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Allemagne : le sinistre présage de la "nuit de cristal"

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TV5MONDE

C'était le 9 novembre 1938, voici tout juste 80 ans, des pogroms anti-juifs menés par les nazis préfiguraient la Shoah. La "nuit de cristal" est aujourdhui  commémorée en Allemagne, mais aussi en Autriche, alors sous le 3e Reich. Le témoignage de Margrit Siebner évoque cette terrible nuit de son enfance.

Elle a 90 ans, mais les années n'effacent rien, elle reste cette petite fille perdue dans la "nuit de cristal". Margit Siebner est née à Berlin d'un père juif et d'une mère allemande. Ce 10 novembre 1938 au matin, le tabac que tient sa maman est maculée de peinture blanche pour indiquer à la foule que c'est une propriété juive. "J'avais dix ans à l'époque. Mon père n'était pas avec nous, il était déporté à Buchenwald. Tout a commencé le matin, mais le moment fort a été l'après-midi. Je me souviens que ma mère, non juive, m'a demandé d'aller voir si les autres magasins se trouvaient dans la même situation que nous."

La veille, le 9 novembre, peu avant minuit, un homme rédige un télégramme. Heinrich Müller, chef de la Gestapo, ordonne à la police nazie d'organiser des "actions contre les juifs". Dans la nuit, et au cours de la journée qui suit, au moins 91 Juifs sont assassinés, entre 20 000 et 30 000 sont arrêtés et envoyés dans les camps de concentration, des milliers d'entreprises et de lieux de cultes juifs sont saccagés sous le regard complaisant des forces de l'ordre

"Enfant, on me disait toujours que si j'avais des problèmes, je devais aller voir "l'homme de la protection" - à l'époque, on les appelait des protecteurs et non des policiers. J'ai cru mes parents et j'ai couru vers eux pour leur demander de l'aide. Ils se sont contentés de sourire !" Rares sont ceux, alors, qui s'opposent à ces incendies, à ces pillages, aux oppressions. Mais Margit Siebner n'a pas oublié le vendeur de charbon qui, au risque de se faire dénoncer, la laisse jouer avec sa fille. "Et j'étais autorisée à aller à son anniversaire. Je n'oublierai jamais comment il a caressé ma joue avec ses doigts couverts de suie et j'ai dû manger tellement de gâteau que j'étais presque malade". 

Margit Siebner a survécu à la guerre en travaillant sous un faux nom dans une fabrique de munitions. Son père, libéré sous caution, s'est réfugié en Chine, où il meurt en 1946. Elle ne l'a jamais revu. Dans un petit sac, elle range la lettre qu'il lui a écrite avec les quelques photos d'une vie brisée. Des images qui ne la quittent pas.