"Ca commence par une odeur. Ensuite, on aperçoit une fumée blanche qui s'élève, et encercle notre immeuble. La combustion commence le soir et se termine à l'aube [...] On ne peut pas allumer l'air conditionné, on ne peut pas dormir. On reste eveillé jusqu'au matin, et on se sent suffoquer."
Le témoignage de Leila, habitante du quartier de Sin El Fil à Beyrouth est l'un des nombreux cités dans un rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW) au titre édifiant : "C'est la mort que nous respirons". Publiées début décembre, 67 pages à charge contre le gouvernement libanais décrivent l'enfer quotidien vécu par les riverains à proximité des décharges sauvages, où des déchets de tout type (jusqu'aux déchets médicaux ou déchets toxiques) sont fréquemment brûlés à ciel ouvert. Une pratique qui comporte de nombreux risques pour l'environnement et la santé.
Bassam Khawaja, chercheur à Human Rights Watch
Deux ans après la "crise des déchets" qu'a connu le pays à l'été 2015, aucune solution viable ne semble avoir été trouvée. À l'époque, des photos de la capitale, Beyrouth, envahie par des montagnes d'ordures après la fermeture de la principale décharge du pays, faisaient le tour du monde. Mais elles n'étaient que la partie visible de l'iceberg : ailleurs dans le pays, les problèmes de gestion de déchets perdurent depuis des décennies, notamment dans les zones les plus pauvres.
"Déjà pendant la guerre civile, les Libanais brûlaient les déchets à ciel ouvert. la différence, c'est qu'aujourd'hui des recherches sont menées, des ONG en parlent... donc l'attention est enfin portée sur le problème" explique Rima Tarabay, présidente du réseau Ecotown , qui a rédigé une thèse sur le thème du développement durable au Liban. "Ce problème persiste car il n'y a pas de cadre juridique , ni de pénalités sur le traitement des déchets." ajoute-t-elle.
Les municipalités qui mettent en place ce genre de pratique se justifient par le manque de moyens alloués par l'Etat ; il n'existe en effet pas de plan gouvernemental pour la gestion des déchets. L'incinération reste la méthode d'élimination des déchets la moins chère.
Suzanne Baaklini, journaliste à l'Orient-Le Jour
Les problèmes de santé répertoriés chez ces habitants sont multiples "notamment des problèmes respiratoires comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive, la toux, l'irritation de la gorge et l'asthme". Et les risques pour la santé pourraient être bien plus graves : l'ONG craint des cas de cancers, notamment chez les enfants. La majeure partie des personnes interrogées affirme n'avoir reçu aucune information de la part des autorités sur les risques encourus.
Actuellement, 77% des déchets sont jetés dans des décharges à ciel ouvert ou enfouies, pourtant une grande partie pourrait être recyclée ou compostée.
Dans l'attente d'un plan gouvernemental à long terme, les associations environnementales préconisent le tri des déchets, une solution qui commence à voir le jour dans certaines municipalités libanaises.