Si l'on sait que le commando armé qui a exécuté le président était composé de 28 personnes (26 Colombiens et deux Américains d'origine haïtienne), aucun détail n'a émergé sur les raisons de cet acte ou sur l'identité de ses commanditaires, et le mystère sur cet assassinat reste entier.
La police et l'armée en Colombie ont aussi affirmé qu'au moins 17 anciens militaires colombiens étaient soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat.
"Nous avons arrêté quinze Colombiens et deux Américains d'origine haïtienne", a annoncé Léon Charles, directeur général de la police haïtienne lors d'une conférence de presse, précisant que trois Colombiens avaient été tués et que huit autres étaient toujours en fuite.
Chasse à l'homme
"Les armes et les matériels utilisés par les assaillants ont été récupérés", notamment des machettes, des portables ou encore des passeports colombiens, a ajouté M. Charles, affichant sa détermination à retrouver les huit personnes encore en fuite.
Lors de la conférence de presse, plusieurs suspects ont été alignés contre un mur afin de les montrer aux médias, des passeports colombiens et des armes étant disposés sur une table.
"Nous avons déjà en main les auteurs physiques et nous sommes à la recherche des auteurs intellectuels", c'est-à-dire le ou les commanditaires, avait affirmé plus tôt M. Charles.
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Le ministre colombien de la Défense Diego Molano a précisé depuis Bogota qu'au moins six des mercenaires soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat seraient "d'anciens membres de l'armée".
"Nous avons donné des instructions (...) à la police et à l'armée pour qu'elles coopèrent immédiatement au développement de cette enquête pour clarifier ces faits", a-t-il assuré dans une vidéo envoyée aux médias.
Taipei a aussi fait savoir que onze suspects avaient été arrêtés dans le complexe de l'ambassade de Taïwan à Port-au-Prince.
"La police est parvenue à arrêter onze suspects", a indiqué l'ambassade, expliquant avoir donné "sans hésitation" son feu vert à la requête de la police haïtienne d'intervenir dans le périmètre de l'ambassade.
Le département d'Etat des Etats-Unis, sans confirmer l'arrestation de ressortissants américains, a annoncé avoir accepté d'aider la police haïtienne dans son enquête.
Sur la sellette
Au moins deux hauts responsables de la police, chargés directement de la sécurité du chef de l'Etat, se retrouvent désormais sur la sellette et ont été convoqués devant la justice, a annoncé le chef du parquet de Port-au-Prince.
Me Bed-Ford Claude, commissaire du gouvernement de la capitale, s'est en effet interrogé sur l'apparente passivité des agents de sécurité du président :"Je n'ai constaté aucun policier victime, sinon le président et son épouse. Si vous êtes responsables de la sécurité du président, où étiez-vous? Qu'avez-vous fait pour éviter ce sort au président?".
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Chacun restait aux aguets jeudi 8 juillet dans le pays, les magasins, les banques, les stations-service et les petits commerces de la capitale gardant notamment portes closes. Le gouvernement a demandé la réouverture de l'aéroport, qui devrait être effective vendredi 9 juillet, et a appelé à la reprise de l'activité économique.
Devant un commissariat de Petionville, en banlieue de Port-au-Prince, des habitants acclamaient la police pour avoir procédé à des arrestations et appelaient au lynchage des assaillants présumés.
Le commando était composé de tueurs à gages "professionnels" s'étant fait passer pour des responsables de l'agence américaine antidrogue, selon l'ambassadeur haïtien aux Etats-Unis.
Vide politique
Cette attaque déstabilise davantage le pays le plus pauvre des Amériques, gangrené par l'insécurité. Et aux questions sur la traque des auteurs de l'attaque s'ajoutent celles sur l'avenir du pays, à commencer par sa gouvernance.
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L'un des derniers gestes politiques de Jovenel Moïse, mort à 53 ans, avait été de nommer la veille de sa mort un énième Premier ministre, Ariel Henry. Il n'avait pas encore pris ses fonctions au moment de l'assassinat.
Quelques heures après le drame, c'est le Premier ministre par intérim Claude Joseph qui a décrété l'état de siège pour quinze jours, octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif.
"Y-a-t-il plusieurs Premiers ministres nommés dans le pays?", a interrogé Ariel Henry, assurant que Claude Joseph n'était que ministre des Affaires étrangères.
Le défenseur des droits humains Me Gédeon Jean a qualifié de "suspect" l'empressement de M. Joseph à déclarer l'état de siège, l'amenant à "entrevoir une tentative de coup d'Etat".
Le pays était déjà plongé dans une crise institutionnelle: Jovenel Moïse n'avait pas organisé d'élection depuis son arrivée au pouvoir début 2017 et le pays n'a plus de Parlement depuis janvier 2020. Accusé d'inaction face à la crise et confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile, il gouvernait principalement par décrets.