Après deux semaines de négociations, l’accord économique et commercial global (AECG) ou CETA, entre le Canada et l’Union européenne, a finalement été signé dimanche 30 octobre 2016 lors d’un sommet dans la capitale belge.
Cet accord est considéré comme « historique » par tous les participants, malgré les complications pour l'approuver, à commencer par les discordes entre le parlement de Wallonie et le gouvernement fédéral belge ces derniers jours. « Les Wallons redoutaient les conséquences sur leur agriculture, mais aussi de la possibilité laissée à une multinationale d'attaquer un Etat qui adopterait une politique publique contraire à ses intérêts », rappelle l'AFP.
Le dernier couac s'est produit le jour même de la signature avec l’incident technique survenu après le décollage de l’avion du Premier ministre canadien, Justin Trudeau, retardant son arrivée à Bruxelles. « On avait planifié de signer cet accord y a trois jours, on le signe aujourd'hui », a-t-il commenté une fois en Belgique. « Ca ne fait pas une énorme différence dans l'impact économique que ça va avoir pendant des décennies, de façon positive, sur tous nos citoyens », s'est-il félicité.
Signed. Signé. pic.twitter.com/TDNqMo2pkB
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) 30 octobre 2016
Accueil mitigé
Dans la presse canadienne, les réactions ont oscillé entre applaudissements et craintes. Dans le journal de Montréal, les acteurs économiques tels que les chambres de commerce, le patronat, les entreprises indépendantes ou encore les manufacturiers et exportateurs de la province, se réjouissent : « la signature du traité (…) représente de nouvelles opportunités de développement économique pour le Québec et le Canada et (…) nous positionnera avantageusement sur la scène internationale », a déclaré la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Exception faite pour le syndicat représentant les producteurs de lait, beaucoup plus inquiet : « Avec l'AECG, le Canada accorde à l'UE un accès supplémentaire de 17 700 tonnes de fromages, dont 16 000 tonnes de fromages fins, ce qui fera plus que doubler les exportations européennes de fromages sur notre marché. Pour les producteurs canadiens, c'est une perte permanente de 2 % de leur production laitière totale, soit plus que la production annuelle des quelque 300 fermes laitières du Saguenay - Lac-Saint-Jean (région administrative du Québec). »
Contre aussi, l’éditorialiste Guy Taillefer du journal québécois Le Devoir, qui salue la résistance de « la petite Wallonie » avant d’arriver à un « noui » : « Ce oui réticent ouvre des horizons qui font entendre les voix citoyennes sur un registre progressiste (…), ce « wallonoui » apporte une contribution intelligente au débat sur le développement économique et social de la planète en général, et de l’Europe en particulier.»
Sur les réseaux sociaux, politiques, média, société civile multiplient aussi les réactions pour et contre depuis la signature :
Nous avons beaucoup à gagner de l'accord commercial avec le #Canada. #CETA @lesmatinsfcult @franceculture @EU_Commission
— Pierre Moscovici (@pierremoscovici) 31 octobre 2016
Rien n'est simple en Belgique mais peu de choses sont impossibles. #CETA signature belge pic.twitter.com/iGewxfZ9b9
— didier reynders (@dreynders) 29 octobre 2016
Signature du #CETA :
— Attac France (@attac_fr) 31 octobre 2016
Les multinationales adressent leurs remerciements à l'Union Européenne et au Canada pic.twitter.com/7vk20hOImt
Le blogueur Laurent Horvath du journal suisse Le Temps, analyse les enjeux énergétiques de l'accord qui selon lui sont totalement passés sous silence :
#CETA : Un accord qui sent bon le Pétrole et le Gaz https://t.co/6ABVHEk366 #transcanada #Canada #Europe #Energie pic.twitter.com/MNYgWkPdJ8
— Laurent Horvath (@2000Watts_Org) 30 octobre 2016
Une ratification incertaine
Signé officiellement, le CETA doit être ratifié par le Parlement européen, sans doute en janvier 2017, qui le fera partiellement et provisoirement entrer en application. Le plus dur commence juste après pour l’UE avec la nécessaire ratification de l’accord par les Parlements nationaux et régionaux dans les pays de l’Union, soit pas moins de 38 assemblées.
En France, le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau, explique dans une tribune publiée par Libération, que le CETA comporterait des dispositions contraires à la Constitution. Dans ce contexte, « le traité CETA ne peut intégrer l’ordre juridique français s’il n’est pas pleinement conforme aux règles et aux principes posés par la Constitution », precise-t-il. « L’atteinte au principe de précaution » constitue l'une de ces clauses anticonstitutionnelles relevées par le professeur : « Alors que le traité CETA intervient dans de nombreux domaines relatifs à l’environnement, à l’alimentation et à la santé, le mot «précaution» n’est pas prononcé dans les 1 500 pages du traité ! Ce silence des parties, cette inertie, est donc en totale contradiction avec l’article 5 de la charte de l’environnement qui impose aux autorités publiques d’aménager préventivement des mécanismes et des mesures de contrôle. »
Ailleurs en Europe, le CETA devrait être adopté, comme en Allemagne, en Autriche ou encore aux Pays-Bas, explique Le Monde, même si des résistances ne sont pas impossibles.
« Après les dernières semaines, nous devons être très prudents », a concédé le président du Conseil de l’UE, Donald Tusk. « Mais je suis sûr que l'application provisoire du traité sera la meilleure forme d'éducation », a-t-il ajouté, assurant que le CETA est «l'accord de libre-échange le moins controversé qu'on puisse imaginer. »
La signature du #CETA est un hold up démocratique. Je lance le pari de la non-ratification à terme grâce aux réserves des #Wallon
— Corinne Lepage (@corinnelepage) 30 octobre 2016
Et si les Wallons finissent par s'y opposer ? Possible pour l'ancienne ministre française de l'environnement, Corinne Lepage, qui y voit le meilleur moyen d'enterrer définitivement le traité.