Les faits
07.09.2014Liliane Charrier, avec AFP
Détenu et inculpé dans le cadre d'une vaste dossier de blanchiment d'argent pour lequel il encourt 30 ans de prison, Paulo Roberto Costa, directeur du raffinage de Petrobras de 2004 a 2012, a livré à la police des dizaines d'heures de confessions explosives, afin de bénéficier d'une future réduction de peine. Paulo Roberto Costa Costa est inculpé dans le cadre de l'affaire "Lava Jato" ("Lavage express"), qui a permis démanteler un réseau de blanchiment ayant lessivé jusqu'à 4,5 milliards de dollars. Les ramifications de l'enquête ont conduit à Petrobras, déjà au centre de suspicions de malversations qui font l'objet d'une enquête parlementaire.

"Tous les jours des politiciens venaient frapper à ma porte" Paulo Roberto Costa Costa fourni aux enquêteurs une liste de noms de députés, sénateurs et gouverneurs auxquels Petrobras aurait versé des pots de vins pour l'attribution de marchés surfacturés. "Tous les jours des politiciens venaient frapper à ma porte", a-t-il confié aux enquêteurs selon les médias brésiliens. Il explique que les élus impliqués percevaient des commissions de 3% sur la valeur de contrats signés par Petrobras avec des prestataires, tout au long des années où il était en fonction, soit pendant les deux mandats de l'ex-présidente Luiz Inacio da Silva et les deux premières années du mandat de son héritière politique Dilma Rousseff. Les entreprises extérieures désirant conclure des marchés avec Petrobras, pour la construction de raffineries notamment, s'engageaient à rétrocéder une partie des sommes payées par le géant pétrolier à une organisation de blanchiment d'argent qui les répartissaient ensuite entre des élus de partis de la "base d'appui du gouvernement". Des ministres, des sénateurs et des gouverneurs Les grands quotidiens brésiliens divergent sur le nombre de personnalités politiques dénoncées et assurent que leurs noms sont tenus secrets par les enquêteurs. Reste que l'hebdomadaire d'opposition Veja paru ce dimanche 7 août assure que l'ancien dirigeant de Petrobras a mis en cause des personnalités de tout premier rang, à commencer par le président du Sénat, Renan Carneiros, et le président de la chambre des députés, Henrique Alves, membres du Parti du Mouvement démocrate brésilien (PMDB, centre-droit), le principal allié parlementaire du Parti de travailleurs (PT, gauche au pouvoir). Tous deux ont démenti. Egalement cité parmi les bénéficiaires présumés de largesses illicites de Petrobras, le ministre de l'Energie, Edson Lobao, a lui aussi démenti. Il assure n'avoir eu que des "relations institutionnelles" avec l'ancien responsable de la compagnie. Celui-ci aurait aussi cité trois gouverneurs ou ancien gouverneurs, dont Eduardo Campos, le candidat à la présidence du Parti socialiste brésilien (PSB), décédé en août dans un accident d'avion et remplacé par l'écologiste Marina Silva.

Une bombe dans les milieux politiques Ces révélations ont fait l'effet d'une bombe dans les états-majors politiques brésiliens, plongés en pleine campagne pour les élections générales du 5 octobre : présidentielle, législative, gouverneurs des Etats de l'Union et sénatoriales partielles. Elles tombent au plus mal pour la présidente de gauche Dilma Rousseff, à la lutte pour combler son retard contre Marina Silva, donnée favorite du probable second tour de la présidentielle le 26 octobre avec sept point d'avance selon le dernier sondage. Ces révélations rappellent le scandale d'achat de vote de députés par le Parti des travailleurs au pouvoir sous le premier mandat du président Lula, l'affaire "Mensalao", qui a énormément nuit dans l'opinion à l'image du parti présidentiel. Réactions prudentes Mme Rousseff a réagi avec retenue à ce tourbillon médiatique. Elle a dit attendre d'en savoir plus sur l'enquête avant de se prononcer et de prendre d'éventuelles mesures. Même appel à la prudence de Marina Silva, après la mise en cause de son défunt allié Eduardo Campos. "Le fait que Petrobras a investi dans l'Etat de Campos (quand il était gouverneur du Pernambouc, nord, NDLR) ne confère le droit à personne d'inscrire son nom sur une liste de personnes qui auraient commis des irrégularités", a-t-elle déclaré. Le candidat social-démocrate d'opposition à la présidence, Aecio Neves, troisième dans les sondages, a exigé des sanctions contre les coupables. Mais il a aussi appelé à faire "très attention" et à ne pas se lancer dans des affirmations tant que les détails de l'enquête ne seront pas connus.