Une "nouvelle ère" Le parti nationaliste hindou de Narendra Modi célèbre une victoire écrasante aux législatives en Inde, promettant une "nouvelle ère" fondée sur la relance de l'économie après dix ans de pouvoir du parti du Congrès. Les résultats provisoires donnent une majorité absolue au Parlement pour le Bharatiya Janata Party (BJP) de Modi, une première depuis trente ans pour un parti seul. Selon les projections, le BJP dépasserait la majorité absolue des 272 sièges sur 543, et rallierait plus de 300 sièges avec ses alliés. "L'Inde a gagné. Les beaux jours arrivent", a réagi Modi dans un tweet :
India has won! भारत की विजय। अच्छे दिन आने वाले हैं।
— Narendra Modi (@narendramodi) 16 Mai 2014
Même si le BJP partait favori, les premiers résultats dépassent toutes les prévisions des sondeurs. Un triomphe qui remodèle le paysage politique indien, transformant le parti nationaliste hindou en puissance politique nationale, au détriment d'un parti du Congrès de la dynastie Gandhi-Nehru réduit à la portion congrue - dur revers pour une formation habituée à diriger le pays. "C'est le début du changement, la révolution d'un peuple et le début d'une nouvelle ère", a déclaré à l'AFP un dirigeant du BJP, Prakash Javadekar, depuis le siège du parti à New Delhi. De fait, les attentes sont fortes au sein de la population indienne, qui veut croire que le nouvel homme fort de l'Inde pourra reproduire les recettes économiques testées dans l'Etat du Gujarat, qu'il dirige depuis 2001. Narendra Modi, à 63 ans, a monopolisé l'attention pendant toute la campagne électorale, promettant d'incarner un pouvoir fort à même de relancer l'économie indienne, tout en gommant son passé de leader nationaliste hindou controversé. Reste que le dirigeant du BJP est regardé avec méfiance par la minorité musulmane depuis les émeutes de 2002 dans le Gujarat.
Des attentes immenses
16.05.2014Par Amélie Cano A l'opposé, le parti du Congrès se révèle usé par dix ans de pouvoir, des scandales de corruption à répétition et puni pour son incapacité à relancer la croissance et à juguler l'inflation. Il a rapidement reconnu sa défaite qui pourrait être la plus cinglante de son histoire : "Nous acceptons la défaite. Nous sommes prêts à siéger dans les rangs de l'opposition, a déclaré le porte-parole et dirigeant du parti, Rajeev Shukla, devant les journalistes au siège du parti. Modi a promis monts et merveilles à la population. Les gens ont acheté ce rêve", a-t-il ajouté. Quant au Premier ministre Manmohan Singh qui avait pourtant estimé en janvier que Modi serait un "désastre pour le pays", il a appelé son probable successeur pour le féliciter. Economie : une tâche gigantesque Les marchés boursiers indiens, après avoir bondi de 5% depuis le début de semaine dans la perspective d'une nette victoire de Modi, sont revenus à l'équilibre. Les investisseurs font preuve d'un optimisme, que certains jugent exagéré, sur sa capacité à sortir l'Inde de ses difficultés : infrastructures défaillantes, inflation galopante, etc : "Il a devant lui une tâche gigantesque qui va prendre du temps, car les problèmes économiques sont vraiment aigus. Il n'a pas de baguette magique", a estimé D.K. Joshi, chef économiste de l'agence de notation Crisil. Les grands industriels du pays soutiennent le dirigeant du BJP en raison du bon accueil reçu par les entreprises dans son fief du Gujarat, tandis que son ascension sociale a convaincu une partie de la population qu'il pourrait incarner un pouvoir fort et efficace. Au-delà des nationalistes hindous, Modi a aussi réussi à rallier une partie des plus pauvres, qui votaient traditionnellement pour le Congrès et ses programmes sociaux. "Modi est arrivé au bon moment, alors que la population est gagnée par l'abattement", estime Mohan Guruswamy, du think-tank Centre for Policy Alternatives. Sa cuisante défaite devrait chambouler le Congrès et poser la question de la capacité de la famille Gandhi à diriger le pays. A 43 ans, Rahul Gandhi a conduit une campagne jugée terne, incapable de lui donner un élan, et les résultats préliminaires ne lui donnaient qu'une faible avance dans sa circonscription. L'ombre du nationalisme L'arrivée de Modi au pouvoir constituerait un changement radical pour les grands pays occidentaux qui ont boycotté le dirigeant indien pendant près de dix ans après les émeutes qui ont ensanglanté le Gujarat en 2002. Plus de mille personnes avaient été tuées, essentiellement des musulmans. Modi a été accusé d'avoir encouragé les violences. Pendant la campagne, il s'est abstenu de mettre en avant les revendications nationalistes les plus radicales du programme du BJP. "Il sera jugé sur l'économie. Et s'il échoue à relancer l'économie? Le plan B pourrait être l'hindutva", à savoir le nationalisme hindou, estime Christophe Jaffrelot, chercheur à Sciences Po à Paris et au King's College de Londres.
Une nouvelle ère ?
16.05.2014Jean-Luc Racine, interviewé par Estelle MartinComment expliquer la défaite du parti du Congrès de la dynastie Gandhi-Nerhu ? Narendra Modi a-t-il les moyens de relancer l'économie ? Existe-t-il un risque de radicalisation vis-à-vis des autres communautés du pays ? Eléments de réponse avec Jean-Luc Racine, vice-président d'Asia Centre, directeur de recherche CNRS et au Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud (CEIAS), il est l'invité du 64' de TV5MONDE.
Qui dirigera l'Inde aux côtés de Narendra Modi ?
LC, avec AFPVoici les personnalités du BJP qui pourraient émerger dans le prochain gouvernement indien :

Le plus proche conseiller de Modi est promis à un poste clé au sein du cabinet du Premier ministre. Considéré comme un fin stratège politique, Amit Shah a conduit la campagne électorale du BJP dans l'Etat le plus peuplé d'Inde, l'Uttar Pradesh. Sa réputation est entachée par son action comme ministre de l'Intérieur de l'Etat du Gujarat, où il est notamment accusé d'avoir organisé des meurtres. Il dément toutes ces accusations.

Pressenti pour devenir ministre des Finances, Arun Jaitley fut l'un des avocats les plus reconnus du pays avant de devenir le leader de l'opposition à la chambre haute du Parlement. A 61 ans, il est l'un des orateurs les plus en vue du parti et monte souvent au pour défendre les épisodes les plus controversés de la carrière politique de Modi.

Chef de l'opposition à la chambre basse du Parlement, Sushma Swaraj fut la plus jeune ministre du gouvernement en 1977 après la fin de l'état d'urgence décidé par Indira Gandhi. A 62 ans, Swaraj est l'un des rares dirigeants du BJP à s'être opposée publiquement à la désignation de Modi comme candidat au poste de Premier ministre. Certains analystes la jugent néanmoins bien placée pour le poste de ministre des Affaires étrangères.

Le président du BJP est l'ancien chef de l'exécutif de l'Etat de l'Uttar Pradesh. Rajnath Singh a également été un temps ministre de l'Agriculture de l'Inde. A 62 ans il pourrait devenir ministre de l'Intérieur. Comme Modi et Shah, il a fait ses classes au sein du RSS et était professeur de physique à l'université avant de s'engager en politique.