Fil d'Ariane
Le 6 février, le Parlement européen approuve une proposition d’assouplissement réglementaire pour les végétaux issus de biotechnologies génomiques. Ainsi, cela permettrait de développer des végétaux plus résistants aux insectes ou aux aléas climatiques. Qu’est-ce que cela représente ?
Des drapeaux européens flottent devant le Parlement européen mercredi 7 février 2024 à Strasbourg, dans l'est de la France.
Promesse de semences plus résistantes selon leurs partisans, ou "nouveaux OGM" potentiellement dangereux, pour leurs détracteurs ? Les "nouvelles techniques génomiques" (NGT) vont bientôt pouvoir fleurir dans les champs des pays membres de l’Union européenne. À une courte majorité ( 307 voix pour, 236 contre, et 41 abstentions), le Parlement européen a approuvé un assouplissement des règles à leur sujet.
Le texte vise à exempter une partie des variétés issues des NGT des règles encadrant les organismes génétiquement modifiés (OGM). Toutefois, avant une adoption définitive du texte, des négociations doivent avoir lieu avec les États membres.
Le Parlement européen prévoit que les règles drastiques encadrant les OGM, à savoir une longue procédure d’autorisation, des études d’impact sanitaire, traçabilité, étiquetage, surveillance…, ne s’appliqueraient pas pour les semences et variétés manipulées par les NGT. Celles-ci peuvent présenter des modifications susceptibles de se produire naturellement ou via des croisements traditionnels.
Par ailleurs, ces NGT définies par un nombre restreint de mutations, qui ne seraient pas soumis à la réglementation des OGM, sont dits de “catégorie 1.” Les autres variétés de NGT, jugées non-équivalentes au conventionnel, seront toujours soumises au régime des OGM. Celles-ci sont placées dans la “catégorie 2”.
Les NGT offrent une multitude d'outils "éditant" le matériel génétique des plantes, afin d’améliorer leur rendement ou les rendre plus résistantes. Pour cela, ils désactivent un gène ou transfèrent des gènes issus d'une même espèce, mais sans ajout extérieur d'une autre espèce, contrairement aux OGM "transgéniques". De cette manière, les NGT apparaissent comme une solution pour s’adapter au réchauffement climatique, tout en restant compétitif sur le marché international.
Pascal Canfin (Renew, centriste), président de la commission Environnement du Parlement, souligne que d’après le texte du Parlement européen, les semences de NGT seront autorisées "uniquement à condition qu'elles soient associées à une baisse des produits phytosanitaire, ou à un objectif d'adaptation au changement climatique.”
Ce texte "était une attente importante des agriculteurs, je pense que c'est une bonne nouvelle, qui montre que l'Europe et le Pacte vert ne fournissent pas que des contraintes mais aussi des solutions supplémentaires", estime Pascal Canfin auprès de l'AFP. Cependant, tous ne voient pas cela du même œil.
L'eurodéputé écologiste Benoît Biteau déplore un "triste jour pour la nature et les paysans". "Le combat ne s’arrêtera pas là", assure-t-il. À l'unisson des ONG environnementales, il met en avant le principe de précaution.
En France, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) "a engagé, sur saisine des ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture (...), une expertise sur les méthodes d’évaluation des risques des plantes NTG et leur impact socio-économique". Ses conclusions devraient être disponibles au premier trimestre 2024.
La veille du vote des eurodéputés sur les NGT, Sylvie Colas, secrétaire nationale de la Confédération paysanne s'inquiétait qu'il n'y ait ni évaluation, ni traçabilité ni étiquetage de ces "nouveaux OGM". Elle redoute une contamination de l'agriculture biologique et une "uniformisation" des cultures. "Voter pour ce texte c'est aller contre le droit des citoyens à choisir leur alimentation, c'est tuer la filière biologique, la culture paysanne, en supprimant la diversité de productions et c'est développer les pesticides et les engrais azotés", a-t-elle déclaré.