« C’est devenu une langue familiale »

La rencontre Milan: « J’ai toujours été attiré par les langues étrangères. Au lycée, j’ai fait du latin, du grec, de l’anglais et du français. Plus tard, jeune médecin, je me suis mis à la disposition du gouvernement pour être envoyé en mission dans le cadre du programme d’aide aux pays en développement. N’importe où, pourvu que nous puissions échapper au régime communiste. On m’a affecté finalement en Tunisie pour ma connaissance, alors scolaire, du français. En travaillant, j’ai vite appris ! Maïka: « J’ai appris le français en République tchèque, au lycée. Mais comme nous n’avions pas beaucoup accès aux livres, je n’ai pas vraiment appris. C’est à notre arrivée en Tunisie que j’ai commencé à vivre la langue, en échangeant avec nos amis francophones. Et quand on est arrivé en Allemagne, en tant que réfugiés politiques, j’ai amené durant 5 ans notre fille à la frontière française pour qu’elle puisse continuer à fréquenter le lycée français. Le quotidien Milan : Nous nous sommes constitués réfugiés politiques pour ne pas retourner en Tchécoslovaquie au terme de notre séjour en Afrique. La France ne reconnaissant pas mes diplômes, nous sommes allés en Allemagne. Le français est pratiquement ma deuxième langue maternelle. Je réfléchis en français, je lis en français, bien que durant les trente dernières années j’ai dû parler et exercer en allemand. Maïka : Notre fille a fini son lycée et est partie étudier à Genève. J’y allais souvent, pour lui rendre visite puis garder mes petits-enfants. C’est avec eux et avec mon gendre que je parle aujourd’hui le français. C’est devenu une langue familiale, j’en suis très heureuse. De la France, je ne connais que Paris, que j’adore. Le Français m’a enrichie spirituellement, à travers les livres que je ne lis que dans cette langue. Je me tiens au courant de l’actualité littéraire. Le français, c’est la langue de la culture. C’est ma langue d’adoption, mais j’ai toujours mon accent, et j’en suis fière ! La francophonie Maïka : Si ce n’était pour l’art, la culture, je ne serai jamais allée à Paris. C’est une chance d’avoir une telle langue pour exprimer ses émotions. Bien sûr qu’il faut la cultiver. Les Français peuvent en être fiers. » Milan: La musicalité de la langue m’attire particulièrement. Elle est rare, élégante, il y a, du moins il y avait, un certain prestige à parler français. Bien que je maîtrise d’autres langues étrangères, c’est toujours elle que je préfère parler et entendre. »
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En français, je préfère...
Nos livres préférés : Pour Maïka : Bonjour Tristesse de Françoise Sagan, les livres de Albert Cohen, Flaubert, Camus... Pour Milan : les livres de Kundera, autant en tchèque qu’en français. Nos chansons préférées : Pour Milan, plutôt un compositeur, Erik Satie par exemple. Pour Maïka, Debussy. Elle a toujours rêvé d’apprendre le piano.
A l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui commence officiellement mercredi 20 octobre à Montreux, Le Temps a choisi de faire entendre la parole de francophones de tous les jours. Ici en Suisse, les Romands, minoritaires, se battent pour que le français reste pratiqué dans toutes les régions linguistiques. Là bas, l’Île de Pâques accueille la plus petite Alliance française du monde, aux États-Unis des enseignants s’escriment à vouloir diffuser le français, malgré le poids de l’espagnol, à Bruxelles des journalistes francophones continuent de réclamer des documents en français malgré l’écrasante supériorité de l’anglais dans les sommets et réunions de travail.

Ces entretiens ont été réalisés par notre partenaire Le Temps.