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Mort d'Ingvar Kamprad : Disparition de l'IK. de IKEA

(AP Photo/Heribert Proepper)

Les deux premières lettres de l'acronyme, c'était lui. IKEA vient de perdre son fondateur, Ingvar Kamprad, âgé de 91 ans. Meneur d’hommes visionnaire mais figure controversée, l’entrepreneur suédois laisse derrière lui un groupe pesant 38 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une histoire en clair-obscur. Décryptage. 

Le géant suédois de l'ameublement à bas prix a perdu son fondateur, Ingvar Kamprad, à l'âge de 91 ans. 

"C'était un entrepreneur unique qui a eu une grande importance pour l'économie suédoise", a réagi le Premier ministre suédois Stefan Löfvén auprès de l'agence suédoise TT.

De fait, son empire emploie aujourd'hui près de 150 000 personnes à travers le monde, dispose de 355 magasins dans 29 pays, et génère un chiffre d'affaires annuel de 38 milliards d'euros.

Sur internet, Ikea.com représente : 2,1 milliards de visites et 137 millions de visites 
sur le catalogue et les applis IKEA Store.
   

Origines modestes


Fils de paysans, Ingvar Kamprad est devenu l'un des hommes les plus riches du monde en proposant des meubles originaux prêts à monter et pas chers.

Cet ancrage dans la terre suédoise est d'ailleurs au coeur même des quatre lettres qui composent l’acronyme du groupe. Les deux premières sont les initiales du fondateur auxquelles ont été ajoutées la première lettre de la ferme dans laquelle il a grandi (Elmtaryd) suivi de celle de son village (Agunnaryd). 

Agé de 17 ans, le jeune adolescent commence par vendre des petits objets comme des allumettes et des stylos à vélo avant de s’orienter dans la vente par correspondance puis, résolument dans la vente de meubles. 

Sa compagnie est enregistrée pendant la deuxième guerre mondiale mais ce n’est qu’à la fin des années 50 qu’elle se développe. Le premier magasin Ikea ouvre dans la petite ville suédoise de Älmhult en 1958 (qui abrite aujourd’hui le Centre Culturel Ikea dédié à l'histoire -hagiographique- du groupe). Quinze après, l’enseigne ouvre son premier magasin à l’étranger. Ce sera en Suisse en 1973. 

Même s'il roule pendant vingt ans dans une vieille Volvo à l'image d'autres patrons réputés pingres, il résidait en Suisse entre 1977 et 2014. L'homme devenu milliardaire s'était mis en retrait depuis quelques années, laissant la place à ses trois fils.

Ils ont d'ailleurs la nationalité suisse et ont su faire fructifier le patrimoine familial, évalué en 2017 à 48 milliards de francs suisses (soit plus de 41 milliards d’euros), caracolant depuis plusieurs années en tête du classement des 300 plus grandes fortunes de Suisse réalisé tous les ans par le magazine suisse Bilan

Entre ses sympathies pronazies dans ses années de jeunesse avant-guerre et sa détestation du fisc suédois, l'homme, réputé pour sa pingrerie, détonait dans le pays scandinave champion de l'Etat-providence et de l'égalitarisme.

Face sombre

 

« Ingvar Kamprad est parti calmement chez lui dans le Småland. Il était né en 1926 dans le Småland et avait fondé Ikea à 17 ans.  Ingvar manquera beaucoup à ses proches et à ses employés partout dans le monde », a annoncé la branche suédoise du groupe sur son compte Twitter.

Le communiqué officiel du groupe a bien fait attention à ne pas mentionner l’année de fondation d’Ikea, laissant au lecteur le soin de faire le calcul. De fait, il s’agit d’une année charnière et non-anodine : 1943. Une année qui pointe vers le passé pour le moins controversé d’Ingvar Kamprad.  

La date de fondation de l’entreprise correspond aussi à l'inscription de son fondateur dans les fichiers de la police sous l'appellation « Nazi », selon les révélations du livre de la journaliste et écrivain Elisabeth Åsbrink,  Och i Wienerwald står träden kvar (littéralement "Et dans la forêt de Vienne, les arbres restent") écrit en 2011.

Laquelle révèle dans un autre ouvrage qu'Ingvar Kamprad a même participé au mouvement nazi de Sven Olov Lindholm.
 
"En 2010, l'ancien nazi Ingvar Kamprad a déclaré que le leader fasciste Per Engdahl était une personne formidable, et je le maintiendrai aussi longtemps que je vis".

A l'instar d'Elisabeth Åsbrink, le journaliste, écrivain et chercheur en histoire suédois, Henrik Arnstad  a lui aussi enquêté sur le passé trouble du milliardaire. Et, comme l'indique son compte Twitter, il rend un hommage particulier ce 28 janvier 2018 à l'annonce de sa mort...

Dans l'un de ses travaux de recherche et d'analyse sur  : Metapediaun Wikipedia d’extrême-droite, le journaliste explique qu’Ingvar Kamprad était bien un ultranationaliste dès ses 17 ans. Voire ses 16 ans.
 
En 1942, il est entré en contact avec le chef de file fasciste suédois le plus connu, Per Engdahl (1909-1994). 

Cet intellectuel s'était enrolé dès 1928 dans l'organisation de combat fasciste de Suède, Sveriges Fascistiska Kamporganisation (SFKO)  avant de fonder son propre mouvement néonazi qui prendra le nom plus tard de Nysvenska Rörelsen (NSR, Le nouveau mouvement suédois).

Après la guerre, Engdahl avait essayé de se distancer de l'Allemagne nazie mais a toujours maintenu une position ambigüe. 

Comme Kamprad ? Lorsque ce dernier se marie dans les années 1950, Henrik Arnstad raconte que Per Engdahl était l'invité d'honneur de ces noces. Le leader fasciste a même prononcé un discours lors du dîner, alors qu'Ingvar Kamprad déclarait qu'il était fier d'être membre du mouvement politique d'Engdahl. 

Pourtant, lorsque les journalistes ont mis en lumière ce passé fasciste de Kamprad dans les années 1990, le fondateur d'Ikea a fait des excuses publiques. 

Avant de devenir, lui aussi, plus ambigü sur le sujet, en défendant le mouvement fasciste d'Engdahl, et affirmant que ce n'était pas le nazisme d'Hitler. 

Face bleue et jaune

Aujourd'hui Ikea, dont le siège social est aux Pays-Bas, s'implique beaucoup dans des projets philantropiques via sa fondation, Ikea Fondation.

Champion du storytelling à la mode "bleu-jaune", le groupe a donné par exemple, le 28 décembre dernier, 150 000 matelas au HCR afin d'aider des familles syriennes de retour à Alep

Façon d'expier peut-être ? 

Quoiqu'il en soit, chaque visiteur de l'Ikea Hotell de la petite ville qui a vu naître l'empire,  Älmhult, trouvera dans le tiroir de sa chambre, un catalogue Ikea et... une Bible.