La violence terrible
"En ce moment, c'est vraiment trop tendu pour que je puisse vous donner des détails. Cela nous exposerait trop...". Ambiance. Ce travailleur humanitaire, pourtant habitué à travailler dans des zones à risques, n'accepte de parler que sous couvert d'anonymat. Il nous prie de ne pas citer non plus le nom de son organisation. Trop risqué. Pourquoi cette prudence ? C'est que le 26 mars au soir, dans la ville de Sittwe, dans l'ouest du pays, où il travaille, son ONG d'aide humanitaire d'urgence a été violemment attaqué par des centaines de bouddhistes - ils ne supportent plus l'action de ces organisations accusées de soutenir les Rohingyas. Lors des échauffourées, une petite fille de 11 ans a même été tuée par une balle perdue.
Avec d'autres ONG, son organisation a donc dû se résoudre à évacuer les lieux, abandonnant à leur triste sort des dizaines de milliers de familles. "La goutte d'eau, c'est le recensement qui a lieu en ce moment. Mais l'attaque, je crois, était planifiée. Les autorités n'ont fait aucune déclaration pour dénoncer ce qui s'est passé. Même s'il y a, demain, des garanties pour une meilleure sécurisation, cela ne change pas le problème : les autorités ne prennent pas leurs responsabilités".
Ce recensement, pourtant, le premier depuis trente ans, est une chance pour ce pays d'environ 60 millions d'habitants. A terme, il est censé permettre d'améliorer des politiques de développement, mais ce grand projet national suscite également des manifestations violentes entre bouddhistes et musulmans. Dans l’État de Rakhine, à l'ouest du pays, où vivent (et survivent) près de 800 000 Rohingyas, les bouddhistes extrémistes menacent de boycotter ce recensement. Ils craignent une reconnaissance officielle de la minorité rohingya musulmane, toujours privée de nationalité. "Vous savez, c'est triste, conclut notre travailleur humanitaire. Il y avait de l'aide humanitaire, mais aussi de l'aide au développent dans ce qui est le deuxième État le plus pauvre du pays. Toute la population rohingya est victime de violences et d'une pression absolument terrible".
"En ce moment, c'est vraiment trop tendu pour que je puisse vous donner des détails. Cela nous exposerait trop...". Ambiance. Ce travailleur humanitaire, pourtant habitué à travailler dans des zones à risques, n'accepte de parler que sous couvert d'anonymat. Il nous prie de ne pas citer non plus le nom de son organisation. Trop risqué. Pourquoi cette prudence ? C'est que le 26 mars au soir, dans la ville de Sittwe, dans l'ouest du pays, où il travaille, son ONG d'aide humanitaire d'urgence a été violemment attaqué par des centaines de bouddhistes - ils ne supportent plus l'action de ces organisations accusées de soutenir les Rohingyas. Lors des échauffourées, une petite fille de 11 ans a même été tuée par une balle perdue.
Avec d'autres ONG, son organisation a donc dû se résoudre à évacuer les lieux, abandonnant à leur triste sort des dizaines de milliers de familles. "La goutte d'eau, c'est le recensement qui a lieu en ce moment. Mais l'attaque, je crois, était planifiée. Les autorités n'ont fait aucune déclaration pour dénoncer ce qui s'est passé. Même s'il y a, demain, des garanties pour une meilleure sécurisation, cela ne change pas le problème : les autorités ne prennent pas leurs responsabilités".
Ce recensement, pourtant, le premier depuis trente ans, est une chance pour ce pays d'environ 60 millions d'habitants. A terme, il est censé permettre d'améliorer des politiques de développement, mais ce grand projet national suscite également des manifestations violentes entre bouddhistes et musulmans. Dans l’État de Rakhine, à l'ouest du pays, où vivent (et survivent) près de 800 000 Rohingyas, les bouddhistes extrémistes menacent de boycotter ce recensement. Ils craignent une reconnaissance officielle de la minorité rohingya musulmane, toujours privée de nationalité. "Vous savez, c'est triste, conclut notre travailleur humanitaire. Il y avait de l'aide humanitaire, mais aussi de l'aide au développent dans ce qui est le deuxième État le plus pauvre du pays. Toute la population rohingya est victime de violences et d'une pression absolument terrible".

La face sombre du bouddhisme
Cette violence à l'encontre de la minorité rohingya, c'est le côté sombre de la Birmanie. Encouragée par la "communauté internationale" à prendre le chemin de la démocratie, les bailleurs de fonds s'obstinent à ne pas vouloir prendre en compte les exactions dont sont victimes les Rohingyas, ces musulmans sunnites. De fait, ces violences ne déclenchent aucune émotion particulière dans le pays. Et cela sonne presque comme un encouragement pour continuer les atrocités (viols, tabassages, arrestations, destructions, décapitations...)
La loi birmane de 1982 sur la citoyenneté ne reconnaît pas les Rohingyas comme l’une des 135 minorités ethniques du pays et de nombreux Birmans estiment que les Rohingyas sont des immigrés clandestins du Bangladesh. Point final.
Loin du cliché apaisant, qui associe bouddhisme et non violence, il existe aussi en Birmanie, un très puissant groupe de moines nationalistes qui attisent les tensions inter-religieuses. Ainsi, sous le titre, "le visage de la terreur bouddhiste", le numéro du mois de juillet 2013 du Time représentait sur sa couverture un célèbre moine birman, Wirathu, soupçonné d'attiser les haines raciales. "N’achetez pas dans les magasins de vos ennemis", avait-il déclaré, parmi d’autres paroles hostiles aux musulmans. L'hebdomadaire, dans le pays, fut aussitôt censuré. Il était pourtant bien instructif. Au terme d'une longue immersion en Birmanie, véritable enquête de fond, le lecteur apprenait que "Dans tout le pays, on trouve des comités locaux du mouvement qui organisent des événements, proposent des sermons religieux et distribuent des CD, des livres et des tracts antimusulmans (…) On trouve par exemple plusieurs ouvrages de moines bouddhistes portant tous le même titre : 'De la peur de perdre notre race ou notre nation'. Ces livres, qui circulent depuis plusieurs années, sont les manifestes du mouvement : ils dépeignent les musulmans comme des hommes haineux et dangereux qui épousent des femmes bouddhistes sans leur consentement, tentent de remplacer le bouddhisme par l'islam et se sont donné pour mission d'étendre leur domination économique, politique et culturelle sur le monde. Selon eux, les musulmans pourraient asservir la nation bouddhiste si aucune mesure n'était prise pour les neutraliser et éradiquer leur influence."
Cette violence à l'encontre de la minorité rohingya, c'est le côté sombre de la Birmanie. Encouragée par la "communauté internationale" à prendre le chemin de la démocratie, les bailleurs de fonds s'obstinent à ne pas vouloir prendre en compte les exactions dont sont victimes les Rohingyas, ces musulmans sunnites. De fait, ces violences ne déclenchent aucune émotion particulière dans le pays. Et cela sonne presque comme un encouragement pour continuer les atrocités (viols, tabassages, arrestations, destructions, décapitations...)
La loi birmane de 1982 sur la citoyenneté ne reconnaît pas les Rohingyas comme l’une des 135 minorités ethniques du pays et de nombreux Birmans estiment que les Rohingyas sont des immigrés clandestins du Bangladesh. Point final.
Loin du cliché apaisant, qui associe bouddhisme et non violence, il existe aussi en Birmanie, un très puissant groupe de moines nationalistes qui attisent les tensions inter-religieuses. Ainsi, sous le titre, "le visage de la terreur bouddhiste", le numéro du mois de juillet 2013 du Time représentait sur sa couverture un célèbre moine birman, Wirathu, soupçonné d'attiser les haines raciales. "N’achetez pas dans les magasins de vos ennemis", avait-il déclaré, parmi d’autres paroles hostiles aux musulmans. L'hebdomadaire, dans le pays, fut aussitôt censuré. Il était pourtant bien instructif. Au terme d'une longue immersion en Birmanie, véritable enquête de fond, le lecteur apprenait que "Dans tout le pays, on trouve des comités locaux du mouvement qui organisent des événements, proposent des sermons religieux et distribuent des CD, des livres et des tracts antimusulmans (…) On trouve par exemple plusieurs ouvrages de moines bouddhistes portant tous le même titre : 'De la peur de perdre notre race ou notre nation'. Ces livres, qui circulent depuis plusieurs années, sont les manifestes du mouvement : ils dépeignent les musulmans comme des hommes haineux et dangereux qui épousent des femmes bouddhistes sans leur consentement, tentent de remplacer le bouddhisme par l'islam et se sont donné pour mission d'étendre leur domination économique, politique et culturelle sur le monde. Selon eux, les musulmans pourraient asservir la nation bouddhiste si aucune mesure n'était prise pour les neutraliser et éradiquer leur influence."

Pluralité ethnique
Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), qui aide à organiser ce recensement à 65 millions de dollars, a été accusé de se focaliser sur l'aspect technique de l'opération, au mépris de ses implications politiques. La représentante de l'UNFPA en Birmanie, Janet Jackson, a tenté de rassurer, en assurant que le recensement était anonyme. "La profonde défiance ne peut pas être balayée d'un seul coup. Cela va prendre du temps", admet-elle, interrogée par l'AFP. Elle a néanmoins insisté sur la nécessité de collecter des données "crédibles", pour remplacer celles de 1983, peu fiables.
Des experts ont appelé à retarder le recensement, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a même plaidé pour que les références à l'ethnicité et à la religion soient abandonnées, afin de ne pas embraser les tensions, notamment entre la majorité bouddhiste et la minorité musulmane. La pluralité ethnique en Birmanie est une source de conflits depuis longtemps, la junte militaire ayant pris prétexte des rébellions ethniques armées pour justifier sa ligne dure dans l'ancienne colonie britannique.
Les Kachins, toujours en conflit armé avec le pouvoir central, pourraient ne pas laisser les agents du recensement faire leur travail dans le nord du pays. Dans le recensement, selon les experts d'ICG, des ethnies comme les Chins ont été artificiellement divisées en plusieurs groupes. D'autres minorités ont, quant à elles, été englobées dans des groupes ethniques plus larges comme les Shans. Les premiers résultats de cette grande enquête devraient être publiés dès cette année, avant les législatives de 2015, moment clef de la transition démocratique, qui pourraient conduire l'opposante Aung San Suu Kyi à la victoire.
Le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), qui aide à organiser ce recensement à 65 millions de dollars, a été accusé de se focaliser sur l'aspect technique de l'opération, au mépris de ses implications politiques. La représentante de l'UNFPA en Birmanie, Janet Jackson, a tenté de rassurer, en assurant que le recensement était anonyme. "La profonde défiance ne peut pas être balayée d'un seul coup. Cela va prendre du temps", admet-elle, interrogée par l'AFP. Elle a néanmoins insisté sur la nécessité de collecter des données "crédibles", pour remplacer celles de 1983, peu fiables.
Des experts ont appelé à retarder le recensement, le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) a même plaidé pour que les références à l'ethnicité et à la religion soient abandonnées, afin de ne pas embraser les tensions, notamment entre la majorité bouddhiste et la minorité musulmane. La pluralité ethnique en Birmanie est une source de conflits depuis longtemps, la junte militaire ayant pris prétexte des rébellions ethniques armées pour justifier sa ligne dure dans l'ancienne colonie britannique.
Les Kachins, toujours en conflit armé avec le pouvoir central, pourraient ne pas laisser les agents du recensement faire leur travail dans le nord du pays. Dans le recensement, selon les experts d'ICG, des ethnies comme les Chins ont été artificiellement divisées en plusieurs groupes. D'autres minorités ont, quant à elles, été englobées dans des groupes ethniques plus larges comme les Shans. Les premiers résultats de cette grande enquête devraient être publiés dès cette année, avant les législatives de 2015, moment clef de la transition démocratique, qui pourraient conduire l'opposante Aung San Suu Kyi à la victoire.