Le gynécologue rencontre le couple le 5 juin. Le praticien les informe qu'il lui est possible de leur "donner" un nouveau-né "hors la loi". Marché conclu. Tous trois conviennent de cacher la réelle identité du bébé grâce à une falsification dans le registre d'état civil. Un simple tour de passe-passe en écriture. Il permet au bébé volé de "naître" officiellement. L'enfant volé se nomme Ines Madrigal.
Aujourd'hui, près de 50 ans après les faits, cette femme accuse Eduardo Vela d'avoir falsifié son certificat de naissance. Comment a-t-elle pu savoir ? Sa mère adoptive, aujourd'hui décédée, lui a un jour avoué la vérité. Ines Madrigal porte plainte.
Ce mardi 26 juin 2018, s'ouvre le premier procès dit des "bébés volés". Le médecin de 85 ans est le premier entendu par la justice.

Il est poursuivi notamment pour soustraction de mineure et falsification de documents officiels. Le procureur souligne que le gynécologue, qui a exercé à San Ramon entre 1961 et 1981, avait les pleins pouvoir concernant " l'élimination des naissances qui s'y déroulaient."
300 000 bébés volés ?
Dans le pays, le scandale est immense et ravive des plaies infiniment douloureuses. L'affaire réveille les heures les plus sombres du franquisme. La date d'audience n'a pas été fixée mais il s'agit du premier procès en Espagne relatif à "l'affaire des bébés volés".
Déjà, en novembre 2015, le juge Baltasar Garzòn évoquait ces événements comme des crimes ou comme des délits contre l’humanité. Il affirmait que "150 000 personnes" seraient touchées par ces disparitions d’enfants ! En fait, ce serait près de 300 000 bébés qui auraient été volés et vendus. Un chiffre impossible à vérifier. En 2008, le juge avait ouvert une première instruction sur ces "disparus" du franquisme, mais la procédure avait été refermée au nom d'une loi d'amnistie votée en 1977.
Dr Antonio Vallejo Nágera
Une bonne "éducation morale"

L'enlèvement de nouveau-nés était pratiqué après les accouchements par des médecins et infirmières - dont de nombreuses religieuses- dans trois cas : lorsque les parents étaient censés être des opposants au régime de Franco ; quand l'enfant était né hors mariage ou que sa future "éducation morale" était supposée en danger.
A l'origine de cette affaire, les travaux du Docteur Antonio Vallejo Nágera, écrivain et médecin psychiatre. En août, 1938, Franco lui confia la direction des Services psychiatriques militaires et l'autorisa à créer le Cabinet d'investigations psychologiques.
Ce médecin affirmait que "Les relations intimes existant entre le marxisme et l’infériorité mentale sont évidentes et concluent, sur base de ce postulat, que la mise à l’écart des sujets, dès l’enfance, pourrait affranchir la société de cette idéologie…" Sa haine des antifranquistes était évidente. Il écrivit encore : "Les militants marxistes sont de préférence des psychopathes antisociaux, la ségrégation totale de ces sujets dès l'enfance pourrait libérer la société d'une plaie si terrible.
Des bébés dits morts-nés
Des groupes de victimes regroupés en association affirment que le trafic a continué jusqu'à la loi de 1987 encadrant l'adoption. Sont en cause principalement les maternités gérées par des institutions catholiques. Le personnel hospitalier faisait croire aux parents que leur bébé était mort peu après la naissance et que l'établissement avait pris en charge leurs funérailles.Plus d'un millier de plaintes ont déjà été déposées en Espagne, mais beaucoup ont été classées sans suite au motif qu'il y avait prescription des faits.
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