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Eurosceptiques les Pays-Bas?

Les néerlandais élisent aujourd'hui un nouveau gouvernement après une campagne marquée par le renforcement d'un sentiment anti-européen. Du populiste de droite Geert Wilders au "Mélenchon hollandais" Emile Roemer, l'Europe est accusée de tous les maux. En dehors de leurs déclarations tonitruantes, la société néerlandaise reste pourtant profondément attachée à son appartenance à l'Union.

Actualisation le jeudi 13 septembre avec les résultats des élections (à retrouver en bas de page)
On pourrait croire que les Pays-Bas ne connaissent pas la crise. Avec 5,3% de chômage (OCDE-juillet 2012), les Néerlandais font de l'ombre à leurs voisins européens dont les taux de chômage varient entre 10,1% pour la France ou 25% pour l'Espagne.
Thijs Berman, eurodéputé du Parti travailliste néerlandais (PVDA)
Thijs Berman, eurodéputé du Parti travailliste néerlandais (PVDA)
Mais la crise touche aussi les Pays-Bas, comme l'explique l'eurodéputé néerlandais Thijs Berman, du Parti travailliste (l'équivalent du Parti socialiste français): "En un an de temps, il y a quand même eu une recrudescence du chômage, de 100 000 personnes. Il est toujours officiellement très bas par rapport à nos voisins mais il faut prendre les chiffres avec précaution". En effet, selon Thijs Berman, "le chômage est probablement plus élevé, mais on ne le voit pas, car il y a beaucoup de gens qui ont été licenciés puis réembauchés par leurs employeurs mais en tant que prestataires". Chiffre éloquent : 2000 personnes seulement ont signé un contrat à durée indéterminée en 2011, contre 83 000 l'année précédente.
C'est donc la précarisation des Pays-Bas qui pose problème, sur fond d'austérité, avec une perte de pouvoir d'achat estimée à 7% sur 2012 et 2013. De leur côté, les retraités vont payer pour les risques pris sur les marchés par les caisses qui gèrent leur épargne. Alors qu'aux dernière élections, en 2006 et 2010, l'Islam et les immigrés étaient responsables de tous les maux, c'est aujourd'hui l'Europe, et tout particulièrement la Grèce, qui sert de bouc émissaire. 

Les Grecs, ces “têtes de Turcs“

Geert Wilders, le leader du parti d'extrême droite PVV
Geert Wilders, le leader du parti d'extrême droite PVV
"Nos vieux ne vont pas payer pour les fraudeurs grecs" martèle Geert Wilders, le populiste de droite à la tête du PVV, la troisième formation politique du pays. Côté gauche, c'est Emile Roemer, le leader du Parti socialiste (l'équivalent du Front de gauche français) qui faisait sensation dans les sondages en s'attaquant au diktat bruxellois : "La norme européenne de 3% pour le déficit budgétaire ne devrait pas empêcher les Pays-Bas de faire déraper leurs finances comme ils l'entendent, pour relancer la croissance par des grands travaux."
Le parti libéral au pouvoir a aussi donné voix à cet euroscepticisme, "le Premier ministre dit très clairement 'si nous ne sommes pas très sévères, ils vont se vautrer dans leur chaises longues, sous leurs oliviers, et ils ne feront plus rien'" rapporte Thijs Berman, l'eurodéputé de l'opposition, "c'est ça l'image, comme si les Grecs ne faisaient rien, après toutes ces mesures draconiennes qu'ils ont prises, enfin, c'est un scandale de dire ça!"
Les eurosceptiques, "On les entend tout le temps. Tonitruants, avec plein de mépris contre tous les autres pays, la France, la Grèce..." déplore Thijs Berman pour qui "ce mépris creuse la crise et l'aggrave. La méfiance fait augmenter les intérêts dans le sud parce que les investisseurs ne croient pas réellement que les Pays-Bas son prêts à aider, s'il le faut."
Au point que pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas, le patronat s'est engagé dans la campagne avec un clip vidéo pour défendre l'Europe (voir ci-dessous, la vidéo est sous-titrée en anglais). La fédération des employeurs et industriels néerlandais (VNO-NCW) fait défiler des chefs d'entreprise qui rappellent à quel point les Pays-Bas profitent de l'UE. "Sans l'Europe, pas d'aéroport de Schiphol ou de port de Rotterdam" affirme l'un d'entre eux tandis qu'un autre invite à "regarder les faits : l'Europe rapporte beaucoup plus qu'elle ne coûte."
Un constat que partage Thijs Berman "Nous sommes un pays exportateur. 80% de cette exportation va vers l'Union européenne, il s'agit de centaines de milliers d'emplois qui dépendent de cette exportation, l'intérêt économique est immense!"

“La sortie de l'U.E. n'est pas une option“

Dierderik Samson, le leader du Parti Travailliste
Dierderik Samson, le leader du Parti Travailliste
En réalité, ils ne sont qu'une petite minorité à souhaiter mettre fin à l'intégration européenne. Un seul parti la demande, assortie d'un retour au florin (l'ancienne devise néerlandaise), pour la première fois dans l'histoire des Pays-Bas. Il s'agit sans surprise du sulfureux parti populiste de Geert Wilders, "mais ce parti est en perte de vitesse dans les sondages" rassure Thijs Berman "la grande majorité a bien conscience que la sortie de l'Union européenne pour les Pays-Bas n'est pas une option, nous vivons du marché interne et des facilités du commerce".
L'autre personnage en baisse dans les sondages, c'est Emile Roemer, du Front de gauche hollandais qu'on annonçait pourtant largement en tête devant le Parti travailliste, pro-européen. Mais la campagne efficace menée par son leader, Dierderik Samson a relancé le parti de Thijs Berman dans la course, au coude-à-coude avec les libéraux. Au programme, deux principes : "Un choix social de la sortie de crise, investir dans l'emploi, dans l'innovation tout en conservant une rigueur budgétaire et de l'autre côté, le choix clairement européen" décrit l'eurodéputé. 
Un choix clairement européen, mais de quelle Europe? "Il faut politiser les choix européens" explique Thijs Berman "On impose des coupures budgétaires, on impose aux bas salaires de payer les pots cassés d'une crise provoquée par les banques. Ce ne sont pas des choix de technocrates, ce sont des choix politiques, mais de politique de droite. Ce n'est pas l'Europe qui décide, c'est la droite qui décide." Si son parti remporte les elections et que Dierderik Samson devient le Premier ministre néerlandais, il est probable qu'un axe Pays-Bas/Belgique/France formera une forte coalition pour influencer les décisions européennes. "C'est l'enjeu de ces élections" conclut Thijs Berman.  

Les résultats

13.09.2012Commentaire : S.Trouillard Montage : S.Mortain
Le Parti libéral arrive en tête avec 41 sièges sur 150, les travaillistes suivent de peu avec 37 députés. Les eurosceptiques quant à eux enregistrent un revers avec 11 sièges pour Geert Wilders (moitié moins qu'aux précédentes élections) et 15 pour le Parti socialiste.
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