Fil d'Ariane
TV5MONDE : Ce sommet de Milan réunit des jeunes de tous les continents dont une partie est issue du mouvement créé par Greta Thunberg, "Fridays for future". De nouvelles figures sont-elles en train d'émerger au sein de ce mouvement ?
Léna Lazare : Il y a des portes-parole de "Fridays for future" ou "Youth for climate" — c'est la même chose — dans chaque pays, et qui ont une certaine audience un peu partout. Il y a des figures de "Fridays for future" dans le monde entier, en réalité.
Je sais qu'il y a la porte parole du mouvement aux Philipines, Mitzi Jonelle Tan, qui commence à être connue, par exemple. Il y a aussi Luisa Neubauer en Allemagne et Anuna de Wever en Belgique qui sont des voix qui portent et qui ont été elles aussi entendues dans les institutions, même si le mouvement a un peu faibli en Belgique. En Ouganda, Hilda Nakabuye et Vanessa Nakate commencent elles aussi à être connues. En France nous avons décidé de ne pas être la caution des institutions, de ne pas rencontrer les politiques pour prendre une photo en donnant l’impression d’un dialogue et qu'au final rien ne change.
Le fait que l'on organise un sommet pour nous mais sans passer par notre réseau pour la sélection des jeunes — dans un espace très cadré — fait que l'on est nombreux à ne pas se reconnaître dedans.
Notre stratégie est différente en France de celle de Greta Thunberg. Ensuite, il est vrai que le mouvement est celui de Greta Thunberg, c'est donc elle qui est la figure connue à l'international.
Un même mouvement et deux noms :
"#FridaysForFuture" est un mouvement dirigé et organisé par des jeunes qui a commencé en août 2018, après que Greta Thunberg, 15 ans, et d'autres jeunes militants se sont assis devant le parlement suédois tous les jours d'école pendant trois semaines, pour protester contre le manque d'action sur la "crise climatique".
"Youth for Climate", aussi connu sous le nom de "Fridays for Future" est un mouvement rassemblant des jeunes du monde entier qui agissent pour l’environnement et pour la lutte contre le réchauffement climatique. Ce mouvement demande "la justice climatique et sociale". Il se revendique indépendant et apartisan, donc affilié à aucune organisation, politique ou autre. Implanté à l'origine en Belgique et en France, il s'inscrit comme faisant partie de l'initiative "Fridays for Future" initiée par la militante écologiste Greta Thunberg.
TV5MONDE : Le sommet de Milan utilise le nom de "Youth for climate", qu'en pensez-vous ?
Léna Lazare : Ce nom a été réutilisé pour le sommet à Milan, par l'ONU et le gouvernement italien. D'ailleurs nous sommes beaucoup de branches de "Fridays for future" à nous être plutôt engagées sur le sommet citoyen qui a lieu à côté. A mon sens, c'est un peu du green washing ce qui est en train de se passer au niveau institutionnel à Milan. L'idée du sommet est d'inviter des jeunes de plein de pays pour porter leurs revendications à la COP26.
Les 400 participants du sommet de Milan ne sont pas tous membres du mouvement initié par Greta Thunberg, même si l'intitulé "Youth for climate" est le même. Ces jeunes remettront leurs propositions aux différents ministres et chefs d'État participants à la COP26, qui se tiendra à Glasgow du 1er au 12 novembre prochain.
C'est très vertical comme démarche. Et depuis deux ans et demi, avec "Fridays for future", nous avons démontré que nous étions capables de nous organiser par nous-mêmes, avec des revendications claires.
Même en étant très écolo dans sa vie quotidienne, en faisant tous les gestes nécéssaires, on ne baisse son empreinte carbone que de 25%. Le reste est lié à l'industrie.
Du coup, le fait que l'on organise un sommet pour nous, mais sans passer par notre réseau pour la sélection des jeunes — dans un espace très cadré — fait que l'on est nombreux à ne pas se reconnaître dedans.
TV5MONDE : Les revendications des jeunes du mouvement "Fridays for future" seraient donc différentes de celles portées par l'ONU ?
Léna Lazare : Oui, puisque quand on a commencé à faire la grève pour le climat il y a deux ans, nous avions des demandes claires sur l'arrêt total de l'utilisation des énergies fossiles d'ici 2050. Aujourd'hui, nous pensons que le cœur du problème est le système économique productiviste, qui n'est pas — selon nous — compatible avec une société écologique. Il faut donc une décroissance énergétique. Même en étant très écolo dans sa vie quotidienne, en faisant tous les gestes nécessaires, on ne baisse son empreinte carbone que de 25%. Le reste est lié à l'industrie.
La branche française de "Fridays for climate" défend l'idée de changer les choses par le bas, au niveau local, en espérant que cela fera pression sur la société et donc à un niveau national.
Donc, je pense que nous aurions besoin de beaucoup moins d'infrastructures d'énergie si c'était vraiment basé sur les besoins de la population. Mais personne n'a encore la solution, sachant que c'est quelque chose qui devrait être traité à l'échelle mondiale. On va vers la COP26, mais quand on a signé l'accord de Paris sur le climat en 2015, tout le monde pensait que les choses allaient avancer. En 2021, aucun pays ne respecte cet accord, donc on voit bien que ces échelles internationales ne semblent pas fonctionner. C'est en tout cas le point de vue de la branche française de Fridays for climate qui défend l'idée de changer les choses par le bas, au niveau local, en espérant que cela fera pression sur la société et donc à un niveau national.
TV5MONDE : Vous pensez néanmoins que l'action internationale du mouvement "Fridays for future" peut avoir des effets ?
Léna Lazare : Nous continuons à avoir des revendications internationales et nous continuons à faire les grèves mondiales pour le futur parce qu'il est important de montrer qu'il y a des jeunes partout dans le monde qui se mobilisent sur ces questions et qui veulent que les scientifiques soient écoutés.
Nous avons fait des actions en ligne mais aussi contre Total, de partout dans le monde. Malgré tout, j'avoue que je n'attends pas grand chose de la COP26 à Glasgow.
Nous nous sommes mobilisés par exemple contre l'un des plus grands pipeline au monde, qui va passer notamment en Tanzanie. Nous avons fait des actions en ligne mais aussi contre Total, de partout dans le monde. Malgré tout, j'avoue que je n'attends pas grand chose de la COP26 à Glasgow