
Au menu, bœuf bourguignon, sandwich au thon, chips, beignets, mandarine, gâteau et eau. De leur côté, dans le salon, Lisa et Laurie trient les vêtements qu’elles ont récoltés. Un tas pour les enfants, un pour les femmes et un autre pour les hommes. La distribution doit être efficace.
« Il est 17 heures. Va chercher la sauce Mohamed, s’il te plaît ! » presse Mariette qui filme en direct sur Facebook les préparatifs. Il faut encore mettre en barquettes individuelles le bœuf bourguignon avant le départ, prévu deux heures plus tard. Si la bande d’amis se décarcasse pour que les migrants aient moins faim et froid ce soir, c’est grâce à Mohamed. Ce dernier connaît Malik Diallo, à l’origine du Grand Défi lancé sur Facebook fin septembre dans les quartiers de Sarcelles. C'est lui qui lui a suggéré de lancer l’initiative à Carrières-sur-Poissy (Yvelines). Un succès. A ce jour, la page Facebook totalise près de 3000 mentions j’aime.
Une évidence humanitaire
Mais Mohamed considère que son action est bien plus qu’un challenge. « Malik Diallo a lancé le Grand Défi, mais j’aurais pu organiser une maraude moi-même. Vous savez, je suis chauffeur-livreur et je passe souvent à Stalingrad. Il y a des sans-abri partout. C’est choquant ! » Il ne pouvait donc pas rester sans rien faire face à l'inertie de l'Etat. « Pour moi c’est normal d’aider les autres. L’instinct de solidarité, soit on l’a, soit on ne l’a pas. Et moi, comme beaucoup de jeunes de banlieue, j’ai grandi dans le partage » confie le Carriérois de 27 ans.
Il faut aussi dire que la troupe n’a reçu aucune aide financière. Le combat est citoyen et complètement désintéressé même s’il coûte cher aux amis. « On ne fait pas ça pour s’acheter une bonne conduite, mais pour aider son prochain. On s’est débrouillé à la hauteur de nos petits moyens pour venir en aide aux sans-abris » insiste Aimé. « Nous ce qu’on fait, c’est pour montrer qu’on a du cœur. Je préfère investir 100 euros pour aider ces gens que pour sortir, par exemple » renchérit Mohammed.
Une distribution chaleureuse
Il est 21 heures. Le convoi approche de Paris. Aimé est lucide, sans appréhension particulière. « Honnêtement, on ne pourra pas aider tout le monde c’est sûr. On sera peut-être déçu mais au moins l’intention est là. Je pars dans l’optique de faire une bonne action. J’essaie de ne voir que le positif. » Mohamed, lui, a envie « de voir des sourires » ce soir.Les voitures se garent en double-file avenue de Flandre, à proximité de la place de Stalingrad. Aimé, Mohamed, Mariette et leurs amis essaient de trouver un endroit où les migrants n’ont pas reçu l’aide alimentaire d’associations présentes ce soir. La distribution peut commencer. Rapidement, une foule se crée autour d’eux. Sacs repas et vêtements partent en quelques instants. Les migrants ont le sourire aux lèvres. Certains entament même une danse pour remercier la troupe de Carrières-sous-Poissy.
Il est 22h30. Il ne reste plus rien, mais un migrant vient demander de l’aide. Il a faim. Mariette ne peut pas résister à cette détresse et l’emmène au snack du coin. « Tu veux manger du poulet ? Allez viens avec moi. Les autres, attendez-moi, je reviens ! » lance-t-elle à ses camarades.
Une seconde opération ?

En attendant sa prochaine distribution, Mohamed a, à son tour, invité ses amis des villes de Plaisir, Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) et Créteil (Val-de-Marne) à faire de même. La solidarité a encore de beaux jours devant elle.