Que dit la Charte ?
Aux origines de la Charte
11.09.2013Par Catherine FrançoisEn 2007, une crise éclate dans un petit village québécois baptisé Hérouxville lorsqu’on y fait adopter une sorte de code de vie dans lequel il est précisé que la « lapidation est interdite » - référence à ce qui se fait dans certains pays musulmans. L’affaire fait alors grand bruit au Québec et les passions se déchaînent. Devant le tollé que déclenche ce « code de vie », le gouvernement libéral de l’époque met en place une Commission, la Commission Bouchard-Taylor du nom de ses deux commissaires, afin d’écouter la population sur les questions de laïcité et d’accommodements religieux. La Commission accouche d’un volumineux rapport au terme de plusieurs mois de consultations, rapport contenant une centaine de recommandations mais qui, depuis, dort sur des tablettes. Le gouvernement libéral n’y a en effet jamais donné suite lorsqu’il était au pouvoir. Le Parti Québécois qui a pris le pouvoir il y a un an a donc décidé de rouvrir le débat en accouchant de ce projet de Charte des valeurs québécoises, une première du genre.

Pour mieux vivre ensemble
Parce que l’État québécois est neutre, la Charte prévoit que tous ses employés devront respecter cette neutralité en ne portant aucun signe religieux visible durant leurs heures de travail. Autrement dit, le port du hidjab, de la kippa, du turban, de la croix seront interdits pour toute personne travaillant dans le secteur public et parapublic, le personnel médical, les enseignants, les juges, les éducatrices dans les crèches, les employés municipaux, etc. Par contre, dans un soucis de flexibilité et pour se donner du temps afin d’intégrer ces changements, les municipalités, les universités et les hôpitaux pourront autoriser leurs employés à porter des signes religieux visibles à condition que ce soit validé par les élus ou les conseils d’administration. Et ces accommodements seront valables pour une durée de 5 ans maximum. Un assouplissement en quelque sorte dans certains secteurs étatiques.
Accomodements
La Charte prévoit également des règles précises pour encadrer les accommodements religieux, notamment le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. Autrement dit, un accommodement peut être refusé s’il ne respecte pas cette égalité.
"Ce n’est pas pour diviser, c’est pour rassembler, c’est pour unir, c’est pour faire en sorte qu’on puisse vivre ensemble en se respectant" a déclaré la première ministre Pauline Marois, qui croit que cette Charte pourrait être aussi rassembleuse que la Charte de la langue française adoptée par le même Parti québécois en 1977 et qui vise à défendre et promouvoir la langue française au Québec.
Les pour et les contre
Si cette idée de Charte des valeurs québécoises n’est pas bien accueillie du côté du Canada anglais, en général beaucoup plus ouvert au multiculturalisme et frileux envers toute référence identitaire, elle est soutenue par une vaste majorité de Québécois d’origine francophone selon les derniers sondages : 65% appuient la Charte et un peu plus de 60% se disent en accord avec sa principale recommandation, soit l’interdiction de tout signe religieux au sein de la fonction publique. Ce qui n’empêche pas qu’il y ait une levée de boucliers de la part de partis d’opposition – tant au Québec qu’au Canada – et d’organismes.
Analyse
11.09.2013Propos recueillis par Isabelle MourgèreJean Baubérot est historien et sociologue de la laïcité. Il nous livre sont regard sur cette charte des valeurs québécoises et, plus généralement, sur la façon dont sont conduits les débats autour de la Laïcité.
Et ce crucifix ?
Le gouvernement du Parti Québécois a par contre décidé de laisser accrocher sur le mur d’un salon de l’Assemblée nationale un crucifix parce qu’il est un symbole du patrimoine culturel et historique du Québec. Une décision qui soulève des questions ici, beaucoup y voyant une certaine contradiction.
