Retour sur la crise grecque
30.11.2013Propos recueillis par Bénédicte Weiss
Passer au rang d'"émergent", est-ce plutôt une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la Grèce ?
A priori, on se dit que ce n'est pas une très bonne nouvelle de passer de "pays développé", ou plutôt de "marché développé", à "marché émergent" (voir encadré ci-contre).
Mais il faut comprendre à quoi servent ces indices. Ils servent d'étalon, pour savoir comment évolue, par exemple, le marché des actions sur les pays émergents ou sur les pays développés. Il est plus simple pour les investisseurs d'investir dans ces indices que de choisir des titres de façon aléatoire, ou en faisant des analyses plus poussées.

Les entreprises grecques sont passées d'une catégorie où elles n'étaient qu'avec des pays développés, par exemple les pays européens qu'on connaît dans la zone euro, à un marché où elles sont avec des pays émergents.
Les investisseurs investissent à la fois dans les pays développés et les pays émergents, mais ils ont différents profils. C'est-à-dire qu'il y en a qui vont préférer investir dans les pays développés, en cherchant plus de sécurité, en cherchant un rendement peut-être plus faible mais qui est effectivement plus sûr, et d'autres investisseurs qui investissent plutôt dans les pays émergents, qui eux cherchent un peu plus de rentabilité, mais qui acceptent que les critères de liquidités et autres soient plus faibles.
Finalement, en passant d'une catégorie à l'autre, la Grèce va avoir des investisseurs qui vont continuer à s'intéresser à elle et d'autres, nouveaux, qui vont s'y intéresser parce que ça peut devenir attrayant. Ils peuvent se dire que, bien que le pays soit encore en récession, les entreprises qui ont survécu à la crise peuvent a priori avoir de bons rendements, de bonnes performances. Donc, finalement, que ça peut être intéressant d'investir sur la Grèce.
Ce n'est donc pas forcément une mauvaise nouvelle pour la Grèce, c'est juste que ça va un petit peu ouvrir le marché à d'autres investisseurs, et que ça va au contraire la priver de ceux qui investissent dans les pays développés. L'un dans l'autre, ça peut avoir des conséquences neutres voire, pourquoi pas, positives

Cela peut-il changer quelque chose pour la population ?
Cela reste des capitalisations d'entreprise. Les habitants peuvent en voir des conséquences s'ils détiennent des actions dans ces entreprises et qu'il y a une spéculation, que ça prend de la valeur. Mais cela se fait uniquement sur la fonction financière et de portefeuille. Pour l'essentiel de la population, ça ne change pas grand chose.
Et pour l'Etat ?
Pour l'Etat ça ne change pas grand chose non plus, d'autant plus qu'a priori on ne s'attend pas à ce que ça ait de grosses conséquences.
Ce n'est pas un risque-pays, on n'est pas sur les titres souverains, mais sur des actions d'entreprises privées. Qui plus est sur les plus grosses, et qui sont cotées en Bourse. Jusqu'à présent, seules les deux plus importantes étaient prises en compte, en tant que "marché développé". Là, comme ce sont des critères moins stricts, dix entreprises vont donc entrer dans cet indice "émergent". Ce qui peut leur permettre de se financer, d'avoir davantage de capitaux. Pour elles, cela peut être un peu plus positif parce que jusqu'à présent, elles n'étaient pas sur cet indice.

Cela peut-il avoir des conséquences sur l'euro ?
Dans la mesure où la Grèce ne représente même pas 2% de la zone euro, ça n'aura pas une influence sur l'euro. Ce n'est pas un très bon signe vis-à-vis de la zone euro parce que ça veut quand même dire qu'un pays qui a adopté l'euro, est mis dans la catégorie "émergent" au niveau des marchés. Mais à part ça, l'effet sur l'euro, s'il y en a un, sera vraiment très faible et très limité.
La Grèce peut-elle s'en sortir ?
30.11.2013Céline Antonin et Jean-Michel Naulot dans le 64' de TV5MONDECéline Antonin, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, et Jean-Michel Naulot, ancien banquier, qui vient de publier un livre qui bouscule les idées reçues Crise financière, pourquoi les gouvernements ne font rien, sont les invités de Xavier Lambrecht. Ils reviennent sur les perspectives de la Grèce.
Un marché, pas un pays
Céline Antonin préfère évoquer le passage d'une "marché développé" à une "marché émergent", plutôt que celui d'un "pays développé" à un "pays émergent". Explications.
Qui prend cette décision ?
Céline Antonin : C'est un indice qui dépend de la banque Morgan Stanley, c'est donc un organisme privé, dans une banque privée.
Sur quels critères ?
Ils en ont un certain nombre, un petit peu techniques. Ce sont des critères de liquidités, de facilité d'emprunter des titres, de facilités de crédit, de vente à découvert… en gros, il s'agit essentiellement d'une mesure de la liquidité et du risque que représente un pays.
Cet indice n'est-il délivré que par Morgan Stanley, ou bien en existe-t-il plusieurs, comme il existe différentes agences de notation ?
Il y a différents organismes, en fait il y a plein d'indices. Je dirais presque qu'il y en a autant que de personnes qui veulent bien en inventer. Celui-ci fait partie, disons, des indices un petit peu connus, regardés, mais il y en a plein d'autres.
Au niveau des autres indices, où en est la Grèce en ce moment ?
Il y en a d'autres qui ont fait la même chose. Ils ont également rétrogradé la Grèce, à peu près à la même période.