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COP23 à Bonn : ce qu'en attend la société civile africaine

Des délégués et des visiteurs dans le pavillon de la Conférence mondiale pour le climat à Bonn en Allemagne, le 6 novembre 2017. 
Des délégués et des visiteurs dans le pavillon de la Conférence mondiale pour le climat à Bonn en Allemagne, le 6 novembre 2017. 
©Oliver Berg/dpa via AP

Deux ans après l'Accord de Paris adopté à la COP21 en 2015, son application ? C'est l'enjeu principal de la 23e Conférence des Parties sous présidence fidjienne qui se tient à Bonn (Allemagne) jusqu'au 17 novembre. Quelles sont les attentes en particulier de l'Afrique ? Entretien avec un représentant de la société civile. 

Irma, Harvey, Maria... Ces derniers mois ont apporté leur lot de phénomènes climatiques dévastateurs dans le monde. "C'est la 23e COP et jamais nous ne nous sommes réunis avec un tel sens de l'urgence". Ces mots sont ceux de Patricia Espinosa, responsable climat des Nations unies.

Deux ans après l'adoption de l'Accord de Paris, la Conférence annuelle de l'ONU sur le climat qui se déroule à Bonn en Allemagne, doit permettre d'avancer sur sa mise en oeuvre. Pour la première fois, la COP est présidée par un Etat insulaire : les îles Fidji, qui figure parmi les plus menacés. 

Tout comme l'Afrique qui avait d'ailleurs été au coeur des discussions de la COP21 à Paris. Les pays du continent le moins polluant avait demandé des financements pour lutter contre le réchauffement climatique mais aussi pour permettre aux populations de s'adapter à ces changements.

Joseph Kogbe est coordonnateur international du Réseau Climat & Développement qui regroupe des ONG africaines francophones de 22 pays sur tout le continent. Il est aussi directeur Exécutif de l'ONG "Organisation Pour l'Environnement et le Développement durable" au Togo. Il explique à TV5MONDE, l'enjeu de cette nouvelle COP pour l'Afrique en particulier. Entretien. 

TV5MONDE : Quelles sont vos attentes pour cette COP23 ? 

Joseph Kogbe : L’Accord de Paris représentait un vrai soulagement pour les pays africains. Maintenant que cet accord est adopté et qu'il est rapidement entré en vigueur, le 4 novembre 2016, il doit maintenant devenir opérationnel. 

A cette COP23, il s’agit de définir les règles qui doivent guider sa mise en oeuvre notamment sur les questions de l’ambition, des financements climat, de l’adaptation des pertes et dommages mais aussi sur le renforcement et l’inclusion des acteurs non-étatiques dans le processus. 

Quels sont les enjeux importants pour l’Afrique ? 

Le changement climatique se vit au quotidien en Afrique. Aujourd’hui, la sécurité alimentaire est devenue un problème pour nous. Par exemple, le paysan togolais ne maîtrise plus les saisons agricoles. Le changement climatique affecte aussi les conditions de vie, les ressources en eau... 

Pour nous, l’enjeu de cette COP, c’est de faire de l’adaptation une priorité. C’est-à-dire de donner les moyens à ces populations qui sont fortement affectées de continuer à vivre et de mener leurs activités pendant que ce problème de changement climatique se pose. Autrement dit, faire en sorte que ces populations deviennent plus résilientes et puissent se relever de cette situation très éprouvante. C’est ça l’adaptation. 

L’Afrique contribue à moins de 4% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.

 Joseph Kogbe

L’Afrique reste donc un des continents le plus touchés par ces changements climatiques ? 

Selon les données scientifiques, l’Afrique contribue à moins de 4% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, et pourtant, c’est le continent le plus vulnérable aux changements climatiques. C’est clair que l’Afrique est la victime principale, bien sûr avec d’autres Etats insulaires. 

Il faudrait vraiment que l’Afrique puisse avoir les moyens de s’adapter aux changements climatiques. Joseph Kogbe

Selon certains rapports, il nous faut plus de 500 milliards de dollars par an d’ici à 2050 pour que la population africaine puisse s’adapter. Mais quand on regarde les financements climat aujourd’hui, on voit que l’on met plus d’argent dans l’atténuation que dans l’adaptation. 

Il faudrait vraiment que l’Afrique puisse avoir les moyens de s’adapter aux changements climatiques. Aujourd’hui, on a sur le continent un potentiel incroyable en énergies renouvelables qui nous permettrait d’enclencher un développement propre, à faible émission en carbone qui permettrait d’atténuer et de s’adapter au changement climatique. 
 

Il faut que la société civile prenne la relève. Joseph Kogbe


La société civile africaine reste-t-elle bien impliquée sur ces problématiques ? 

Nous avons compris que le politiques ont commencé à prendre du recul avec le retrait des Etats-Unis. D'autres pays sont tentés de faire la même chose ou alors ils n’avancent plus, sont découragés.

Il faut que la société civile prenne la relève. C’est pour ça que nous mettons l’accent sur l’inclusion des acteurs non-étatiques dans les institutions de mise en oeuvre de l’Accord de Paris.

Nous continuons de faire notre travail qui est d’attirer l’attention des politiques sur le rôle important que les acteurs non-étatiques sont appelés à jouer, notamment les populations locales, les collectivités territoriales, les ONG à travers des actions  concrètes menées sur le terrain et que l’on peut remonter au niveau international.

La question aujourd’hui est de savoir comment les Etats africains vont mobiliser des fonds pour mener ces actions. 

Avez-vous des exemples concrets d’initiatives locales pour lutter et s’adapter au changement climatique dans votre pays, le Togo ? 

Une commune à 30 km de Lomé, la capitale, s’est engagée dans un processus de développement incluant la question de l’énergie en utilisant des foyers améliorés qui consomment moins de charbon de bois. Ils développent aussi des moyens de transports pour les jeunes étudiants qui émettent moins de gaz à effet de serre.

Aujourd’hui, au Togo, des communes ou des collectivités territoriales commencent à prendre conscience de la question climatique et élaborent des pratiques qui prennent en compte ces contraintes énergétiques.