Remontée des Libéraux… et percée de Québec solidaire
« C'est une course excessivement serrée comme ça fait longtemps qu'on n’en a pas vu une », constate Martine Biron, analyste politique de Radio-Canada. « C'est une campagne comme on n'en a jamais vu parce qu'il y a quatre partis majeurs capables de gagner des sièges à l'Assemblée nationale et qui sont capables de vraiment bouleverser l'échiquier politique québécois, y compris pour la première fois un nouveau parti qui peut aspirer au pouvoir, la Coalition Avenir Québec » ajoute l’animateur de l’émission Midi-Info Michel C. Auger. « C’est une campagne pleine de rebondissements, un peu les montagnes russes au parc d'attraction, souligne pour sa part le chef de bureau de Radio-Canada à la colline parlementaire de Québec Sébastien Bovet. On avait l'impression que c'était un peu joué d'avance pour le nouveau parti qui s'appelle la Coalition Avenir Québec, mais en cours de route, elle a perdu des points cette coalition, avec une fin de course serrée entre deux partis, le parti libéral, le parti au pouvoir et la CAQ ».C’est ce qu’indique en effet un dernier sondage Ipsos publié dans le quotidien La Presse + : les Libéraux et les « Caquistes » sont au coude à coude dans les intentions de vote, quelque 30% chacun. Philippe Couillard a réussi à reprendre une partie de son retard sur François Legault, qui caracolait en tête dans les intentions de vote des Québécois depuis un an. Une tendance inquiétante pour la Coalition Avenir Québec, mais les caquistes restent en tête des intentions de vote des francophones : 36% pour la CAQ, 25% pour le Parti Québécois, 18% pour Québec solidaire et 17% pour le Parti libéral du Québec.
« Dans l'électorat francophone, les Libéraux sont en 4e place et ça on n'a jamais vu ça dans l'histoire du Québec » précise Michel C. Auger.
Selon toute vraisemblance, les Québécois devraient donc élire un gouvernement caquiste lundi, mais il sera minoritaire. Et c’est le parti souverainiste de gauche Québec solidaire qui pourrait bien être avoir la balance du pouvoir au soir du 1er octobre. La co-porte-parole, Manon Massé, a fait savoir que le parti évaluerait à la pièce son appui aux projets de loi d’un gouvernement caquiste minoritaire. Manon Massé a fait une bonne campagne électorale et cette performance se lit dans les sondages, car son parti a gagné 5 points dans les intentions de vote depuis la fin août. Mais le Québec ne se réveillera pas mardi matin avec un gouvernement des solidaires.
Gaffes des deux principaux chefs
Comme toujours dans une campagne électorale, des gaffes et des maladresses ont été commises par les uns et les autres. Dans ce cas-ci, ce sont les chefs des deux principaux partis qui se sont mis les pieds dans le plat. François Legault a trébuché dans le dossier toujours très délicat de l’immigration. La CAQ propose de réduire le nombre d’immigrants de 55 000 à 40 000 par an et de faire passer à tout nouvel arrivant un test de français et de connaissances de valeurs québécoises. Mais lorsqu’un journaliste a demandé au chef caquiste combien de temps il fallait à un immigrant pour devenir citoyen canadien, François Legault a séché lamentablement. Ce qui a fait dire à plusieurs que son ignorance en la matière était totalement inadmissible pour une chef de parti qui doit, normalement, maîtriser ses dossiers sur le bout des doigts, surtout qu’on parle ici d’une information de base.La proposition de réduire le nombre d’immigrants au Québec a aussi soulevé toute une controverse : la province connaît une pénurie de main-d’œuvre tout à fait exceptionnelle, une situation de plein emploi qui ferait rêver bien des pays, pourquoi alors se priver de la main d’œuvre de ces immigrants s’est fait demander tous azimuts François Legault ? Une mesure qu’il a eu de la difficulté à défendre.
Division du vote souverainiste
Le chef du Parti Québécois a tiré à boulets rouges ces deux dernières semaines sur Québec solidaire, le parti souverainiste le plus à gauche sur l’échiquier politique québécois qui a grimpé de 5 points dans les sondages par rapport au début de la campagne. Jean-François Lisée sait qu’une partie des électeurs péquistes ont joint les rangs des solidaires et qu’il y a une réelle division du vote souverainiste. Le Parti Québécois a d’ailleurs essayé il y a un an de réaliser une « convergence » avec Québec solidaire, une union qui aurait effectivement permis aux deux formations politiques d’être la première force politique de la province et donc de remporter ces élections. Cette tentative d’alliance électorale a été tuée dans l’œuf par l’instance dirigeante de Québec solidaire. « Le bien commun, c’est qu’on n’ait pas quatre ans de plus de Parti libéral, c’est qu’on n’ouvre pas la voie à un parti comme la CAQ, c’est ça, le bien commun. Je pense que ça valait la peine de le faire » a déclaré Jean-François Lisée en entrevue au quotidien La Presse +.Le chef péquiste a réalisé une bonne campagne électorale, surtout dans les premières semaines. Mais cela ne s’est pas vraiment traduit dans les intentions de vote qui stagnent autour de 20% pour le Parti Québécois. Quel sera l’avenir après ce scrutin de ce parti fondé par René Lévesque il y a 50 ans ?
Bien des surprises
Les trois analystes politiques que j’ai consultés pour faire le bilan de cette campagne électorale ont chacun fait preuve d’une extrême prudence quant à leurs prédictions sur ce scrutin. Il y a trop d’inconnus dans l’équation pour affirmer hors de tout doute la victoire de tel ou tel parti. Il ne faut pas négliger non plus la puissance de la machine du Parti libéral du Québec et le fait qu’une fois dans l’isoloir, l’électeur indécis va peut-être préférer voter en faveur d’un parti politique qui a souvent gouverné versus un parti qui ne l’a jamais fait. Ceci dit, toutes les projections parlent d’une victoire de la Coalition Avenir Québec, mais le nouveau gouvernement serait minoritaire et il serait donc très fragile.
