"Il est extrêmement regrettable que nous soyons arrivés à cette situation", a encore déploré la ministre. Elle a par ailleurs confirmé l'annulation de la caution de Carlos Ghosn et l'émission d'une "notice rouge" d'Interpol pour demander son arrestation.
Samedi 4 janvier, la Turquie annonçait que deux "étrangers" étaient impliqués dans le transit via Istanbul du magnat déchu de l'industrie automobile.
"Il y a deux "étrangers" impliqués dans le transit", avait alors déclaré le ministre turc de la Justice, Abdülhamit Gül, dans un entretien avec la chaîne CNN Turk. Il n'a fourni aucun détail sur leur nationalité ou le rôle exact qu'ils avaient joué.
"Monsieur Tout-le-monde "
"L'affaire Carlos Ghosn n'est pas une affaire française", a affirmé vendredi 3 janvier la Secrétaire d'État française aux Affaires européennes, Amélie de Montchalin. "S'il y a un sujet légal, il est entre le Liban et le Japon", a ajouté la Secrétaire d'État. Carlos Ghosn fait toutefois l'objet de plusieurs chefs d'accusation, au sujet notamment de deux soirées organisées au château de Versailles en échange d'une convention de mécénat entre le constructeur automobile Renault et l'établissement qui gère le château.
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'Etat française à l'Economie s'est d'ailleurs exprimée à ce sujet. "Nous appliquons à Monsieur Ghosn les mêmes règles qu'à Monsieur Tout-le-Monde", a t-elle affirmé sur RMC.
"La France [n'extrade] jamais ses nationaux (...) la nationalité française protège ses ressortisants", a-t-elle ajouté. Une affirmation qui repose sur un principe inscrit dans la loi. Rappelons que Carlos Ghosn, franco-libano-brésilien, possédait, entre autres, deux passeports français.
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances affirme que l'Etat français a été mise au courant de la fuite de Carlos Ghosn "par la presse"#BourdinDirect https://t.co/PgCI8BVVGF pic.twitter.com/oFR4ESfBA8
— RMC (@RMCinfo) January 2, 2020
Tokyo, avant le Liban
Jeudi matin également, les procureurs ont mené une perquisition au domicile de Carlos Ghosn à Tokyo où il était assigné à résidence, dans l'attente de son procès en 2020. L'ex-PDG de Renault-Nissan est accusé de malversations financières et a été inculpé quatre fois avant d'être libéré de sa détention provisoire, après le paiement de sa caution en avril 2019. Il pouvait librement circuler à travers le Japon, même s'il devait remplir quelques conditions.Carlos Ghosn a pourtant décidé de fuir vers le Liban, où il a annoncé être arrivé le lundi 30 décembre, dans un bref communiqué. Une nouvelle qui a choqué à travers le monde et sidéré son avocat japonais, Junichiro Hironaka. Ce dernier s'est dit "choqué et confus" face à une situation qu'il n'a pas su maîtriser.
L'ex-PDG de Renault a ajouté s'être libéré d'un pays où il était "l'otage d'un système judiciaire japonais partial où prévaut la présomption de culpabilité".
Mardi, le ministère des Affaires étrangères à Beyrouth a indiqué que Carlos Ghosn était "entré légalement au Liban", alors que la Direction générale de la sûreté générale libanaise a précisé qu'aucune mesure n'imposait "l'adoption de procédures à son encontre» et que rien ne "l'exposait à des poursuites judiciaires".
Malgré cette déclaration des autorités libanaises et même s'il n'y a pas d'accord d'extradition entre les deux pays, le Liban a reçu, ce jeudi, une demande d'arrestation d'Interpol. Comme l'impose la procédure, Carlos Ghosn devrait être convoqué la semaine prochaine pour être entendu par le Parquet général. La justice libanaise décidera ensuite, si elle veut l'arrêter ou non.
Ses soucis judiciaires ne sont pour autant pas terminés, malgré son arrivée au Liban. Des avocats libanais ont demandé jeudi, au parquet général d'entamer des poursuites contre l'ex-patron de Renault-Nissan pour un déplacement en Israël, pays voisin où les ressortissants libanais n'ont pas le droit de se rendre.
Escale turque
Carlos Ghosn est soupçonné, par les Japonais, d’avoir utilisé un jet privé parti de l’aéroport du Kansai. Les médias japonais ont annoncé qu'un avion de ce type a décollé le 29 décembre vers 23 h (heure locale) en direction d’Istanbul.
Selon le célèbre quotidien turc Hürriyet, l'ex-PDG de Renault-Nissan aurait atterri à l’aéroport Atatürk, avant de prendre la direction du Liban, peu de temps après, à bord d’un autre jet privé.
Vendredi, la compagnie aérienne privée turque MNG, dénonce une utilisation "illégale" de deux de ses appareils dans la fuite de Carlos Ghosn. La compagnie a d'ailleurs porté plainte.
- À lire aussi : Affaire Carlos Ghosn : Liban, Oman, l'empire souterrain de l'ex-PDG de Renault-Nissan
D'après l'agence de presse DHA, la police turque a interpellé et placé en garde à vue sept personnes, dont quatre pilotes, soupçonnées d’avoir aidé Carlos Ghosn dans sa fuite.
Ankara a ouvert une enquête pour déterminer les conditions dans lesquelles Carlos Ghosn a pu transiter par la capitale économique turque, a également rapporté la chaîne d’information NTV.
Une histoire de passeports
Selon deux membres de son entourage, Carlos Ghosn aurait bénéficié de l'aide d'une société privée dans sa fuite. Surtout, une source proche du dossier a affirmé à l'AFP qu'il possédait deux passeports français. L'un sur lui, l'autre dans une sacoche, fermé à clef, que seuls ses avocats semblaient pouvoir ouvrir.C'est une autorisation exceptionnelle du tribunal qui aurait permis à Carlos Ghosn d'en garder un.
Selon la source contactée par l'AFP, ils conservaient également un passeport libanais et brésilien.
Le nombre d'acteurs qu'impliquerait cette fuite reste encore inconnu. Les autorités japonaises pourraient-elles y avoir participé ?
Carlos Ghosn pourrait bientôt s'expliquer et répondre à certaines de ces questions. Son avocat a annoncé qu'il tiendra une conférence de presse depuis Beyrouth le mercredi 8 janvier.