Quel est l’impact des incendies sur l’environnement ?

De la Grèce à Hawaii en passant par le Canada, la planète est ravagée par d’impressionnants incendies. Ces mégafeux ne sont pas sans conséquences pour l’environnement. Décryptage.

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Tenerife

Des habitants tentent d'atteindre leurs maisons dans le village de Benijos alors que la police bloque la zone et que le feu progresse à La Orotava à Tenerife aux îles Canaries, le samedi 19 août 2023. 

AP Photo/Arturo Rodriguez
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Près de 15,4 millions d’hectares sont partis en fumée au Canada. Cela représente une superficie supérieure à celle de la Grèce. Cette dernière n’est pas non plus épargnée : 120 000 hectares y ont brûlé depuis le mois de janvier. L’île de Maui à Hawaii a été confrontée à l’incendie le plus meurtrier depuis des siècles aux États-Unis, avec un bilan de près de 114 morts.

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Ces mégafeux ont des conséquences sur les vies humaines et sur les forêts, mais aussi plus largement sur l’environnement. Augmentation des émissions de gaz à effet de serre, pollution plus importante… Ces impacts peuvent être visibles à court mais aussi à long terme. 

Moins d’arbres pour absorber le CO2

Les mégafeux entraînent dans un premier temps la destruction d’arbres, ce qui se traduit par une hausse des émissions de gaz à effet de serre. En effet, les arbres ont un rôle de puit de carbone, en absorbant et stockant du CO2. Sauf qu’en brûlant, «  un arbre mort ne peut plus jouer ce rôle d’absorption de CO2 », explique Pierre Carregua, climatologue et professeur à l’Université Côte d’Azur dans une interview au HuffPost. Par ailleurs, « sa combustion rejette l’équivalent de tout ce qu’il avait stocké. » Il y a donc un double rejet de CO2 : celui emprisonné par les arbres qui brûlent et celui lié à la combustion en elle-même. 

Ainsi, le 22 août, les incendies du Canada avaient émis près de 350 mégatonnes de carbone. C’est trois fois plus élevé que le précédent record, datant de 2014. 

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Jean-Baptiste Filippi, chercheur au laboratoire Sciences pour l’environnement du CNRS explique au Huffpost que « les incendies sont responsables de 20% des émissions annuelles mondiales de CO2. » Cependant, il ajoute que « ces 20% là ont plus ou moins toujours existé, parce que ce sont des incendies qui ont toujours eu lieu. » 

On a une exacerbation du nombre d'incendies due au changement climatique et à l’activité humain.

Pauline Vilain-Carlotti, docteure en géographie et spécialiste de la gestion sociale de l’environnement

En revanche, Pauline Vilain-Carlotti, docteure en géographie et spécialiste de la gestion sociale de l’environnement, interrogé par TV5MONDE, souligne que « le problème, c’est qu’on a une exacerbation du phénomène due au changement climatique et à l’activité humaine. »

Selon elle, « les incendies ont majoritairement une cause humaine, les risques naturels, c’est 5 à 7% des incendies à l’échelle de la planète. » La docteure en géographie considère que  la part de responsabilité humaine dans les incendies pourrait être évitée grâce à de la prévention.

Un air plus pollué

Le CO2 n’est pas le seul élément nocif rejeté dans l’air par les incendies. Dans la fumée, il est possible de retrouver des particules en suspension. « Ces feux vont aussi émettre des composés organiques volatiles », analyse pour TV5MONDE Nathalie Huret, professeure à l’Université d’ Orléans en physico-chimie de l’atmosphère. « Ce sont des espèces chimique à courte durée qui peuvent engendrer des épisodes de pollution majeure et avoir des impacts majeurs sur la santé, comme une pollution à particules fines », décrit-elle.  

Celles qui ont un diamètre inférieur à 2,5 microns (ce qui représente le diamètre d’un cheveu), sont « particulièrement dangereuses pour la santé humaine et émises en très grandes quantités », explique à l'AFP Rebecca Hornbrook, spécialiste en chimie atmosphérique du Centre national de recherche atmosphérique au Colorado. Ces particules pénètrent profondément dans les poumons et même potentiellement dans le système sanguin. 

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Alors que l'impact de la pollution issue des voitures a été étudié en profondeur, les connaissances manquent sur celle générée par les incendies, indique à l'AFP Christopher Carlsten, directeur du laboratoire sur l'exposition à la pollution atmosphérique de l'université de Colombie-Britannique (Canada). Selon la vingtaine d'études rendues publiques, « il semble que la fumée ait un plus grand impact respiratoire que cardiovasculaire comparée à la pollution automobile », dit-il.

Pour les grands feux du Canada, on observe des panaches jusqu’en Europe.

Nathalie Huret, professeure à l’Université d’ Orléans en physico-chimie de l’atmosphère.

Par ailleurs, les incendies produisent également du monoxyde de carbone, « qui est un gaz à effet de serre », décrit Nathalie Huret. Ce gaz permet également « de savoir où vont les masses d’air », poursuit-elle. « Par exemple, pour les grands feux du Canada, on observe des panaches jusqu’en Europe », constate-t-elle. Si les incendies sont localisés, les conséquences sont globales.

Explosion de la mortalité

Au-delà de la pollution et de l’augmentation des émissions de gaz à effets de serre, les incendies sont beaucoup plus meurtriers. Pour rappel, à Hawaii, 114 personnes ont péri dans les flammes, ce qui en fait l’incendie le plus meurtrier depuis des siècles aux États-Unis. Pauline Vilain-Carlotti fait également ce constat. 

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En raison du changement climatique, les incendies se propagent « jusque dans des zones qui étaient pour le moment épargnées, comme les Canaries ou Hawaii », note la docteure en géographie. Comme ces zones ne sont pas habituées aux incendies, elles y sont plus vulnérables car « les politiques d’aménagement du territoire n’ont pas pris en considération ces risques. »

Le nombre de victimes des incendies témoigne également des disparités économiques des territoires touchés. « Par exemple, Hawaii, là où il y a la plus forte mortalité, c’est aussi là où la population est la plus pauvre », constate Pauline Vilain-Carlotti. De ce fait, « les services de secours ne sont pas forcément formés et n’ont pas les mêmes moyens pour lutter contre les incendies que le Canada ». Par ailleurs, « en Grèce, la mortalité se concentre principalement au sein des populations migrantes », poursuit-elle. Les incendies accentuent donc la vulnérabilité des personnes vulnérables à l’origine, selon la docteure en géographie.