents et en développement.
Poussés par l'accord de Paris sur le climat en 2015, les investissements mondiaux dans les énergies propres pour sortir de l'ère fossile augmentent, mais "plus de 90% de cette croissance provient des économies avancées et de la Chine" et "seulement 10% des pays émergents et en développement", souligne Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE lors d'un point presse à Paris. "Nous devons changer la donne." Sur les 770 milliards investis dans les énergies propres dans les économies émergentes et en développement, plus des trois quarts se concentrent dans trois grandes économies : Chine, Inde et Brésil.
Ce rapport tire d'emblée la conclusion qu'il sera "impossible" de compter sur les seuls investissements publics : "environ 60% des financements en énergies propres dans les pays émergents et en développement devront provenir de sources privées", déclare Fatih Birol. D'où cet appel à "accélerer les investissements privés".
La marche est haute pour rattraper la Chine : à elle seule en 2022, elle cumule deux tiers du total des investissements dans les énergies propres réalisés dans l'ensemble des pays émergents et en développement. Pas moins de 511 milliards, quand 32 milliards ont été investis dans toute l'Afrique... En une année, la Chine aura d'ailleurs installé sur son sol 100 GW de nouveaux panneaux solaires soit 10 fois plus que tout ce qui fonctionne déjà en Afrique. "En Afrique sub-saharienne, une personne sur deux n'a pas accès à l'électricité" alors que "40% des radiations solaires mondiales viennent sur cette région", a relevé Fatih Birol.
Pour répondre aux demandes énergétiques pressantes et aux objectifs de réduction des émissions dans les pays émergents et en développement, nous devons mobiliser des capitaux privés rapidement et à grande échelle.
Makhtar Diop, directeur de l'IFC
Que ce soit dans l'électricité bas carbone, les infrastructures, les carburants à faibles émissions et l'efficacité énergétique, il y a urgence. "Pour répondre aux demandes énergétiques pressantes et aux objectifs de réduction des émissions dans les pays émergents et en développement, nous devons mobiliser des capitaux privés rapidement et à grande échelle", a déclaré Makhtar Diop, directeur de l'IFC cité dans le communiqué.
Outre le potentiel des obligations vertes, le rapport met en avant des leviers tels que le financement concessionnel (à taux préférentiels) pour les projets qui impliquent des technologies encore risquées ou peu compétitives, tels que le stockage d'électricité, l'éolien marin, ou l'hydrogène bas carbone.
Il avance en outre "la nécessité de réformes" dans ces économies. "Les subventions aux combustibles fossiles, les longs processus d'octroi de licences (...) les restrictions sur la propriété privée ou étrangère et les politiques de tarification inappropriées, créent des obstacles à l'investissement ou augmentent le coût des projets d'énergie propre", soulignent l'AIE et l'IFC dans leur communiqué. Les deux tiers du financement d'énergies propres dans ces économies (hors Chine) devront provenir du secteur privé.