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Huit membres du gouvernement catalan destitué placés en détention

Le vice-président du gouvernement catalan Oriol Junqueras lors de son entrée à l'audience. Il y a été placé en détention.<br />
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Le vice-président du gouvernement catalan Oriol Junqueras lors de son entrée à l'audience. Il y a été placé en détention.
(AP Photo/Paul White)

Huit des neuf membres du gouvernement catalan destitué entendus aujourd'hui à Madrid ont été placés en détention provisoire par une juge, conformément aux réquisitions du parquet. Ce dernier a également demandé l'émission d'un mandat d'arrêt européen contre son président Carles Puigdemont, de facto réfugié en Belgique.

Une juge d'instruction espagnole a placé jeudi en détention provisoire huit membres du gouvernement catalan destitué et pourrait émettre un mandat européen contre cinq autres, dont le président Carles Puigdemont, parti en Belgique.

Moins d'une semaine après la proclamation d'indépendance de la Catalogne le 27 octobre, Oriol Junqueras, le numéro deux de ce gouvernement, et sept de ses conseillers (ministres) ont été inculpés pour sédition et rébellion et écroués à l'issue de leur audition.

La juge devait encore décider si elle accepte comme l'a demandé le parquet de lancer un mandat d'arrêt européen contre Carles Puigdemont et quatre autres ministres qui ont refusé de comparaître.

Le cas échéant, le mandat sera adressé aux autorités belges, puisque les cinq "se trouvent ou tout au moins se sont rendus en Belgique", selon le ministère public.
Dans son ordonnance, la juge justifie l'ordre d'incarcération par le risque de fuite des inculpés mis en évidence par M. Puigdemont.

Un neuvième ministre, Santi Vila, qui avait démissionné avant la proclamation d'indépendance et seul à avoir répondu aux questions de la magistrate, a été écroué mais il pourra être mis en liberté provisoire moyennant paiement d'une caution, a annoncé l'Audience nationale, tribunal chargé des affaires sensibles.

Accusant le parquet espagnol de nourrir un "désir de vengeance" à son endroit, M. Puigdemont avait fait savoir par la voix de son avocat belge Paul Bekaert qu'il était disposé à répondre aux questions de la juge, mais depuis Bruxelles.

Dès réception du mandat d'arrêt espagnol, un juge belge devrait examiner le dossier Puigdemont dans un délai maximum de 60 jours.

Cinq membres du bureau du Parlement catalan, dont la présidente Carme Forcadell, ont eux obtenu un report de leur audition jusqu'au 9 novembre pour pouvoir préparer leur défense.

Le procureur général demande que tous soient inculpés pour détournement de fonds publics, sédition et rébellion, les deux derniers délits étant passibles de peines maximales de 15 et 30 ans de prison.
Il les accuse d'avoir encouragé "un mouvement d'insurrection active" au sein de la population catalane pour parvenir à la sécession, en ignorant toutes les décisions de justice, y compris l'interdiction d'organiser un référendum d'autodétermination le 1er octobre.

Les autorités catalanes affirment que lors du référendum, le "oui" à la sécession a remporté 90,18% des voix avec une participation de 43% malgré l'intervention parfois violente de la police pour empêcher sa tenue.

Elles se sont appuyées sur ces résultats invérifiables pour proclamer vendredi l'indépendance de la "République catalane". Le gouvernement espagnol a immédiatement pris le contrôle de la région, destituant son gouvernement et convoquant des élections pour le 21 décembre.
                  

- Impasse et dissensions -

                  
Depuis Bruxelles, Carles Puigdemont a présenté comme une tactique concertée la répartition de son gouvernement entre l'Espagne et la Belgique dans un communiqué émis au nom du "gouvernement légitime" de Catalogne.

Certains iront devant l'Audience nationale "dénoncer la volonté de la justice espagnole de poursuivre des idées politiques", les autres "resteront à Bruxelles pour dénoncer devant la communauté internationale ce procès politique", a-t-il expliqué.

L'avocat de deux députés, Javier Melero, a toutefois semblé instiller le doute sur la réalité de cette concertation, regrettant publiquement l'absence de M. Puigdemont à sa convocation. "Quand vous ne paraissez pas devant la justice alors que vous êtes convoqué, cela nuit toujours au reste des mis en cause", a-t-il prévenu.

Le prédécesseur de M. Puigdemont, Artur Mas, président de l'exécutif catalan de 2010 à 2016, a affirmé à la presse à Madrid que les poursuites judiciaires alimentaient le sentiment d'injustice en Catalogne. "Si vous regardez les enquêtes d'opinion les plus récentes, vous constaterez que le sentiment et la volonté d'aller vers l'indépendance est en train de grandir dans notre pays, en Catalogne", a-t-il déclaré.

A Barcelone, une manifestation convoquée par la puissante association indépendantiste ANC a rassemblé plusieurs centaines de personnes devant le siège du gouvernement. Brandissant des drapeaux indépendantistes, ils ont scandé "liberté" et "Puigdemont est notre président".
"Nous avons fait des manifestations pacifiques d'un million de personnes sans casser une seule vitre et le parquet dit qu'ils (les dirigeants indépendantistes) nous avaient appelé à l'insurrection", au "soulèvement violent", protestait Josep Morato, retraité de 68 ans et "indépendantiste de centre-droit".

L'ANC a appelé à un nouveau rassemblement dans la soirée devant le Parlement catalan à Barcelone et les mairies des grandes villes de la Catalogne.