“Le français est ma deuxième patrie.“
Par Rodica Pricop rédactrice en chef adjointe de Nine O’Clock et éditorialiste à Bucarest Hebdo, de Roumanie

Le destin a fait que je vienne au contact de la langue française à un très jeune âge, la Roumanie étant un pays avec une tradition de l’enseignement du français depuis des siècles. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, les enfants de l’aristocratie et la bourgeoisie du pays allaient suivre leurs études en France. Dans les familles, on parlait le français autant que le roumain. L’usage du français était très ancré dans la société ce qui fait que même aujourd’hui, les gens utilisent plus souvent ‘bonjour’ et ‘merci’ que leurs équivalents roumains. Je dois l’amour pour le français à ma mère, qui contrairement à ses enfants n’a pas eu la chance d’apprendre la langue de Brel et d’Aznavour qu’elle aime tant. Les premières décennies qui ont suivi la fin de la guerre, on apprenait le russe à l’école, même si on ne le voulait pas. Ma mère, qui avait été empêchée par le régime communiste de suivre des études supérieures à cause de son origine ‘bourgeoise’, a toujours voulu offrir à ses filles la chance d’apprendre des langues étrangères. On a ainsi, ma sœur et moi pris des leçons de français et plus tard d’anglais à la maison pendant des années. Pour nous qui grandissions dans une dictature, où la liberté individuelle n’était qu’un rêve impossible, le français était un moyen de rêver d’un ailleurs, une porte ouverte vers d’autres cultures, d’autres univers. Ainsi il m'est devenu une sorte de deuxième patrie, un refuge. Grâce à cet échappée belle j’ai acquis beaucoup de connaissance sur la littérature française puis sur l’histoire de la francophonie et des divers pays francophones. Personnellement, pour moi, le français signifie un univers d’expression, des rencontres exceptionnelles avec des gens ayant en partage cette belle langue à travers le monde, du nord au sud, et d’est en ouest, mon travail d’éditorialiste, la chance de partager avec un public francophone des nouvelles de Roumanie mais surtout l’occasion de rapporter les injustices et les abus au sein de la société, des amitiés, des voyages, des rêves. Et encore plus car l’histoire continue… Dans le monde trépidant où nous vivons aujourd’hui, avec la globalisation de l’anglais et l’expansion rapide du Googlish, le français reste premièrement un choix personnel d’appartenance à un espace culturel remarquable, vaste et varié, exubérant et toujours renouvelable. C'est pour cela, que je suis fière d’être l'une des 220 millions de francophone à travers le monde.